Vincent Reynouard, militant négationniste, a été relaxé pour deux vidéos dans lesquelles il évoquait le massacre d'Oradour-sur-Glane du 10 juin 1944. La justice s'est appuyée pour cela sur la différence faite entre l'apologie et la contestation de crimes de guerre.
Vincent Reynouard, connu pour avoir tenu à plusieurs reprise des propos négationnistes, a été condamné à 4 mois de prison pour contestation de crime contre l'humanité suite à la publication, en mai 2017, d'une vidéo dans laquelle il niait l'existence de l'Holocauste.
En revanche, le militant a été relaxé pour avoir contesté, dans deux vidéos des 13 et 14 mai 2017, le massacre d'Oradour-sur-Glane commis par la division SS Das Reich, le 10 juin 1944.
Le tribunal a souligné qu'il s'agissait d'un crime de guerre et que "la contestation d'un tel crime, à la différence de son apologie, n'est pas susceptible de qualification pénale".
La loi fait effectivement le distinguo entre "crime contre l'humanité" et "crime de guerre" et entre la "contestation" et "l'apologie".
Le massacre d'Oradour-sur-Glane, crime de guerre
La notion de crime de guerre a été définie pour la première fois en 1945 par le tribunal international de Nuremberg : "Assassinat, mauvais traitements ou déportation pour des travaux forcés, ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés […] ". A ce titre, le massacre d'Oradour-sur-Glane est considéré comme un crime de guerre.Le crime contre l'humanité a une autre définition. Il s'agit de "l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation et tout autre acte inhumain commis contre toutes les populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions, pour des motifs politiques, raciaux ou religieux." Le massacre du 10 juin 1944 n'entre pas de cette qualification.
La pénalisation de l'apologie
Dans son article 24, la loi du 29 juillet 1881, prévoit une condamnation pour ceux qui "auront fait l'apologie […] des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité". Les deux qualifications, crimes de guerre et crimes contre l'humanité, sont donc mises sur le même plan pénal.Il n'en est pas de même pour la contestation. En effet, la loi du 13 juillet 1990 dite "loi Gayssot", réprime la contestation de crime contre l'humanité, mais il n'y est pas fait mention des crimes de guerre. Les propos tenus par Vincent Reynouard, défendant la notion de "mensonge" autour du massacre d'Oradour par les SS, ne sont donc pas pénalement répréhensibles.
"Ce que retient la presse nationale, c'est la condamnation de Vincent Reynouard pour contestation de crime contre l'humanité, mais pas cette relaxe concernant un crime de guerre comme Oradour. En fait, les rédacteurs de la loi Gayssot ont oublié de stipuler la notion de crime de guerre dans les textes. Il faut que les associations, les législateurs s'emparent de cet oubli. Personne ne peut défendre la constation de crime de guerre" commente Michel Kiener, professeur agrégé, spécialiste de l'Histoire du Limousin.
Du côté de l'Association Nationale des Familles des Martyrs d'Oradour-sur-Glane, c'est la lassitude qui l'emporte. "Nous sommes déçus mais nous ne sommes pas surpris de cette décision de justice. Reynouard s'engouffre dans cette brèche car il connaît parfaitement la réglementation", explique Claude Milord, président de l'association des familles des martyrs d'Oradour-sur-Glane.
Vincent Reynouard a été condamné à trois reprises en appel en France pour contestation de crime contre l'humanité, à un an de prison et 20 000 euros d'amende en 2008, un an de prison en 2015, et deux mois de prison en 2016. Fin 2016, il a en outre écopé de cinq mois en première instance pour des faits similaires.
L'ombre de Reynouard sur Oradour
En 2004, la Cour d'appel de Limoges avait condamné Vincent Reynouard à 24 mois d'emprisonnement dont six ferme, pour apologie de crimes de guerre dans une vidéo. Décision mal fondée selon la chambre criminelle de la Cour de cassation qui avait estimé un an plus tard, que Reynouard ne se livrait, dans cette vidéo, à aucune glorification des crimes commis à Oradour et que cela ne constituait donc pas une apologie.L'ombre du militant plane toujours sur le village martyr. Le 21 août 2020, des inscriptions révisionnistes, faisant référence à Vincent Reynouard, avaient été découvertes à l'entrée du Centre de la Mémoire. L'enquête suit son cours pour tenter d'identifier le ou les auteurs de ces inscriptions. "Il s'agit d'une enquête minutieuse et je sais qu'elle aboutira" nous précise le maire d'Oradour-sur-Glane, Philippe Lacroix.