Plus d’une semaine après la rentrée scolaire, Sultana Néziri, professeure d’anglais non voyante au lycée Léonard Limosin, n’a toujours pas pu retrouver ses élèves. Son accompagnante des personnels en situation de handicap (APSH) a démissionné quelques jours seulement avant la rentrée et l’inspection académique peine à lui trouver un remplaçant.
À chaque fois que je dois trouver quelqu'un, c'est une période de stress immense qui commence.
Sultana NéziriProfesseure d'anglais
Elle aurait préféré ne pas vivre un tel stress en ce mois de septembre. Quelques jours seulement avant la rentrée, son accompagnante des personnels en situation de handicap (APSH) démissionne, empêchant cette professeure agrégée d'anglais non voyante de faire cours devant ses élèves de lycée.
On connaît les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), on connaît moins leur équivalent pour les enseignants. Au lycée Léonard Limosin, trois professeurs sont en situation de handicap, mais Sultana Néziri est la seule pour qui la présence d'un APSH est indispensable. Son rôle est crucial à tous les stades de son activité : pour la préparation des cours, l'accompagnement pendant les heures de classe... Sultana Néziri détaille : "Elle va être mes yeux d'une certaine façon : faire l'appel sur ProNote, écrire le cours au tableau ou sur ordinateur, recadrer les élèves si besoin..."
Étroite collaboration
Prérequis : un bon niveau d'anglais, car l'APSH participe aussi activement à la correction des copies. “On y passe énormément de temps parce que corriger à deux, c'est plus long, forcément. Elle va me lire la copie, je vais lui indiquer ce qu’il y a à corriger, et elle va apporter les éléments de correction.”
En revanche, nul besoin de savoir lire le braille. "Je diviserais le nombre de candidatures par dix..." Plusieurs personnes ont bien postulé, mais aucune candidature n'a pour l'instant été retenue.
Si on se rend compte que la communication est difficile pendant l’entretien, si on doit passer 35 heures par semaine avec cette personne, ça va aussi se voir devant les élèves que ça ne fonctionne pas.
Sultana Néziri, enseignante d'anglais non voyante
APSH est un métier exigeant, à temps plein, et peu valorisé. La rémunération de base est de 1500 euros. Alors forcément, les candidats ne se bousculent pas. Une situation qui pénalise à la fois l'enseignante et ses élèves, sans professeur depuis plus d'une semaine.
Quel avenir ?
"La priorité des priorités, c'est de régler le fond du problème : le recrutement d’un APSH. Après, pour ce qui est des élèves - la priorité numéro deux - c’est bien entendu faire en sorte qu'ils aient cours", explique Olivier Guimbaud, le chef d'établissement.
Pour Sultana Néziri, la situation semblait enfin se décanter en ce 12 septembre. Mais au-delà, c’est la question globale des APSH qui mérite réflexion. Il y a en Haute-Vienne 1 500 élèves en situation de handicap et l’exemple de cette agrégée d’anglais prouve que malgré les obstacles, le choix de l’enseignement ne leur est pas fermé.
Saultana Néziri conclut : “Dans mon quotidien, je fais face à 10 000 obstacles par jour. Si je me contentais d’être simplement en colère et contestataire, je ne m’en sortirais pas. Si j’en suis là aujourd’hui, c’est aussi parce qu’il faut le prendre avec humour quand on peut, faire preuve de résignation parfois face aux choses qu’on ne peut pas changer, tout en faisant son possible pour que ça bouge."