Depuis 1860, une même famille, les Dubois, se passionne pour la santé mentale à Saujon. Les thermes sont spécialisés dans le traitement des troubles anxieux. Deux cliniques proposent aussi des hospitalisations en cas d'affections plus sévères.
"Et si le thermalisme pouvait soigner l'anxiété ?" L'intuition du médecin Louis Dubois s'est transformée en certitude dans l'esprit de son descendant Olivier. Cinq générations se sont succédé depuis l'ouverture des tout premiers Thermes de Saujon.
En 1860, "il s'agissait de deux cabines de douche – une pour les dames, l'autre pour les messieurs" explique le directeur actuel. Désormais, l'établissement reçoit chaque année 4500 curistes venus pour des troubles anxieux et psychosomatiques, comme le stress, l'anxiété, le surmenage ou la fatigue chronique.
Le thermalisme et la santé mentale
En ce 10 octobre 2024, journée mondiale de la santé mentale, Olivier Dubois tient à défendre le thermalisme : "C'est une très bonne indication thérapeutique dans le cas des troubles de l'anxiété, explique le psychiatre. C'est une voie d'action intéressante entre l'ambulatoire, prescriptrice de médicaments, et l'hospitalisation, qui ne correspond pas à notre patientèle."
Jacques souffre de surdité et d'acouphènes permanents. Ces maladies ne se soignent pas et occasionnent des troubles psychiques importants. En 2007, ce Jurassien découvre la cure de Saujon : "Depuis, je viens chaque année. J'en ressens les effets pendant presque neuf mois avec une forte diminution du stress."
Découvrez d'autres témoignages dans ce reportage réalisé par Pascal Foucaud, Cédric Cottaz et Nadine Pagnoux-Tourret
Saujon est une des rares villes à proposer ce type de cure. Mal connu des médecins, non enseigné, le thermalisme reste peu prescrit.
La balnéothérapie permet d'atteindre un profond état de relâchement que l'on appelle lâcher-prise thérapeutique
Olivier DuboisDirecteur du groupe Thermes de Saujon et médecin psychiatre
Plusieurs études ont confirmé les intuitions de l'aïeul de la famille, selon Olivier Dubois. Les cures de trois semaines permettent de rompre avec l'environnement, de réduire les stimuli et de faire le point. "La balnéothérapie permet d'atteindre un profond état de relâchement que l'on appelle lâcher-prise thérapeutique. Dans cet état, le sevrage médicamenteux est possible. 41% des patients de la dernière étude Lo Ré avaient totalement arrêté les psychotropes 6 mois après la cure."
Jacques confirme par son expérience personnelle : "Je travaillais dans l'Education nationale et cela m'a permis de ne plus jamais prendre de médicaments psychotropes." Son ORL prescrit désormais le séjour à d'autres patients atteints des mêmes troubles. Ils sont pris en charge par l'Assurance maladie mais pas l'hébergement, la restauration ou le transport. "C'est un effort financier mais, lorsque l'on voit les effets secondaires des traitements médicamenteux et la qualité de vie que j'ai, cela vaut le coup" explique le retraité.
À chaque génération, son approche
Si le thermalisme reste au cœur de la pratique familiale, la prise en charge de la santé mentale des patients a beaucoup évolué. Après la Seconde Guerre mondiale, en 1948, Robert Dubois, le père de l'actuel directeur, ouvre une clinique privée, la Villa Hippocrate : "Il était psychiatre et voulait aider des patients plus sévèrement atteints. Il a converti d'anciens hôtels thermaux en clinique. Il a développé l'hospitalisation et les techniques d'électrothérapie."
En 2017, constatant de nouveaux besoins de prise en charge, l'équipe ouvre unité consacrée à la bipolarité. Les deux cliniques de Saujon proposent des hospitalisations de 35 jours en moyenne pour des burn-out sévères notamment. Ces parcours de soins, totalement différents du parcours thermal, n'arrivent pas à répondre aux besoins : "Nous avons actuellement 120 demandes de patients en attente", explique le médecin.
La famille Dubois poursuit la diversification des approches en développant depuis 2012 une approche douce qui combine soins et éducation thérapeutique : "l'école thermale du stress". Ces programmes, souvent payants, viennent compléter la cure thermale classique avec des ateliers conçus autour d'une thématique (burn-out, endométriose, post-cancer du sein, post-trauma).
Angélique Vacante est la neuropsychologue responsable de l'Ecole thermale du stress : "L'idée est de proposer un accompagnement psychologique grâce des groupes de parole, des activités santé, comme du yoga, de la sophrologie, et des entretiens individuels." 500 personnes s'inscrivent chaque année. Angélique Vacante explique : " Pendant trois semaines, on prend en compte le côté psychologique et la cure thermale intègre l'aspect physiologique et corporel. Cela permet aux patients de mieux comprendre leur fonctionnement et d'avancer dans leur travail thérapeutique."
Pas d'eau miraculeuse
L'eau thermale de Saujon est fortement minéralisée, riche en "sodium, potassium, magnésium et lithium" mais elle n'est pas miraculeuse. Le secret des soins prodigués réside dans "le calme, l'accompagnement et le pouvoir du contact avec l'eau. La stimulation de l'ensemble de la peau active aussi les récepteurs du cerveau" explique le médecin.
"Il y a 80 ans, les gens se contentaient de se promener après leurs bains. Aujourd'hui, il faut combiner plusieurs approches : la cure et les séances de thérapies cognitives et comportementales. "
Pour en finir avec les a priori sur la santé mentale, les thermes de Saujon proposent régulièrement des conférences et des rencontres. La prochaine est programmée le 25 octobre 2024 et portera sur "le burn-out, nouvelle épidémie au XXIème siècle".