VIDÉO. "À vrai dire, je ne me vois pas tirer sur un animal". Pourquoi le nombre de chasseurs ne cesse de baisser

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Le nombre de chasseurs a été presque divisé par deux depuis les années 60 en France. Enquête en Limousin, et explications avec un socio-antropologue spécialisé. ©Franck Petit, Carole Maillard, Jean Claude Dyvrande, Alain Lafeuille

Le nombre de chasseurs a été presque divisé par deux depuis les années 60 en France. Enquête en Limousin et explications avec un socio-antropologue spécialisé.

Les chasseurs étaient près de 20 000 en Haute-Vienne au début des années 60. En 2023, leur nombre a presque été divisé par deux.

La société rurale de l'après-guerre a muté pour devenir industrielle et très urbaine. Selon le socio-anthropologue Christophe Baticle : "Il y avait auparavant une doxa qui considérait que chasser était naturel. On est passé à quelque chose de quasiment inversé où la chasse est devenue incongrue."

Mentalité urbaine, même à la campagne

Ce jour-là à Saint-Paul (87), une quinzaine d'agriculteurs est réunie pour une opération de déparasitage de brebis, à la suite d'une épidémie de gale. Parmi eux, un seul est encore chasseur.

Eric Bardon nous explique :"Nos exploitations sont de plus en grandes, pour continuer à être rentables. Alors, on passe notre temps à travailler, et le dimanche, on préfère le consacrer à la famille. Et puis à vrai dire, je ne me vois pas tirer sur un animal". 

Cet agriculteur a toujours vécu à la campagne, mais a la même manière de penser que les gens de la ville, ce qui n'étonne absolument pas Christophe Baticle : "80 % de la population vit en ville. Mais 100 % de la population est urbaine. Autrement dit, les valeurs urbaines sont complètement dominantes. On trouve un nombre infime de personnes, plutôt âgées, qui se réfèrent encore à une forme de culture qui ne serait pas urbaine. Mais on voit bien que la culture urbaine s'est imposée un peu partout. Elle est présente, y compris dans la chasse"

Bruno Fauvet est le propriétaire d'un équipage de chasse à courre près du lac de Saint-Pardoux. Il explique pourquoi son loisir est très décrié : "Il faut savoir que la nature, ce n'est pas Bambi. Tout animal est fourrage pour l’autre. Et c’est comme ça que ça doit fonctionner pour que les espèces survivent. Avant, on mettait l’animal à mort. Aujourd’hui, la civilisation change et on a plus envie de le faire nous-même. Donc, on veut bien aller chercher quelque chose à manger, mais on ne veut pas savoir qu’on le tue".

► Revoir l'émission "Enquête de région "Chasse : Utile ou dangereuse ?"

La disparition du petit gibier

Au moment de l'ouverture de la chasse, il arrive régulièrement que des faisans ou perdrix d'élevage soient relâchés. Ces petits animaux, qui n'ont jamais connu la vie sauvage, sont alors particulièrement vulnérables face aux chasseurs. Ils sont relâchés pour pallier un manque, car ils ont presque disparu. 

En 1942, le gouvernement de Vichy a commencé à épandre de l'arséniate de plomb pour tuer les doryphores. Ce produit particulièrement dangereux a été interdit en 1971, mais d'autres substances ont pris le relai. Les pesticides ou insecticides ont détruit la nourriture des perdrix ou faisans qui se sont, eux aussi, intoxiqués.

Autre motif : le remembrement agricole de l'après-guerre, qui a induit l'arrachage des haies. Malheureusement, c'est ici que nichait le petit gibier. Après sa disparition, de nombreux chasseurs ont choisi de mettre définitivement leur fusil au placard. Pour Christophe Baticle : "le petit gibier, ce sont les faisans, perdrix ou lièvres. Ce type de chasse était en quelque sorte la base sociologique de la chasse française. C'est cette dernière qui a tendu à s'amoindrir et qui explique la baisse des effectifs cynégétiques."

La fédération de chasse de la Haute-Vienne ne cache pas sa volonté de réintroduire du petit gibier sur son territoire, pour attirer de nouveaux chasseurs. Mais la réintroduction de certaines espèces , comme la perdrix, est particulièrement compliquée. 

Un mode de vie

Plus qu'un loisir, les chasseurs défendent un véritable mode de vie rural, devenu très compliqué à comprendre pour les gens de la ville, dont font partie les anti-chasses, avec qui le dialogue est rompu. 

Pour Christophe Baticle, "Ce non-dialogue rend service aux parties en présence, parce que cela permet de trouver dans l'autre l'opposant idéal, qui permet de faire valoir sa position". 

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