Alors que l'hôtellerie-restauration connaissait déjà une pénurie de main d'œuvre en France depuis des années, la situation s'est considérablement aggravée avec la crise du Covid. En Gironde, 3.500 postes seraient non pourvus en ce début d'été, selon Laurent Tournier, président de l'UMIH en Gironde.
Depuis le début de la crise sanitaire, la pénurie de main d'oeuvre dans le secteur de l'hôtellerie-restauration s'est renforcée en France. "Au niveau national, il y avait entre 50 000 et 70 000 postes non pourvus avant la crise. Aujourd'hui, il y en a entre 120.000 et 150.000" souligne Laurent Tournier, président de l'Umih en Gironde.
Dans le département, il estime que 3.500 postes sont non-pourvus actuellement, alors que la saison touristique s'amorce, et que le déconfinement est quasi-complet. Comment expliquer la perte d'attractivité de ce secteur ?
Un manque de reconnaissance
D'abord, par des conditions de travail et une reconnaissance des compétences qui ne sont pas à la hauteur. "Les salariés attendent un niveau de confort qui n'est plus celui d'il y a trente ans. On ne peut pas demander à quelqu'un de qualifié d'arriver à huit heures pour faire le ménage, puis dresser la salle, s'occuper du premier service, partir à 16 heures parce que des clients traînent, pour reprendre à 18h30 et terminer à minuit par tout ranger" affirme le représentant de l'Union des métiers de l'hôtellerie et de la restauration.
Il souligne la nécessité de mieux reconnaître les qualifications et la formation des salariés.
On ne doit pas demander à un maître d'hôtel qui peut conseiller une bouteille de Pétrus de s'occuper du ménage après le service !
"Les salaires n'ont cessé de se dégrader"
La question des salaires est également centrale. "Depuis des années, les salaires n'ont cessé de se dégrader, surtout en salle", déplore Laurent Tournier, qui illustre : "avec la disparition du "pourcentage de service", les salariés ont obtenu une meilleure couverture sociale, mais ils ont perdu du pouvoir d'achat".
Pendant les différents confinements, les salariés n'ont perçu que 85 % de leur rémunération avec le chômage partiel. "Nos ouailles sont parties voir ailleurs, et nos jeunes en alternance se sont également dirigés vers des secteurs voisins, où ils se sont finalement trouvés bien."
Conséquence de ces salaires trop bas : l'impossibilité de payer un loyer dans une ville touristique comme Bordeaux, ou Arcachon.
Faciliter le recrutement
En Dordogne, pour tenter de pallier la crise de main d'oeuvre, une formation express est proposée au CFA de Boulazac à destination des demandeurs d'emploi et des étudiants. En 70 heures, ils apprennent les rudiments du service ou du métier de commis de cuisine.
→ regardez le reportage d'Emilie Bersars et Pascal Tinon :
En Gironde aussi, les restaurateurs collaborent avec Pôle-Emploi pour organiser des journées de recrutement. Une application a également été créée par l'Umih pour mettre en relation les employeurs et les personnes en recherche de poste. "En Nouvelle-Aquitaine, 3.700 entreprises proposent des postes sur cette application", précise Laurent Tournier.
Quelle sortie de crise sans personnel ?
Alors que la quatrième phase du déconfinement est entrée en vigueur le 30 juin et marque le quasi-retour à la vie normale, comment le secteur de l'hôtellerie-restauration va-t-il pouvoir se relever sans main d'oeuvre ? "Pour amortir la sortie de crise, rembourser les prêts garantis par l'Etat et gérer les stocks de congés payés, il va falloir développer la croissance. Mais si on manque de personnel, ça ne fonctionnera pas", déplore Laurent Tournier.
À Bordeaux, il y a aujourd'hui des hôtels qui ont fermé un étage ou même leur restaurant à cause du manque de personnel.
Pour améliorer l'attractivité des emplois, "il faut faire évoluer les salaires, mais c'est très difficile quand la rentabilité d'un restaurant traditionnel tourne autour de 5 à 7 %, et que la masse salariale représente 40 % du chiffre d'affaires" réagit le président de l'Umih en Gironde, qui souligne la nécessité d'un "coup de pouce de l'Etat, qui passerait par une baisse des charges".
Aujourd'hui, la solution passe notamment par l'emploi de travailleurs étrangers, comme les Espagnols et les Portugais dans la région."Nous pourrions aussi faire travailler les migrants qui restent aux portes de nos restaurants en faisant leurs livraisons à vélo pour Uber. Cela passerait par la création d'une plateforme numérique, mais avec de vrais contrats de travail, une formation et une couverture sociale", plaide Laurent Tournier.