Des témoignages précieux. Gilbert et Jacques Nathan, deux frères, ont été victimes des lois anti-juives instaurées par le régime de Vichy. Après la déportation de leur père, plusieurs familles du Limousin ont eu le courage de les cacher lorsqu'ils étaient enfants.
C'est dans leur maison de famille que pendant la guerre, suite aux lois anti-juives, Jacques et Gilbert Nathan sont assignés à résidence avec leurs parents par le régime de Vichy. Mais en février 1944, les autorités décident d'arrêter leur père. "Nous on a évité l’arrestation parce qu’on avait été prévenus de l’arrivée des Allemands en quelque sorte. Mais mon père quand il est revenu, il s’est jeté dans la gueule du loup parce qu’il a voulu éviter au jardinier qui avait été retenu par la police, d’être gardé par la police. Donc il a été arrêté, conduit à la prison de Limoges, puis la filière normale ça a été Drancy et Auschwitz," confie Gilbert Nathan.
Leur mère a juste le temps de les cacher chez des amis, avant de trouver elle-même refuge dans la famille Jaussein. Jacques est reçu par Euphrasie et Louis Lemaigre, qui tiennent le Relais du Taurion. Gilbert est recueilli par Marie et Marcel Maligner, dont l'épicerie se trouve à quelques pas de cet établissement. Mère et fils parviennent à se voir, malgré les risques. "De temps en temps elle passait nous voir, en cachette," se souvient Jacques Nathan. "Moi j’étais à 50 mètres mais on ne se voyait pas," précise Gilbert.
Les deux enfants et leur mère n'ont alors aucune nouvelle de Bensimon, leur père. Ils devront attendre la fin de la guerre pour savoir. "On ne l’a su qu’à la fin de la guerre, on a eu des témoignages notamment d’une personne qui avait fait le voyage dans le train d’Auschwitz avec lui mais qui s’en était sorti, qui nous avait expliqué que notre père avait été dans la mauvaise file en arrivant à Auschwitz."
À Auschwitz il y avait deux files, ceux qui restaient et ceux qui partaient directement aux chambres à gaz. Et notre père était malheureusement dans cette file-là.
Le Relais du Taurion est aujourd'hui toujours un restaurant. Jacques connaît les lieux par coeur. "Je descendais souvent dans la salle de restaurant, j’étais là, ils me traitaient comme leur fils. Les habitués m’appelaient Jacqui ou Le Jacqui."
"Moi j’ai été recueilli ici, chez la famille Maligner, qui avait donc une épicerie, la salle commune qui faisait bar, et qui étaient garagistes également," explique pour sa part Gilbert.
En 2010, le titre de Juste parmi les Nations a été descerné par Israël aux sauveteurs de Gilbert, Jacques et de leur mère Rachel, qui ont agit au péril de leur vie. Une cérémonie a pu être organisée avec leurs familles, à Saint-Priest-Taurion. "J’avais demandé si le village lui-même ne pourrait pas être reconnu Juste parmi les nations, et ils m’ont dit à l’époque que ça ne pouvait pas se faire. Il aurait fallu avoir beaucoup trop de témoignages," explique Jacques.
"Qui sauve une vie sauve l'humanité tout entière" est-il écrit sur la médaille des Justes. Jacques et Gilbert Nathan souhaitent aujourd'hui faire apposer une plaque en mémoire de ces familles qui ont tout risqué pour les sauver.