Alors que la session de la cour d'assises de la Haute-Vienne vient de se terminer, la nouvelle cour criminelle départementale prend le relais, ce jeudi 29 juin à Limoges, pour juger un procès criminel, un viol incestueux sur mineur de moins de 15 ans. Explications pour comprendre les différences et les similitudes de ces deux juridictions.
Ce jeudi 29 juin, s'ouvre la première session de la toute nouvelle cour criminelle départementale (CCD) de la Haute-Vienne. Un procès qui jugera un viol incestueux sur mineur de moins de quinze ans.
Désormais, la cour d'assises n'est plus la seule à juger les crimes. Depuis le 1er janvier 2023, les cours criminelles départementales sont ainsi entrées en vigueur partout en France et vont récupérer plus de la moitié des affaires, jugées par la cour d'assises. Meurtre, viol, violence avec arme... Uniquement des crimes passibles de quinze à vingt ans de prison. La cour d'assises, elle, jugera les accusés dont la peine encourue est supérieure à vingt ans de prison.
La CCD, composée de cinq magistrats, a été pensée pour désengorger les assises, raccourcir les délais de comparution et éviter la correctionnalisation de certains crimes. Une réforme décidée par l'ancienne garde des sceaux, Nicole Belloubet, qui trouve son origine dans la loi éponyme de 2019. Les CCD étaient à l'état d'expérimentation depuis 2019 dans certaines régions, avant d'être mises en place sur tout le territoire.
Polémique autour de la suppression des jurés populaires
La différence notable entre les deux juridictions consiste en l'absence de jurés populaires dans les cours criminelles départementales, qui ont été remplacés par des magistrats. Supprimer les jurés populaires a un objectif : gagner du temps. "L’absence de jurés permet d’économiser du temps de greffe ainsi que le temps consacré au tirage au sort et à la préparation des jurés", peut-on lire dans un rapport gouvernemental publié en 2020. Une audience en CCD durerait une demi-journée de moins qu'aux assises.
Une décision qui a fait débat, voire créer une polémique au sein du monde judiciaire, craignant "un recul démocratique", comme l'avait exprimé Richard Doudet, bâtonnier de Haute-Vienne, pour France 3. Hérités de la révolution et créés en 1791, la cour d'assises et ses jurés populaires offraient pour la première fois au citoyen d'être juge.
Accès à l'intégralité du dossier : une nouveauté
Autre différence importante : les magistrats auront, lors d'une audience devant la cour criminelle départementale, accès à l'intégralité du dossier, même en délibéré. Chose qui n'était pas le cas pour un procès en cour d'assises. "Cela nous permettra peut-être de fournir un travail plus approfondi, déjà sur la connaissance du dossier par les autres assesseurs [juge qui assiste le président du tribunal et délibère avec lui, NDLR]", estime Corinne Mathon, présidente de la cour d'assises et de la CCD de la Haute-Vienne.
Pour d'autres, cette nouveauté est plutôt regrettable. Trois avocats avaient signé une tribune, en juin 2020 dans Le Monde, pour alerter sur ce que représente la fin de l'intégralité des débats oraux. Aux assises, c'est tout l’intérêt : jurés et assesseurs n’ont pas accès au dossier d’instruction. Seuls les témoignages et les plaidoiries leur permettent de se forger un avis avant de décider de la culpabilité d’un accusé. Avoir accès aux écrits en amont peut ainsi présenter un biais : celui de ne plus être objectif.
Corinne Mathon se veut néanmoins rassurante, insistant sur la procédure qui reste similaire entre les deux juridictions : "Le procès devant la cour criminelle départementale se passe de la même façon qu'aux assises, c'est-à-dire qu’on entend les mêmes témoins, les mêmes experts et on prend le temps nécessaire pour que toutes les parties puissent poser les questions."
"La cour criminelle départementale, selon moi, n'est ni un tribunal correctionnel amélioré, ni une cour d'assises au rabais."
Corinne Mathon, présidente de la cour d'assises et de la CCD de la Haute-VienneFrance 3 Limousin
Le garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, a également souhaité rassurer en expliquant que "si le justiciable n'est pas content d'une décision rendue par la cour criminelle départementale, il interjette appel, et en appel, il retrouve la cour d'assises traditionnelle", au micro de France Inter, en janvier dernier.