Le ministre de l’agriculture l’a annoncé aujourd’hui. L’Etat va augmenter son soutien financier à la prise en charge du mal-être agricole en le portant de 30 à 42 millions d’euros. Une profession ou le taux de suicide est bien supérieur à la moyenne nationale.
« J’ai vu partir des bêtes abattues, la négation de notre travail et surtout aucune écoute au point de vue professionnel ou sanitaire » Marie Christine Forestier, éleveuse à Ladignac le Long se remémore, amère, les instants difficiles. Des instants vécus en 2015 quand une partie de son troupeau est diagnostiqué positif à la tuberculose bovine. Une quarantaine de bêtes sont abattues.
« On est descendus plus bas que terre. On avait l’impression de se noyer. On n’avait plus de discussion, plus d’entente dans la famille. Chacun avait sa douleur, on ne se parlait plus. Ceux qui se sont battus, ce sont mon mari et mon fils. Moi, à un moment, j’ai décroché. Je n’arrivais plus à trouver du positif dans la vie. Si on veut sauver l’agriculteur, il faut intervenir avant ce moment-là ».
A l’époque, personne ne leur tend la main si ce n’est leurs voisins et amis qui assurent un soutien moral décisif. Une présence, quelques gestes simples mais empreints de bienveillance ont fait beaucoup de bien. « Ils nous passaient des petits coups de fil. Ils passaient prendre le café. Ils trouvaient des excuses pour venir nous voir. Ça se résume à pas grand-chose, mais ce petit contact, ça veut dire : tiens, il a pensé à moi ».
Un soutien qu’elle n’a pas trouvé auprès des organisations syndicales ou professionnelles. « J’ai cherché de l’aide auprès des syndicats, auprès de plein de structures mais personne ne connaissait cette maladie et personne n’a daigné m’appeler ».
C’est justement pour que les relais d'écoutes soient mieux financés et plus efficaces que le gouvernement a annoncé un plan de lutte contre le mal-être des agriculteurs. Les fonds alloués vont augmenter de 12 millions d’euros.
Principales mesures : la création ou l’accompagnement de cellules sentinelles chargées de détecter le mal-être et de prévenir les suicides. Un renfort financier à l’aide au répit, un service de remplacement pour les agriculteurs en situation d’épuisement professionnel, est également prévu.
Dans la profession les réactions semblent plutôt positives. Pour la confédération paysanne, il était temps de réintroduire un peu d’humain dans le suivi des agriculteurs en difficulté. « C’est important que la réponse ne soit pas qu’administrative. L’aspect humain manque vraiment à l’heure actuelle. Tout ne peut pas se régler avec des chiffres dans un bureau ». Pour Frédéric Lascaux de la confédération paysanne de Haute-Vienne, c’est important d’avoir un réseau pour repérer les situations en amont. « Des sentinelles, c’est intéressant car certains signes sont révélateurs du mal-être d’un paysan. Les retards de déclarations administratives par exemple. Ça peut être l’occasion de prendre des nouvelles plutôt que d’envoyer un rappel par la poste. Il y a tout à faire en la matière. »
« Nous bataillons depuis longtemps pour que les liens soient renforcés. A l’heure actuelle, plusieurs dispositifs conte le mal-être existent mais ne sont pas coordonnés. Nous plaidons pour que les sentinelles soient les maires ou les facteurs. Sur nos territoires, le facteur c’est parfois la seule personne que l’agriculteur isolé voit dans une journée » explique Christian Arvis, représentant de la FDSEA dans la Creuse.
Tous attendent désormais l’épreuve des faits pour savoir si ce plan sera vraiment efficace.