Tarif des consultations médicales : 4 questions pour comprendre les enjeux des négociations

Des discussions entre l’Assurance maladie et les syndicats de médecins libéraux s’achèvent ce mardi 28 février. Elles devaient permettre de fixer les nouveaux tarifs des consultations, mais se dirigent vers un blocage. Le principal point de tension concerne un projet de Contrat d’engagement territorial. Voici 4 questions pour décrypter cette situation tendue et ses conséquences pour les médecins, et pour les patients.

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Nous avons souvent parlé ces dernières semaines des manifestations de médecins libéraux qui demandent une revalorisation du tarif de leurs consultations, mais nous avons peu développé le contexte dans lequel le mouvement s’inscrit. Il est pourtant fondamental pour comprendre les conséquences concrètes du blocage qui s’annonce.

Une négociation conventionnelle, c’est quoi ?

Depuis novembre 2022, comme tous les 5 ans, les syndicats de médecins et l’Assurance maladie ont entamé un processus de négociations conventionnelles. Il sert essentiellement à fixer les tarifs de remboursement des soins médicaux aux assurés sociaux.

Il s’agit d’une spécificité du système français : schématiquement, en Angleterre, l’accès aux médecins est gratuit, ce sont les impôts qui les payent directement. Aux États-Unis, c’est le patient qui paye, et il se fait éventuellement rembourser avec une assurance privée. En France, le patient paye le médecin et la sécurité sociale rembourse le patient, mais les tarifs des médecins ne sont pas fixés par les médecins eux-mêmes.

Actuellement, les syndicats de médecins généralistes dénoncent des conditions d’exercice de plus en plus difficiles avec des rémunérations qui stagnent malgré l’inflation. De son côté, l’Assurance maladie doit répondre à d’autres enjeux, comme la lutte contre la désertification médicale ou l’accès aux soins non programmés. Le gouvernement fixe un cadre et un budget, et la négociation doit permettre de trouver un équilibre.

Quelles propositions sont sur la table ?

Depuis 2017, le tarif d’une consultation chez un médecin généraliste sans dépassement d’honoraires est de 25 €. À cela s’ajoutent d’autres types de rémunérations, par exemple sur des objectifs de santé publique.

Cette année, l’Assurance maladie a d’abord avancé un nouveau socle : une revalorisation de la consultation pour tous les médecins de 1,50 euros, ou encore une nouvelle consultation à 60 euros pour les prises en charge complexes.

Autre proposition de l’Assurance maladie : un nouveau dispositif, le Contrat d’engagement territorial (CET). Thomas Fatôme, directeur de la Caisse nationale d’Assurance maladie, expliquait en janvier dans Le Figaro qu’il voulait "reconnaître l’investissement des médecins libéraux qui s’engagent sur leur territoire et inciter leurs confrères à les suivre dans cette démarche collective."

Concrètement, il s’agit, cette fois, d’augmenter le tarif de la consultation d’un médecin généraliste de 25 à 30 euros. Mais il y a des contreparties. Les médecins doivent en effet s’engager sur plusieurs thématiques : l’amélioration de l’offre médicale, l’accès financier aux soins et la participation aux besoins de soins du territoire. Les médecins doivent, par exemple, recevoir davantage de patients, travailler certains samedis matin ou certains soirs, ou exercer dans un désert médical.

Selon l’entourage du ministre, cette revalorisation représente un investissement annuel d’1,5 milliard d’euros. Pour un médecin, ce serait 20 000 euros de revenus supplémentaires par an. Toujours selon le ministère, il faut choisir seulement certains critères, tous ne sont pas obligatoires. Et plus de 40 % des médecins rempliraient déjà ces conditions.

Qu’est-ce qui coince ?

Coté médecins, l’ensemble des syndicats s’oppose à ce projet de convention.

Jean-Christophe Nogrette, médecin généraliste à Feytiat, en Haute-Vienne et membre du syndicat MG France, s’insurge : "On nous propose un marché de dupes : si vous voulez être payés mieux, il faut travailler plus. En Haute-Vienne, nous avions 430 médecins il y a 10 ans, et seulement 350 aujourd’hui. Comment voulez-vous que les médecins qui restent travaillent plus ?" 

Mickaël Frugier, médecin généraliste au Vigen, toujours en Haute-Vienne et membre de la fédération des médecins de France (FMF), répond déjà aux critères du CET : "Je fais des gardes, je travaille le samedi matin, j’ai un exercice coordonné, j'accueille des internes… " Pourtant, il s’oppose également à la proposition de l’Assurance maladie : "Les histoires de vie des professionnels de santé sont toutes différentes. Par exemple, on ne peut pas demander la même chose à un confrère âgé ou qui a des soucis de santé. Pourtant, il vaut mieux l’avoir sur le terrain plutôt que s’il arrête de travailler." Lui demandait une consultation à 50 euros, sans contrepartie, pour embaucher des collaborateurs ou réaliser des investissements. Il dénonce maintenant ce qui s’apparente selon lui à du mépris : "Il y a un problème de confiance. On ne peut pas avoir ce discours-là vis-à-vis de professionnels qui rendent service à la population avec les moyens actuels."

De son côté, le ministre de la Santé n’apaise pas vraiment la situation. Il déclare ce lundi 27 février sur France Inter : "J’ai demandé aux syndicats de médecins de faire aussi un pas vers nos concitoyens, mais je constate qu’ils le refusent. Ils pénalisent donc tous les Français." Sur les raisons de cet échec, son entourage nous précise : "On estime que l’Assurance maladie a fait beaucoup d’avancées pendant les négociations, le nouveau point de sortie n’est pas le point d’entrée. En face, les positions n’ont pas bougé."

Selon Jean-Christophe Nogrette, il fallait, dès le départ ,davantage de moyens pour rendre le rôle du médecin généraliste plus attractif : "Comment voulez-vous que des jeunes aient envie de bosser 55 h par semaine pour une consultation moins valorisée que l’inflation ?"

Que va-t-il se passer ?

Les syndicats de médecins ont annoncé qu’ils ne signeraient pas la nouvelle convention proposée par l’Assurance maladie. La date butoir était fixée à ce mardi 28 février.

L’article L162-14-2 du code de la Sécurité sociale prévoit qu'en cas de rupture des négociations, un arbitre arrête un projet de convention. L’arbitre rencontre tous les acteurs et propose son projet dans les trois mois. Il n’y a pas d’obligation d’avoir leur accord, seule compte l’approbation du ministre de la Santé et de la Sécurité sociale. Sans cette approbation, l’ancienne convention continue de s’appliquer.

Ce lundi matin, l’entourage du ministre de la Santé se disait confiant dans le processus, sans en anticiper les contours précis. Mais ce "règlement arbitral" pourrait être moins-disant pour les médecins et les patients : "Le ministre, à ce stade, n’a pas envie de donner la même chose dans un règlement que dans une négociation. On a tous intérêt à ce que le modèle conventionnel vive et que le fait de signer ait un bénéfice pour les médecins. L’enjeu n’est pas d’aboutir à la même solution."

De son côté, Jean-Christophe Nogrette n’est pas optimiste pour ses revendications : "Dans une négociation conventionnelle, le gouvernement fixe l’enveloppe, l’Assurance maladie propose des choix pour dépenser l’enveloppe, et les médecins négocient. Là, il n’y aura pas de négociation."

Sauf coup de théâtre, la procédure d'arbitrage devrait débuter dans les prochains jours. Des médecins menacent aujourd'hui de se déconventionner, leurs soins ne seraient alors plus remboursés. Cet épisode ne va pas apaiser un climat déjà très lourd dans le monde de la santé.

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