C’est un concept unique en France. Des boîtes aux lettres commencent à être installées dans les écoles pour permettre aux enfants victimes de violence de briser le silence.
"Un gamin, on peut l’empêcher de parler, on ne peut pas l’empêcher d’écrire !" C’est par ces mots que Lydia Cannesson explique les raisons qui l’ont poussées à mener ce combat. Elle est la maman de deux jeunes adultes, aujourd’hui âgés de 20 ans.
Pendant leur enfance, ses garçons, des jumeaux, ont été victimes de violences sexuelles. "Moi j’ai eu la chance que mes enfants me parlent. Le premier très vite, le deuxième beaucoup plus tard à 16 ans, mais combien d’enfants ne parlent pas ou ne sont pas entendus ! "
Aujourd’hui cette aide- soignante qui réside à Sore commune de 1 100 habitants dans le nord des Landes veut aider les plus jeunes à libérer leur parole à se confier.
Un enfant maltraité ne se livre pas.
Les enfants victimes de maltraitance restent souvent silencieux. La peur chevillée au corps, respectant les ordres de leur agresseur qui leur impose de ne pas parler.
Et Lydia de préciser : "souvent ce sont des proches, des amis, de la famille. Et ils leur disent : tu te tais car de toute façon on ne te croira pas ! Moi c’était le fils de la nourrice de mes enfants."
Des années plus tard, cette aide-soignante décide de rejoindre l’association « Les Papillons » et d’installer des boîtes aux lettres dans les écoles pour que les enfants victimes de toute forme de maltraitance puissent y glisser leurs maux et se confier.
Une première boîte verra le jour en septembre à Sore. Une convention a été signée avec le groupe scolaire de la commune. Ce sera la première dans les Landes.
Aujourd'hui, c'est la journée internationale des enfants victimes innocentes de l'agression. Mais toi Twitter, tu t'en moques. Comme beaucoup je te rassure. Mais pas moi. Partout dans le monde les enfants sont toujours les premières victimes, forcément innocentes pic.twitter.com/ET1A9czmyp
— Laurent Boyet (@assopapillons) June 4, 2020
Écrire ce qui ne peut être dit
A l’origine de ce projet se trouve Laurent Boyet. Un capitaine de police de Perpignan, victime de violences sexuelles pendant plusieurs années alors qu‘il était enfant.
Le président de l’association Les Papillons, a été violé par son frère quand il avait entre 6 et 9 ans. Ce n'est que trente ans plus tard qu'il a osé en parler : "j’écrivais dans mon journal intime. Le seul endroit où j’étais en attente d’une main tendue, c’était l’école, mais je ne l’ai pas eu ".
C’est lors d'un échange avec une victime qu'est née l'idée des boîtes aux lettres Papillon. "L’école, c’est l’endroit où l’on est quasiment certain d’avoir tous les enfants et la boîte aux lettres c’est l’endroit où l’on peut dire le mal que l’on nous fait, sans avoir peur d’être entendu, sans avoir peur de s’entendre soi même. "
La première boîte aux lettres a été posée le 6 mars 2020, dans le Var, juste avant le début confinement. La crise sanitaire a ensuite freiné l’installation du dispositif comme en Lot-et-Garonne au Passage-d’Agen où des contacts ont été noués.
A ce jour, il en existe trois en France et la promesse d’une trentaine, pour le moment, sur l’ensemble du territoire en septembre prochain.
Elles sont installées dans un endroit stratégique de l’école à l’abri des regards mais connus de tous.
Le courrier est relevé chaque jour par un référent de l’association et transmis, selon l’urgence, au 119 (numéro d'Allô Enfance en danger) aux services sociaux ou à l'Inspection d'académie (en cas de harcèlement).
Ce qui fait le plus de mal au final, ce n’est pas le mal que l’on nous a fait. C’est surtout le silence qui suit derrière, qui nous entraîne dans la honte, le sentiment de culpabilité. C’est ce silence, qui in fine détruit.
Des chiffres alarmants
Selon le site de l’association, 165 000 enfants subissent chaque année des violences sexuelles. " Un enfant toutes les 3 minutes. Deux enfants par classe ! ", insiste Laurent Boyet.
Tous les ans, plus de 700 000 enfants sont victimes de harcèlement scolaire. Un enfant meurt tous les 4 jours sous les coups de ses parents. La crise sanitaire et le confinement imposé pour lutter contre le Covid19 n'ont fait qu'aggraver ces situations.
Les sévices ont explosé : plus 35% de signalements pendant le confinement, et 46% d'interventions policières en hausse également.
Les écoutants du 119 ont alerté 79 fois le Samu, la police ou la gendarmerie, contre 37 fois l’an dernier à la même période.
Le secrétaire d'Etat, Adrien Taquet a annoncé des états généraux de la lutte contre les violences faites aux enfants après la rentrée. Ils se termineront au plus tard le 20 novembre, pour la journée internationale des droits de l’enfant.
"Moi ce que je souhaite, c’est que l'on puisse à terme avoir 40 000 boîtes aux lettres dans toutes les écoles du pays, pour avoir une vraie vision de l’enfance maltraitée en France. Car c’est seulement à ce moment-là que l’on pourra mener une politique adaptée précise Laurent Boyer.