Une année sans féria, ce sont 800 000 fêtards en moins pour l'économie locale. 40 millions d'euros de manque à gagner. Une perte gigantesque à l'échelle d'une commune comme Dax. Egalement touchée par la fermeture des thermes, autre source majeure de revenus.
La mairie de Dax a préféré avertir chacun d'emblée : les activités dans les secteurs "du tourisme, de l’événementiel, de la restauration, de l’hôtellerie et bien sûr du thermalisme (...) sont à l’arrêt au moins jusqu’au 15 juillet prochain". Même si aucune date officielle n'a encore été avancée par le gouvernement.
Dans ce communiqué du 28 avril qui annonce l'annulation de la féria, la municipalité dit aussi réfléchir à des "actions qui pourraient éventuellement être envisagées, si la situation sanitaire le permet, pour amortir le choc économique que l’annulation des fêtes va créer pour l’économie locale et particulièrement le secteur des cafés et restaurants".
Des pertes par dizaines de millions d'euros
Cette ville paisible et plutôt prospère du sud des Landes où vivent un peu plus de 20 000 habitants va en effet devoir affronter un choc écnomique d'une ampleur inédite.
Elle est, avec ses 16 établissements thermaux (situés sur Dax et St-Paul-les-Dax), la première destination thermale de France. Un secteur qui rapporte plus de 50 millions d'euros chaque année et fait travailler près de 2000 personnes.
"Nous avons été les premiers à fermer et on sait qu'on sera les derniers à rouvrir après les hôtels et les restaurants" regrette Arnaud Laborde, le président du syndicat des établissements thermaux des Landes. Une partie de la clientèle de curistes, dont la moyenne d'âge est de 63 ans et dont certains sont diabétiques ou en surpoids, est en effet à risque.
Pour l'instant Arnaud Laborde, lui-même directeur de thermes, tient bon. Ses 35 salariés sont en chômage partiel et sa banque accorde des délais. "Mais il y a des frais fixes, si la situation devait durer encore plusieurs mois, cela deviendra compliqué" assure t-il.
"On aurait besoin d'avoir une date pour que l'on puisse tout remettre en route très vite".
La reprise des thermes est attendue par tous les commerçants.
Un curiste rapporte 2400 euros en moyenne à l'économie locale. Autant d'argent qui n'est pas rentré dans les caisses ces deux derniers mois et dont personne ne profitera pendant encore au moins deux mois, voire plus.
Elizabeth Bonjean, la maire de la ville, estime qu'il y a eu 45 000 visiteurs en moins en ce premier semestre 2020, 30 000 curistes et 15 000 accompagnants. "Les conséquences sur les commerces, les hébergeurs, les restaurants, les professionnels paramédicaux sont désastreuses" se désole t-elle.
800 000 festayres ne viendront pas
Un festayre dépense t-il plus qu'un curiste ? Fort à parier que oui.
En 5 jours, ils rapportent près de 40 000 millions d'euros à l'agglomération. Certains commerces réalisent plus de 50% de leur chiffre d'affaire annuel pendant cette très courte période de la féria.
"Certains, qui étaient peut-être déjà en difficulté avant la crise sanitaire, ne s'en remettront pas" redoute Alain Bagnères, cafetier et membre de l'association des commerçants de Dax.
Lui est à la tête de plusieurs bars et restaurants et va perdre "entre 20 et 25 %" de son chiffre d'affaire. Minimum.
Alain Bagnères espère limiter la casse avec la clientèle locale "qui ne partira pas en week-end faire la fête puisque la plupart des férias sont annulées".
Il compte obtenir plus d'espace pour ses terrasses et ainsi "étaler les tables en respectant la distanciation sanitaire". "Mais est-ce que les gens vont avoir envie de sortir ? Est-ce qu'il n'y aura pas une psychose du coronavirus? Ca, on ne peut pas savoir".
Et cela, comme lui, chacun ici le redoute.
Soutenir la relance
La ville de Dax en lien avec ses commerçants pourrait aider à la tenue d'évènements réguliers cette saison.
"Le budget consacré à la féria pourrait être reporté pour aider à créer ces évènements" suggère Alain Bagnères.
Des pistes sont à l'étude pour une mise en oeuvre rapide.
Dans tous les cas, la commune est en train de travailler à un plan de soutien et de relance à l'ensemble des secteurs touchés.
"On fera du cas par cas" assure la maire, également conseillère régionale déléguée au thermalisme, "en fonction des problèmes de trésorerie, d'emprunt, d'investissement".
Une opération de promotion de grande ampleur est également en cours de réflexion. "Il y a toute une approche à revoir, il va falloir rassurer la clientèle du thermalisme".
Effet de dominos
Les finances de la ville souffrent de cette économie entière à l'arrêt.
Il n'y a plus les taxes de séjour, 1,1 millions d'euros de perte pour l'office du tourisme, pas de rentrée d'argent des places de parking, pas de redevance d'occupation de l'espace public, pas de taxes sur les transports versés par les entreprises de plus de 11 salariés, pas de taxe sur la valeur ajoutée des sociétés puisqu'elles ne feront pas de bénéfices cette année...
"C'est une catastrophe pour les collectivités" reconnaît Elizabeth Bonjean. "Rien que le thermalisme c'est 3,5 millions injectés en taxes et impôts. Ce sera ça en moins pour nos budgets".
Elle sait qu'il faudra du temps pour rebondir et se dit inquiète notamment de la crise sociale qui va suivre. "Beaucoup d'entreprises vont fermer ou ne rouvriront qu'avec une activité plus faible".
"La façon dont on va accompagner le rebond sera vital" Elizabeh Bonjean - maire de Dax
L'élue landaise avoue qu'elle redoutait la survenue d'une crise épidémiologique au sein de la filière thermale.
"On savait qu'on devait se diversifier. Mais on avait jamais imaginé une crise d'une telle ampleur".
Dans le reportage qui suit nos reporters Maria Laforcade et Laurent Montiel sont allés à la rencontre des acteurs économiques dacquois :