Pour dénoncer les déserts médicaux et l'impossibilité de recruter un médecin, le maire d'Ychoux dans les Landes vient de prendre un arrêté municipal. Il interdit désormais à ses administrés de tomber malade.
Ce pourrait être une blague, si l'affaire n'était si grave.
Si le Maire d'Ychoux a pris le parti d'en rire, c'est bien pour alerter les pouvoirs publics sur la situation de sa commune et de ses 2400 habitants.
D'ici la fin de l'année, l'un des deux médecins généralistes de la commune doit partir à la retraite. Et son collègue devrait l'imiter un an plus tard. Une catastrophe pour la cité landaise.
Dotée d'une maison de santé depuis 10 ans où sont réunis 12 professionnels ( médecins, Kinésithérapeutes, infirmières...), Ychoux, n'arrive pas à recruter de médecin.
L'appel lancé depuis un an est resté sans réponse.
En désespoir de cause, le maire sans étiquette Marc Ducom a pris un arrêté municipal insolite : il interdit à ses administrés de tomber malade !
Faire le buzz
L'édile est bien conscient de l'insignifiance d'une telle mesure.
Il veut juste faire le buzz et ça marche.
Les plus grands médias nationaux se penchent au chevet de la petite commune, devenue symbole de la désertification médicale.
Ychoux a pourtant tout pour plaire. À 20 minutes de la plage, une demi-heure du bassin d'Arcachon et 3/4 d'heure de Bordeaux en train.
Mais rien n'y fait.
Ni les lettres à l'Agence Régionale de Santé, ni les courriers aux facs de Médecine, ni les appels aux hôpitaux.
Pas le moindre candidat explique Marc Ducom.
On se heurte également à des médecins remplaçants, qui ne veulent jamais devenir titulaires. Parce-que c'est trop compliqué pour eux. C'est administratif.... ils préfèrent rester remplaçants. Moi, je sais pas, j'ai joué au rugby, je préférais être titulaire.
Sans perdre le sourire et son sens de l'humour, Marc Ducom demande :
Mais où est-ce qu'on va se faire soigner quand on aura plus de médecin ? Peut-être en traversant la rue, comme dit un certain Président ? avant de conclure l'air plus grave : je ne sais pas.
40 à 50 consultations par jour
Le maire, qui ne semble reculer devant aucune initiative originale, a même écrit à ses administrés en les invitant à prospecter autour d'eux.
Au cas où un médecin dans leur entourage familial ou amical, accepterait de venir s'installer à Ychoux.
Jean-Serge Cousseran, le médecin généraliste d'Ychoux, qui aspire à une retraite bien méritée, ne comprend pas.
On fait quand même entre 40 et 50 consultations par jour ! Ce qui fait peur probablement aux jeunes médecins.
À 68 ans, il rêve de passer la main en fin d'année. Mais il va sans doute devoir se résoudre à jouer les prolongations.
Son collègue aimerait lui, raccrocher son stéthoscope en fin d'année 2019.
Faute de successeur, la commune pourrait se retrouver sans aucun médecin généraliste d'ici 12 mois.
Un véritable désert médical : il n'y aurait plus aucun praticien dans un rayon de 25 km au sud d'Ychoux.
Dans la salle d'attente de la maison de santé, les patients ne cachent pas leur inquiétude notamment pour les personnes âgées :
Les 6 médecins de Parentis-en-Born plus au nord n'y suffiront pas. Ils sont déjà submergés et envoient une partie de la patientèle à Ychoux.Un docteur, c'est une bouée de sauvetage. Surtout à la retraite, c'est un peu notre ange gardien.
La situation ne risque pas de s'améliorer, d'autant que certains médecins de Parentis seront eux aussi prochainement en mesure de faire valoir leurs droits à la retraite.
Il y aurait de quoi faire vivre 3 médecins généralistes à Ychoux. La municipalité en est convaincue. Elle a même engagé des travaux pour agrandir la maison de santé, et proposé un logement au praticien qui voudra bien installer son cabinet dans la commune.
Le maire a transmis son arrêté municipal à Préfecture des Landes. Il dit pour l'instant, n'avoir reçu aucun retour. À défaut de convaincre immédiatement un praticien de s'installer dans le village, cette initiative aura au moins le mérite de souligner la pénurie de médecin en milieu rural. Une piqûre de rappel.
Ce coup de gueule du maire rencontré par Ludivine Tachon et Clément Alet :