Comme les points forment une ligne continue, les portraits de Nicolas Fay font un film. Logique, implacable, remarquable. Ils ne sont pas une succession de rencontres, ils sont une mozaïque de visages qui nous oblige à porter un regard singulier sur des hommes et des femmes qui font la force d'un territoire : le Limousin.
C'est une expérience bien peu commune que de regarder un film documentaire en connaissant sa durée (52 minutes) et de se dire dans le même temps que l'on n'a pas envie qu'il se finisse. C'en est une autre que de se dire une fois la dernière image du générique disparue, la dernière note de musique évaporée que l'on regarderait bien une deuxième fois le documentaire. Les authentiques est un documentaire qui non seulement tient ses promesses mais nous tire vers le haut car il nous place au coeur des préoccupations des protagonistes du film. Il nous oblige à réfléchir. Que l'on vivre à la campagne ou en ville, peu importe. Au fond, ce qui compte, c'est notre positionnement d'humain que nous devons bâtir comme un trait d'union entre le passé dont nous sommes les héritiers et le futur que nous laisserons aux générations à venir. Entre les deux ? Il y a nos vies, puis celles des autres. Nicolas Fay a donné la parole à des acteurs du quotidien qui ne se satisfont pas de dire qu'il faut changer le monde et qui sont à la tâche pour le rendre meilleur, c'est à dire...authentique.
Nicolas Fay, réalisateur de la proximité
Faire du vrai avec du faux a été la principale occupation de Nicolas Fay pendant trente ans dans le monde de la publicité. Pour cela, il a parcouru la planète ; cela peut paraître anodin mais à la vérité, c'est probablement ce qui fera de lui un réalisateur de l'hyper-proximité.
Il vivait ses séjours en Limousoin comme un rendez-vous avec le moyen-âge. Puis la pandémie liée à la COVID est arrivé, et il a cessé de compter les heures de voyages, les kilomètres qui s'enchaînaient et les nuits trop courtes. Le confinement a signé pour lui la période d'un choix crucial : celui de venir en Limousin, se cacher. C'est en tout cas ce qu'il croyait car depuis il met les autres dans la lumière et prend sa part.
L’authentique n’est pas un algorithme dans le Limousin, c’est un savoir vivre.
Nicolas Fay
Nicolas Fay aime "faire de l'image", alors il profite de cette pause imposée pour filmer avec son téléphone ses voisins. C'est pour lui un bouleversement, une remise en question complète qui guide sa réfléxion tout à fait nouvelle : et si, au lieu d'avoir 40 ans de retard, ce pays, le limousin, avait 40 ans d'avance ?
De ces rencontres naît une web-série : Les résistants.
Naturellement, l'envie de rester dans cette région est dévenue une évidence. Celle de filmer à nouveau ces " résistants" pour constater combien ils sont "authentiques" une autre évidence comme pour crier haut et fort et montrer le plus loin possible, que sur ce bout de terre parfois moquée, existe en réalité un laboratoire de potentiels inouïs dans tous les domaines : artisans, agriculteurs, ingénieurs, artistes...
Dans Le Populaire en date du 20 octobre 2022, il confie à Anne-Marie Muia qui a consacré un article au film Les authentiques :
J'ai voulu montrer que l'authenticité, c'est être soi-même, accepter les changements de vie et essayer de vivre ensemble. Et tout ces authentiques m'ont soigné...
Nicolas Fay
Des visages et des mots : 34 rencontres en 52 minutes
Cette histoire commence par un constat : et si ce pays, Le Limousin, que l’on dit sur la diagonale du vide était en fait secret par Nature ?
Nicolas Fay
On dit qu'en Limousin les gens ont du caractère ? C'est une réalité. Gilles Dudugnon, chef étoilé de La Chapelle Saint-Martin est l’un d’entre eux. Pour lui, le Limousin est un paysage, un héritage. Mais connait-il vraiment son authentique ? Le réalisateur a partagé sa passion pour cette région et son engagement en le suivant dans son quotidien et en interrogeant son entourage.
À quelques kilomètres de la Chapelle Saint Martin, Claire et Gaël, un couple trentenaire, deux jeunes bretons, viennent de s’installer. Elle fait des légumes bio selon la méthode canadienne de Jean-Martin Fortier qui consiste à nourrir le sol pour récolter plus sur une même surface. Lui est paysan boulanger. Il fait sa farine pour son pain, une farine fraîche et ça fait toute la différence. Le couple vit l’aventure paysanne. ll n'est jamais avare pour partager ses engagements et ses valeurs.
Alors quand le chef étoilé débarque sur la ferme, il écoute bien-sûr, il interroge autant qu'il s'interroge. Nicolas Fay le dit à qui veut l'entendre : le chef est ressorti K.O. de cette visite pleine...d'authenticité.
Si le documentaire pose les bases d'une vision nouvelle du vivre et travailler ensemble autrement, il permet aussi de se poser des questions, de prendre le temps de la réflexion. La nature est source d'inspiration.
Comment comprendre le système terre, ses ressources ? Voilà l'une des questions posées. Dans les monts d'Ambazac, à 20 minutes de Limoges : la Tourbière des Dauges. Philippe est son conservateur. Il rencontre deux ingénieurs de Limoges spécialisés dans le stress hydrique dont la société Aquassay. A l'horizon 2050 en Nouvelle-Aquitaine une chose est certaine, on ne pourra pas simultanément refroidir les centrales nucléaires, arroser les cultures et boire – Alors sommes-nous les propriétaires de la terre ? Ou simplement greffé sur un système que l’on ne comprend pas ? Interroge le réalisateur.
