Ventes immobilières à l'arrêt ou seulement ralenties pendant le confinement ?

Aucune visite de bien possible, des actes en attente de signatures... l'activité immobilière est évidemment très impactée par le confinement. Les vendeurs attendent. Certains acheteurs voient leur avenir se dessiner autrement avec la crise. Agents immobiliers et notaires à l'arrêt, ou au ralenti.

Sébastien Chillou a curieusement choisi son moment pour se lancer dans sa nouvelle activité d'agent immobilier : le 1er avril 2020 ! Le contexte de la crise sanitaire aurait pu le faire douter mais il a assumé la transmission de deux agences au centre ville de Limoges avec confiance.


Le marché immobilier ici à Limoges était bon voire très bon avant la crise sanitaire. On avait un mois d'avance sur les ventes. Evidemment, depuis le confinement, ce n'est plus le cas. On a tout de suite fermé les agences pour protéger nos collaborateurs et nos clients. Le chômage partiel touche 90% de notre réseau, voire 100% pour certaines agences. Mais si effectivement, c'était le point mort total en mars, depuis deux semaines, on constate un net frémissement avec les consultations de nos annonces sur nos sites internet, ça bouge, est-ce que ça va se concrétiser en actes à la sortie du confinement ? Réponse dans quelques mois

 


En attendant la réouverture des agences, le réseau dont dépendent les deux agences de Sébastien Chillou a organisé une multitude de formations en ligne à la disposition des collaborateurs. Un moyen de garder le lien et de renforcer les compétences à la sortie du confinement.

Quelques mandats de vente sont obtenus grâce à la signature électronique déjà en place avant la crise covid-19. Les acquéreurs ont également la possibilité d'avoir un coup de coeur en consultant les visites virtuelles des biens proposés sur le site internet, une façon aussi de mieux cibler son projet d'acquisition.
 

Plus de maisons que d'appartements dans les projets d'acquisition ?

On peut penser que les conditions de vie en appartement pendant le confinement vont déclencher des envies de maisons, en locations ou en achats. La vie plus compliquée dans les grandes métropoles peut aussi motiver des acquéreurs à se tourner vers la campagne. Pour Alain Damaye, agent immobilier et syndic de gestion d'immeubles, il faut voir.
 

Notre mémoire est courte. On peut en effet penser que cette étrange période va laisser des traces, mais on sait aussi qu'on oublie vite, l'été va passer, la vie va sans doute reprendre son rythme lorsque l'activité va pouvoir reprendre... personne ne peut vraiment dire ce qui va se passer. Il y a eu beaucoup de solidarité depuis le 16 mars, même dans notre profession, nos syndicats se sont entendus pour l'intérêt de tous, nous avons reçu toutes les informations rapidement, l'état d'esprit s'est humanisé, ce serait bien que ça perdure.

 
Philippe Picard est agent immobilier. Salarié depuis 18 ans, il venait de faire choix en début d'année de devenir indépendant. Il est désormais conseiller immobilier à la transaction pour l'une des plus anciennes agences à Limoges. Cette période est évidemment compliquée pour démarrer une activité, même s'il s'était préparé à n'avoir que très peu de revenus au démarrage. Les transactions qu'il pensait voir aboutir sont différées et la prospection est quasiment impossible.
 

Evidemment, je passe des appels, mais au-delà de la convivialité, il est difficile d'amorcer une relation commerciale dans la mesure où on ne peut pas faire visiter de bien. Certes il y a internet, mais notre métier est avant tout une profession de contact direct. Il y a les questions que se posent les acquéreurs ou les vendeurs et celles qu'ils ne pensent pas encore poser. Nous avons aussi tout un travail de médiation pour accompagner une réflexion, et ça, ça passe quand on se voit.


Et il se pose de nombreuses questions : les prix de l'immobilier vont-ils évoluer ? Les taux vont-ils monter ? Le marché va t-il rester stable ? Les banques, qui vont être particulièrement sollicitées pour accompagner l'économie et les entreprises, vont-elles se montrer plus frileuses pour accorder des prêts aux particuliers ?
 

