L’association Francis Hallé, basée à Eymoutiers, veut recréer une forêt primaire. Un projet monumental pour lequel elle lance une campagne de financement participatif pour un premier voyage d’étude sur le terrain, dans les Vosges du Nord.
Le célèbre botaniste Francis Hallé, spécialiste des forêts tropicales, auteur d’une dizaine d’ouvrages et personnage central du film Il était une forêt, a monté en février 2019 à Eymoutiers une association à son nom pour défendre la forêt et en recréer une primaire en Europe de l’Ouest. Un projet innovant, surréaliste diront certains mais qui interpelle les citoyens jusqu’aux instances européennes.
Pourquoi une forêt primaire ?
L’objectif est de taille. Réunir 70 000 hectares pour en faire une forêt primaire, c’est-à-dire une forêt qui a des siècles voir des millénaires et qui n’a pas été dégradée par les activités humaines. "Il y a urgence à monter des projets comme celui-ci" s’exclame Eric Fabre, secrétaire général de l’association. En Europe de l’Ouest, les forêts primaires ont disparu. La dernière, en Europe centrale, est celle de Bialowiesa en Pologne dans laquelle l’association s’engage pour sa survie.
Faire renaître une forêt primaire est un grand défi qui nécessite 1 000 ans sans intervention humaine. Son importance s’avère capitale pour l’association puisqu’une forêt de cette envergure représente un régulateur pour le climat comme le sont les océans. Sommet de la biodiversité, la forêt primaire permet la décarbonation, la régularisation hydrique et c'est un enjeu de lutte contre le changement climatique.
Une cagnotte pour un premier voyage dans les Vosges du Nord
L’association vient de lancer une campagne de financement participatif. 5000 euros sont demandés pour l’hébergement et le transport de son premier voyage d’étude.
Francis Hallé, Eric Fabre, et une partie de l’équipe scientifique comme les naturalistes Béatrice Kremer-Cochet, Gilbert Cochet, les écologues Jean-Claude Genot, Yanis Marcillaud, ou encore la chercheuse associée au Muséum National d'Histoire Naturelle, Annik Schnitzler… partiraient en novembre dans les Vosges du Nord et en Rhénanie-Palatinat, dans un endroit "propice à la renaissance d’une forêt primaire" explique Eric Fabre. L’objectif de cette expédition vise à examiner tous les enjeux soulevés par le projet de l’association qu’ils soient fonciers, juridiques, scientifiques, biologiques, institutionnels ou sociaux. Pour cela, ils rencontreront tous les acteurs sur place, comme le Parc Naturel des Vosges du Nord, des forestiers, ou encore des élus.
C’est un atterrissage sur le terrain d’un travail qu’on mène depuis plusieurs mois et dont on parle avec plusieurs spécialistes, comme l’Union Nationale pour la Conservation de la Nature. On est très intéressés par ce voyage, on le prépare et on arrivera sur place avec l’étude de toutes les questions que l’on se pose.
La cagnotte rencontre déjà un franc succès et il reste un mois pour y participer.
D’importants soutiens
Au début, ils n’étaient que 13 autour d’une table pour rêver à ce projet pharaonique. Aujourd’hui, deux ans plus tard, ils sont plus de 2 300 adhérents de 13 pays différents (Gabon, Afrique du sud, Belgique, Italie, Suisse) dont 1 salariée et 20 collaborateurs bénévoles. Aujourd’hui, l’association est soutenue par l’Unesco, l’Union Européenne et plusieurs fondations. Elle prend même part à diverses actions menées par des grandes instances. La dernière en date, représenter la France dans la grande consultation portée par l’Union Européenne sur les forêts.
Une ascension fulgurante grâce notamment à un rapport intitulé Forêt en crise publié l’année dernière par plusieurs associations telles que WWF, LPO, France Nature Environnement qui cite l’Association Francis Hallé parmi les acteurs pour compléter le réseau de forêts protégées."En métropole, [cela demande] de compléter le réseau de grands espaces protégés en plaine (pour appuyer le projet Hallé de restauration d’une forêt primaire) ainsi que dans les forêts alluviales (le Parc national « zones humides » annoncé au Grenelle pourrait être repris et en partie forestier)."
Au cœur des problématiques actuelles, le collectif reçoit tous les jours des sollicitations (mécénats…) et il dit pouvoir répondre à la volonté de la France d’augmenter ses surfaces dites à protection forte.
Des Etats Généraux de la Forêt
Avec plusieurs projets en tête, ce lundi 26 avril 2021, l’Association Francis Hallé a rencontré le délégué de cabinet de la Secrétaire d’Etat chargée de la Biodiversité ainsi que le délégué aux Forêts pour demander la tenue d’Etats Généraux de la forêt.
Il faut repenser notre rapport à la forêt, notre rapport à la vie sauvage. Il faut interdire les coupes rases par exemple qui est un contre-sens au changement climatique, il faut réfléchir à la manière d’allier exploitation forestière avec des espaces forestiers en libre évolution et penser le développement des pratiques touristiques en forêt".
L’association souhaite des Etats Généraux pour discuter avec tous les acteurs de la forêt comme les pêcheurs, les chasseurs, l’ONF, les forestiers… "Ensemble, mettons nous tous autour d’une table pour repenser tout ça. Si on n’a plus d’arbres, on n’aura plus d’oxygène et on ne respirera plus" ajoute le secrétaire de l’association.