De son côté, le deuxième ingénieur rencontré, Nicolas Picard a mis au point un système pour remplacer le fongicide par de la lumière pulsée. Mais ce système lutte contre les lobbies. La solution existe pour faire autrement, mais le curseur met du temps à bouger chez ceux qui pensent d'abord à ne pas changer l'existant.
L'une des séquences du film qui interroge le plus se passe à Bellac : cas unique en Europe d’une ville qui passe de 5000 habitants à 3500 en quelques années, tout en multipliant par 20 ses zones de surfaces artificielles. Nicolas Fay consacre quelques minutes de son film à l'architecture régénérative. Des professeurs architectes invitent les élèves en architecture de Versailles à investir une zone rurale pour penser les villes de demain en adaptant le projet aux ressources.
Le Limousin est réputé pour son agriculture. Mais quelle agriculture ?
Jean-Eric, paysan bio depuis 27 ans, avec 60 vaches, ne veut pas de « ferraille à crédit » ? Comprenez que les gros engins payés à crédit ne l'intéressent pas. Il possède une petite ferme qui fonctionne bien et fait des légumes. Non seulement ça lui suffit mais c'est pour lui ce qui devrait être fait, ailleurs, même à quelques kilomètres de chez lui.
Le facile est difficile à faire comprendre.
Jean-Eric, agriculteur
Suivent une série de rencontres qui trouvent toutes une résonannce dans nos vies.
Elisa a 21 ans, c'est une star des réseaux sociaux. À l’école, on ne lui enseigne pas le facile et encore moins le bio. On lui enseigne un système qui ne pourra pas durer, elle le sait.
Dans le Limousin on produit de la viande de qualité que l’on exporte et l’on importe de la viande de merde, que l’on mange
Elisa
Et puis il y a Aymeric, militant écologiste. Confronté à ses idéaux, il se rend compte qu’être écolo, ce n’est pas forcément être bio, c’est être paysan sur son sol, en collectif, pour partager du matériel avec son ami Gaspard par exemple.
Gaspard est le président de Saveurs Fermières, un collectif qui fait de la vente directe, qui valorise le travail des agriculteurs et qui fait 3,2 millions d’euros de chiffre d’affaires. Rien que ça.
Le circuit-court se propage dans les petits villages du Limousin où les initiatives se multiplient pour que toutes et tous se connectent entre eux.
Le réalisateur se demande aussi si des médias et des agences de communication suivent la tendance. Méfia té, ça veut dire Méfie-toi en Limousin. Oui, méfiez-vous du Limousin. Ce journal parle du territoire car il en est l'un des acteurs.
Cela faisait trois ans que le réalisateur de pubs n’avait pas vu une agence de communication. La Belle Verte n’est pas sur les champs Élysées mais en milieu rural, en Limousin. Quand cette agence de communication gagne de l’argent, elle le redistribue entre autre à l'association, Gravir pour guérir (lutte contre la mucoviscidose). Dans le film, on quitte un instant le Limousin pour gravir les sommets du Kilimandjaro mais très vite on revient sur les terres qui sont l'objet du documentaire.
Quand on demande à Nicolas Fay ce qu’ils ont tous dans cette région ? Il répond :
Ils ont compris que le progrès c’était de faire avec les humains qui sont tes voisins. Ils ne sont pas là pour changer le monde. Ils le changent.
Nicolas Fay, réalisateur
Le Limousin est aussi une terre de culture et de rencontre.
À la ferme de Villefavard, il y a 30 ans un architecte visionnaire, Gilles Erbersolt et un botaniste utopique Francis Hallé, sont allés observer la canopée des arbres. 30 ans qu’ils ont compris que les gens qui n’avaient pas de rêves étaient à plaindre.
D'autres rencontres forme une ligne conductrice, d'image en image, de sourire en sourie, de mot en mot. C'est beau et on voudrait que ça dure encore.
Retour sur l'avant-premiere
Le samedi 8 octobre 2022, une projection en avant-première du film Les authentiques était proposée à la Ferme de Villefavard (nord haute-Vienne) dans le cadre des rencontres de Villefavard.
La salle était comble pour découvrir le travail de Nicolas Fay en présence d'élus locaux, départementaux et régionaux mais aussi des protagonistes du documentaire. Le public présent était visiblement conquis, il a même gratifié le réalisateur d'une très longue standing ovation.
Ci-dessous quelques messages reçus par Nicolas Fay au lendemain de ce rendez-vous :
L'émotion retombée, parce que oui "Les authentiques" provoque de véritables émotions, je te félicite à nouveau pour ton travail remarquable. Ton objectif est bien plus puissant que n'importe quel scanner. Il voit l'invisible. Convictions et passions ne peuvent lui échapper. La diversité des profils est certaine et donne un juste équilibre. Leur point commun, qu'est l'enracinement à ce territoire unique, s'impose comme une évidence.
Hugues
Mon cher Nicolas, je voulais te féliciter pour ce film "les authentiques" car en plus d'être pour moi un message d'espoir sur la capacité de l'homme à agir pour l'homme, j'ai eu le privilège de voir la profondeur d'un homme qui amène à regarder différemment, et par ce prisme change son monde et donne espoir à tous.
J'ai dû pleuré pendant 98% du documentaire (et je ne parle pas de ta prise de parole qui a fini de m'achever :D). Tout est rempli de bons sentiments et plein d'espoir. Il a été comme une bouffée d'oxygène et donne un peu confiance en l'avenir. Alors merci !
Chloë
Bravo Nicolas pour ce documentaire poétique, émouvant et si vrai! Annick M
Annick M
Une table ronde a suivi la projection.
Le documentaire Les authentiques réalisé par Nicolas Fay (co production Memento et France 3 Nouvelle-Aquitaine) sera diffusé à 23.00 le jeudi 27 octobre et disponible en replay sur france.tv 30 jours après sa diffusion.