Quant aux transactions déjà conclues en agences immobilières avant le confinement, certaines ont pu se concrétiser en études notariales.

C'est notamment le cas lorsque tous les documents ont pu être réunis auprès des administrations et des mairies. Il faut souligner qu'une ordonnance gouvernementale du 15 avril a introduit plus de souplesse dans les délais, qui ne courrent plus pendant l'état d'urgence, les deux mois de préemption des mairies par exemple. Pour l'enregistrement de l'acte auprès de l'administration fiscale, la profession a été l'une des premières à être dématérialisée, donc les clercs de notaires n'ont plus besoin de se déplacer physiquement.

Restait la question de la signature de l'acte de vente à l'étude. Les notaires ont donc dû s'organiser autrement, faute de pouvoir réunir tout le monde à l'étude. Lorsque le notaire était déjà en contact avec les vendeurs et les acquéreurs, les avait notamment déjà rencontrés, il a pu procéder à l'authentification de la transaction sur présentation d'une procuration sous seing privé. Cette modalité ne peut être retenue lorsque le notaire ne peut être sûr de la réalité de l'identité de l'auteur de cette procuration.
 
Maître Philippe Hogrel, Notaire à Bellac et délégué de la Chambre Interdépartementale en Limousin, reconnait que les transactions signées à ce jour ne représentent que 5% de ce qui aurait dû l'être, c'est-à-dire seuls les actes déjà très avancés dans leur préparation (moyenne nationale).

Un premier décret, pris au tout début du mois d'avril, a pu permettre d'envisager une augmentation des actes grâce à l'accélération de la mise en place d'une signature et d'une comparution à distance, sorte de visio-conférence sécurisée jusque là dans les tuyaux mais qui peinait à être installée partout dans les études notariales. Sauf que concrètement, le système est installé par un prestataire européen, unique car agréé, dont un technicien doit passer physiquement à l'étude avant, comme l'explique Philippe Hogrel. Cela va donc prendre du temps. Il s'agit d'une mesure expérimentale et dérogatoire, mais qui pourrait se généraliser définitivement dans les mois à venir, pour certaines situations d'éloignement des parties au contrat.
 

Reste qu'il faut que l'acquéreur puisse visiter une dernière fois le bien juste avant de signer, pour s'assurer que celui-ci n'ait pas supporté de dégradation par exemple ou qu'il ait bien été vidé. Des visites compliquées à mettre en place en ce moment. Les vendeurs n'ont pas pu par ailleurs organiser leur déménagement. Les acquéreurs non plus.

Du côté des banques, celles-ci ont toutes mis en place une organisation de suivi de dossier par télétravail. Les réponses aux demandes de prêts sont obtenues dans des délais plus longs mais elles arrivent, selon Maître Philippe Hogrel.
 

Des questionnements pour l'avenir


L'insécurité économique des mois à venir, le chomâge qui est redouté, les pertes d'exploitation... autant de facteurs qui pourraient provoquer des renversements de situation. Pour Maître Philippe Hogrel, on avance à vue.
 

Oui, on pourrait imaginer que des prêts accordés et acceptés, qui lèvent donc la condition suspensive de l'engagement, puissent au final mettre dans l'insécurité certains acquéreurs touchés par la crise. J'espère que ce genre de situation ne se présentera pas trop car pour l'instant nous n'avons pas de réponse, la seule de toute évidence serait dans ce cas contentieuse, puisqu'il y a accord sur la chose et sur le prix.


En attendant, le télétravail se poursuit pour certains collaborateurs des études notariales, le chômage partiel pour d'autres. La profession s'organise d'ores et déjà pour la sortie du confinement et le retour dans les études. Mais l'accueil du public comme avant n'est pas pour tout de suite. Tout se fera sur rendez-vous, sans faire croiser trop de personnes. Les achats de masques, de protections vitrées, de gel sont en cours. "Le télétravail va également devenir désormais une option à étudier si certains de nos collaborateurs le demandent", reconnaît Maître Philippe Hogrel, même si son équipe lui dit être impatiente de retrouver le chemin du travail, ensemble.

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