Après avoir été renvoyé à deux reprises en février puis en avril 2023, le procès pour travail dissimulé de la société Chalair et de son PDG, s'est tenu ce vendredi 2 juin 2023, au tribunal de Limoges. La compagnie aérienne qui assurait, jusqu'en mars, les liaisons avec Paris, et encore aujourd'hui celle avec Lyon, est au cœur d'un dossier complexe.
La compagnie Chalair a-t-elle organisée un système frauduleux en sous-traitant la ligne Limoges-Lyon, largement subventionnée par la Chambre de Commerce et d’Industrie ?
Chalair exploitait commercialement la ligne Limoges-Lyon avec les moyens humains et techniques de la Compagnie portugaise Lease Fly, autre compagnie de la Holding dont le frère d’Alain Battisti, Francis Battisti est secrétaire général.
Travail dissimulé ?
Chalair est donc poursuivie pour être complice de l’autre filiale de sa holding Lease Fly, créée à cette fin au Portugal. "Mais pas du tout !" répond Alain Battisti, PDG de Chalair.
Les personnels navigants étaient parfois français, et déclarés comme salariés en France. Parfois portugais, ils étaient donc déclarés au Portugal.
Pour le parquet, derrière ce montage se cacherait la volonté de contourner le droit du travail français avec des salariés travaillant en France, non déclarés aux organismes sociaux. Au moins trois salariés n’auraient pas été déclarés en France. Les investigations au Portugal n’ont pas permis aux enquêteurs d’identifier le nombre et l’identité d’autres salariés.
Alain Battisti, PDG de Chalair conteste cette vision des choses et ne voit aucun intérêt économique à un tel système. "En tant que client de Lease Fly, nous devions prendre en charge les frais d’hébergement, de restauration et les billets d’avion Portugal-Limoges pour le personnel portugais. Ce qui représente sur un mois près de 9 000 € par salarié. Bien plus que des cotisations sociales si ce salarié avait été déclaré en France. Je ne vois donc pas l’intérêt économique."
Il soutient qu’il s’agissait de personnels détachés, mais avoue à la barre, qu’il n’en avait pas saisi les obligations juridiques. "La réalité est évidemment toute autre avec une activité stable. Des avions qui étaient stationnés à Limoges et des salariés qui embauchaient à limoges et qui rentraient le soir à Limoges. Donc il y a une activité stable et continue en France", explique l'avocat de l'Urssaf - partie civile, Jean Valière-Vialeix.
Stéphanie Guedes Da Costa, avocate de la Caisse de retraite des personnels navigants - partie civile ajoute : "Ce n’était pas du personnel en détachement. D’ailleurs, aucune formalité de détachement n’a été accomplie, donc c’était nécessairement de l’établissement avec une obligation d’être assujettie aux caisses en France."
Alain Battisti apparait surpris à la question de la présidente sur la notion juridique de salarié en détachement. "Je ne suis pas juriste", répond-il.
Alain Battisti, ex-président de la Fédération nationale de l’aviation
Sauf qu’Alain Battisti a été pendant dix ans le président de la Fédération nationale de l’aviation et ces métiers. Pour le syndicat national des pilotes de ligne France Alpa, ce professionnel éclairé avait un devoir d’exemplarité, d’autant que l’entreprise a bénéficié de subventions de la CCI de Limoges s’élevant à plus de 2 500 000 €.
Nous pensons qu’il y a un devoir d’exemplarité quand on prétend se battre contre les low-cost et faire respecter le droit européen et le droit français. On se doit soi-même de ne pas avoir de comportement illicite dans son entreprise.
Claire Hocquet, avocate du Syndicat national des pilotes de ligne France Alpa - partie civile
Pour le Parquet et l’URSSAF, même si le délit de travail dissimulé n’est pas une infraction pour laquelle il faut prouver l’intention, ce système a été intentionnellement monté pour contourner le droit du travail français comme d’autres compagnies low cost telles que Ryanair ou EasyJet.
Le procureur a requis 80 000 euros d’amende à l’encontre de la compagnie Chalair. 15 000 à l’encontre de son dirigeant qui n’a pas souhaité s’exprimer à notre micro. Et deux ans avec sursis d’interdiction de gérer une entreprise.
Le jugement sera rendu le 1 septembre 2023.