Lot-et-Garonne :  le retour tant attendu des saisonniers marocains pour la récolte des fraises

Dans le Lot-et-Garonne, l’année 2020 restera comme l’annus horribilis, la récolte des fraises débutant avec des frontières fermées. Sans travailleurs étrangers, la filière sombre. Cette année, une passerelle avec le Maroc est mise en place pour organiser le retour des saisonniers.

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D’un beau rouge vif et bien bombées, parfaitement disposées dans d’élégantes barquettes en bois, les gariguettes brillent au soleil Lot-et-Garonnais.

Corinne Dal Molin respire, la saison des fraises peut enfin commencer.

2020, annus horribilis

Les péripéties de l’an dernier ne sont plus qu’un mauvais souvenir. Des saisonniers marocains bloqués chez eux en plein confinement et au plus fort de la récolte, l’impossibilité de trouver de la main-d’oeuvre locale et, finalement, les 10.000 pieds de gariguettes entièrement sacrifiés, faute d’avoir pu en ramasser les fruits pour cette productrice.

2020, annus horribilis pour la filière fraises du Lot-et-Garonne, et plus particulièrement pour cette productrice de fraises pleine terre. Pour elle, le défaut de main-d’oeuvre de l’an dernier a été d’autant plus criant que sa production obéit à un cahier des charges très strict. Impossible d’y déroger.

Cueillie à matûrité

Commercialisée sous l’étiquette du réseau Gustatif et solidaire, qui promeut une agriculture authentique, la fraise de Corinne doit être cueillie à maturité pour être immédiatement commercialisée, sans intermédiaire ni délai.  La gariguette cueillie aujourd’hui se retrouvera dans moins de 24 H sur les étals des grandes surfaces partenaires (E. Leclerc, Monoprix, Carrefour, Cora…) ou de boutiques plus renommées, comme la Grande épicerie de Paris.

Un produit vendu 20 à 30 % plus cher mais qui permet, selon Renan Even, initiateur du label Gustatif et Solidaire, regroupant une centaine de producteurs dans toute la France, « une plus juste rémunération du producteur, clef de voûte du fonctionnement du réseau ».

La cueillette à maturité, c’est pour le consommateur, la garantie d’un produit homogène dans sa couleur et son goût, mais aussi davantage de travail et de main-d’œuvre pour le récoltant.
 

Les travailleurs marocains au rendez-vous

Sous les serres, une petite dizaine d’hommes s’active. L’un est polonais, et tous les autres marocains. Si ces derniers ont pu rallier le Lot-et-Garonne, alors même que la France se confine une troisième fois, c’est grâce à une procédure exceptionnelle mise en place par la préfecture du département.

L’expérience désastreuse de l’an dernier a laissé des traces. Aussi, dès le mois de mars, le Préfet, en lien avec la DIRECCTE et l’ARS, a mis en place une procédure administrative et sanitaire exceptionnelle de laissez-passer saisonniers et de visa long séjour, en relation avec l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) de Casablanca.


Besoins titanesques


Pour l’exploitant local, la demande est simplifiée afin de lui permettre de faire venir des travailleurs réguliers ou ponctuels. Le but : faire en sorte que la main-d’œuvre soit la plus nombreuse possible pour répondre aux besoins titanesques du plus grand verger de France.  Rien que chez les fraisiculteurs, 15.000 tonnes de fruits doivent être récoltés sur les quelque 530 hectares de fraisiers que compte le département. Une activité laborieuse, qui attire peu les travailleurs locaux.

Abdelslam, lui, est fidèle au rendez-vous. Vingt ans, déjà, qu’il vient travailler sur cette exploitation. Chaque fois, la saison débute par la cueillette des fraises, puis les mirabelles, les prunes et les pommes. Six mois de récolte payés au SMIC, qui lui permettront de faire vivre sa famille, de retour chez lui, à Meknès. 


Corinne le sait, cette main-d’œuvre est précieuse. Car la cueillette des fraises pleine terre n’a pas la cote auprès des saisonniers. 
 

Patience et délicatesse

Armé d’imposantes genouillères, Abdelslam nous confie son secret : « Toujours fléchir les jambes plutôt que le dos ». Pas question de se plaindre. D’ailleurs, « hors de question de ramasser des fraises hors-sol. Rien à voir, en matière de goût ! »

Cette année, l’un des ses fils l’accompagne. D’autres jeunes ont fait le déplacement pour la première fois ; Ilies, 24 ans, et Abubakar, 29 ans s’activent, agenouillés sur la paille qui tapisse les rangées. Tout à sa tâche, Abdelilah, 20 ans, vit lui aussi sa première récolte de fraises, une mission qui requiert patience et délicatesse, huit heures par jour. 

La semaine prochaine, un nouveau défi s’imposera à eux : le début du ramadan, suivi par tous les travailleurs marocains. Une épreuve que chacun s’emploie à dédramatiser : « c’est un peu dur le premier jour, mais après, on s’adapte ! ».

Dans l’exploitation de Corinne, on travaille en famille, entre cousins venus des mêmes coins du Maroc, essentiellement Fès et Meknes.
 

La préfecture nous a beaucoup aidés, concède la productrice, même si l’un de es ouvriers est encore bloqué au Maroc, ma saison est sauvée. Pour d’autres, la situation est plus critique : l’une de mes voisines bataille encore pour faire venir sept ouvriers marocains. Sans eux, sa récolte pourrait être compromise .

Corinne dal Molin


Tests PCR en série


Au cœur des serres, l’épidémie de Covid-19 ne se fait pour autant ne pas oublier. Le protocole de la Préfecture du Lot-et-Garonne impose un dispositif sanitaire exigeant. Testés à leur départ de Casablanca, les travailleurs se sont soumis à un nouveau test PCR deux jours après leur arrivée, avant d’entamer sept journées complètes d’isolement. 
A l’issue de leur premier jour de récolte, un troisième test était prévu. 

Une façon d’éviter les erreurs commises l’été dernier, quand les foyers de travailleurs saisonniers s’étaient transformés en clusters géants, dans les Landes ou les Bouches-du-Rhône.

Une course de fond

Sur l’exploitation de Corinne, la saison de la fraise ne fait que commencer ; 35 tonnes seront ramassées jusqu’aux mois de juin et juillet, marqués par les dernières récoltes de Charlotte ou de Murano.

Une course de fond pour les travailleurs qui s’attèleront à la tâche autour des 60.000 pieds de fraises de la propriété.

« Ce sont des gens bien, des travailleurs hors pair. Au fil des ans, nous avons établi de bonnes relations », raconte Corinne.

À la fin de la récolte, une grande table sera dressée pour partager un repas d’adieu, tous ensemble. Avant le départ vers le Maroc, prévu dans six mois, en octobre prochain.

 

 

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