Les éleveurs de canards sont dans la tourmente, les abattages se multiplient pour enrayer la progression du virus de l'influenza aviaire. La question autour de la vaccination revient, le ministère de l'agriculture doit faire part de sa nouvelle stratégie dans les jours qui viennent.
Trois crises en cinq ans. Autant dire que les éleveurs landais sont à cran. Surtout que les autorités s'étaient montré rassurantes. "On nous avait garanti en 2016 que ça ne recommencerait pas. C'est arrivé en 2017, on nous a dit que c'était bon. Et là ça revient cette année, on ne peut plus continuer comme ça. Là, il faut qu'on prenne vraiment une décision", déplore Maryline Beyris, éleveuse de canards dans les Landes, vice-présidente du syndicat agricole le Modef.
Les crises passent et les enseignements ne sont pas à la hauteur pour éviter d'autres épidémies du virus de l'influenza aviaire.
Les foyers sont principalement situés en Chalosse, dans le sud du département, "une zone très densément peuplée en canards" destinés à la production de foie gras, souligne le chef des services vétérinaires et directeur général adjoint de l'Alimentation Loïc Evain.
On est face à un épisode exceptionnel avec un virus très très contagieux qui touche des élevages de plein air, mais pas seulement.
Le virus, non dangereux pour l'Homme en l'état, a d'abord été véhiculé par les oiseaux migrateurs.
Les doutes sur la stratégie en cours
Une situation critique pour l'élevage notamment landais, déjà sévèrement mis à mal lors des précédentes épidémies. "On se rend compte que dans ce qu’on a mis en place après les deux autres crises, il y a des choses qui ont marché, comme le système de traçabilité sur les transports.
Malgré tout, même avec les mesures de biosécurité et la claustration, ça ne nous met pas complètement à l’abri", constate Jean-Pierre Raynaud, le vice-président de la Région en charge de l'agriculture. La claustration pour le Ministère, c'est le regroupement des volailles dans des bâtiments clos au sol bétonné. Pire, le remède est peut-être devenu un piège. "La claustration devait être le miracle pour résister au virus aviaire. On a vu que c'était justement dans ces bâtiments que, quand ça explosait, c'était terrible.
Parce que non seulement on a claustré, mais on a mis de grandes quantités en claustration. C'est la densité qui a piégé tout le monde", conlut l'éleveuse et syndicaliste Maryline Beyris qui a vu son cheptel euthanasié le week-end dernier.
Lors des crises précédentes, la région Nouvelle-Aquitaine a fortement plaidé pour la vaccination des palmipèdes dans les élevages, solution à la crise. Un laboratoire vétérinaire de référence girondin, Ceva, a mis au point un vaccin contre la souche du virus H5N8. La vaccination est possible à la chaîne et est présentée comme efficace à 100 %.
Alors pourquoi cette solution n'est-elle pas activée ? L'élu régional en charge de la question était encore hier mardi 5 janvier à Paris pour trouver une issue à la crise. Il défend toujours ce vaccin. Si pour cette crise, c'est un peu tard, il veut éviter les prochaines. "Ceva Santé Animale a un vaccin qui est opérationnel et fiable, mais il y a plusieurs freins. En vaccinant, on se ferme aux marchés extérieurs, à l’export. Ce n'est pas une problématique pour les canards mais pour les autres volailles. Pour exporter, il faut être indemne."
Décrocher un accord sur la vaccination auprès du Ministère, négocier aussi avec la commision européenne le fait de pouvoir, pourquoi pas, régionaliser le système de protection... le chantier est en cours. " Ce n'est pas gagné tout de suite, mais ça vaut le coup de le tenter ", indique Jean-Paul Reynaud qui intervient auprès des autorités afin de plaider pour les éleveurs landais, mais aussi de toute la région puisque nous sommes une zone sensible.
Il s'agit aussi d'une bataille de pouvoir, de parts de marché. "Il va aussi y avoir des freins liés à la concurrence entre régions, entre producteurs de volailles." Lors des précédentes crises, la production régionale a perdu des parts de marché vis-à-vis de la concurrence d'autres régions de l'ouest. Des professionnels mis à mal et qui doivent aussi trouver des solutions à la surproduction qui affecte l'élevage de canards dans la région.
Pour la vaccination, le frein n'est donc pas technique, puisque le laboratoire girondin peut être en mesure de fournir les doses nécessaires d'ici quelques mois, d'après l'élu. Mais le vice-président de la région imagine mal que le ministère reste sur sa position actuelle qui vise à abattre les volailles : "Je vois mal l’Etat continuer d’indemniser tous les ans, autant d’argent sur la table. C'est destructeur pour les éleveurs et en terme d’image."
Nouvelles options à l'étude au ministère
"Si la propagation du virus continue, il faudra qu'on prenne des mesures encore plus drastiques" explique le représentant du ministère de l'agriculture Loïc Evain. Ces mesures seront "fondées sur une base scientifique, absolument indispensable pour expliquer aux éleveurs concernés la pertinence des décisions que l'on prend", spécifie-t-il.
Jusqu'ici, les autorités font abattre tous les palmipèdes dans un périmètre de trois kilomètres autour des foyers identifiés. Les autres volailles, telles poulets ou dindes, sont aussi censées être abattues, dès lors qu'elles ont accès au plein air.
L'agence nationale de sécurité sanitaire doit rendre son avis très attendu au Minsitère de l'Agriculture, d'ici vendredi, et dévoiler ainsi sa stratégie de lutte contre la grippe aviaire.