Le 20 mai 2018, Saïd El Barkaoui, un père de famille landais, s'effondrait, dans son jardin, à Ychoux, touché de cinq balles. Le procès du tireur présumé, voisin de la victime, s'ouvre ce vendredi aux assises des Landes. La justice a retenu la préméditation et la motivation raciste.
Elle est fatiguée. Depuis trois ans, Jamila El Barkaoui se bat pour que justice soit rendue à son frère. Marches blanches, sollicitation des médias, décisions de justice, conférences de presse… "Trois années de souffrance, de combat. Heureusement que nous avons eu des associations pour nous soutenir. Je ne pensais pas qu'un jour je vivrais ça", assure la jeune femme.
Ce vendredi, aux Assises des Landes, s'ouvrira le procès de Claude Gorsky, et ce pour une semaine. Ce retraité, habitant d'Ychoux dans les Landes, est poursuivi pour tentative de meurtre sur son voisin, Saïd el Barkaoui.
Cinq balles dans le corps
Le 20 mai 2018, Saïd El Barkaoui, en couple, père de quatre enfants et frère de Jamila, se trouve dans son jardin, quand son voisin surgit, armé d'un 22 long rifle. Saïd reçoit cinq balles dans le corps, dont deux tirées alors qu'il gît face contre terre.
Hospitalisé et opéré, le père de famille rentrera chez lui, pour, quinze jours plus tard, décéder d'une rupture d'anévrisme. Les expertises médicales n'établiront pas de lien entre cet AVC et les faits commis par Claude Gorsky, qui est poursuivi pour tentative d'assassinat.
Un acte raciste ?
Pour les proches de Saïd El Barkaoui, le caractère raciste des faits ne fait aucun doute. Les deux hommes vivent un conflit de voisinage sur la durée.
Un jour, alors que les enfants El Barkaoui jouent dans le jardin, ils envoient un ballon dans la haie. Claude Gorsky refuse de leur rendre. Lorsque l'épouse de Saïd El Barkaoui vient pour le récupérer, il la gifle. Il sera reconnu coupable de violences et condamné en avril 2021. Ces faits se produisent quinze jours seulement avant que Saïd El Barkaoui ne soit abattu.
"Cet individu était haineux et raciste, maintient Jamila El Barkaoui. Le jour des faits, il a continué de tirer sur mon frère alors que son chargeur était vide, en lui disant 'J'avais promis de te buter, regarde ce que je suis en train de te faire, enc*** d'Arabe' ".
La justice a retenu la préméditation et la motivation raciste. Pourtant, l'avocat de la défense Me Anthony Sutter maintient qu'il s'agissait d'un simple conflit de voisinage qui a dégénéré. "Nous réfutons depuis le début la connotation raciste", avance-t-il.
C'est une constante depuis sa première audition. Mon client a toujours dit ce qui s'était passé, il n'est jamais revenu sur ses déclarations, et il a toujours dit que son geste n'avait aucune motivation à caractère raciste. C'est un conflit de voisinage qui n'a rien à voir avec les origines de la victime.
Des arguments rejetés par Me Frédéric Dutin, avocat des parties civiles. "La mort de Saïd El Barkaoui est la résultante de plusieurs mois d'un racisme latent, de ce racisme du quotidien dont on ne mesure pas assez les effets pervers et destructeurs", analyse l'avocat.
Ce racisme du voisinage, peut, dans les esprits malades, se terminer avec des faits aussi graves que de décharger cinq balles de pistolet dans le corps de son voisin, devant ses enfants et devant sa femme.
Un accusé en liberté sous contrôle judiciaire
L'avocat tient à saluer la "dignité" de la famille de la victime. "Elle a dû assumer la remise en liberté (sous contrôle judiciaire, ndlr) de Monsieur Gorsky. Ce n'est pas rien. Il a fallu assumer aussi le fait que l'on dise que la mort n'était pas directement liée à ces cinq balles reçues dans le corps, poursuit Me Dutin. N'oublions pas non plus, que ce sont les victimes qui sont parties de chez elles. La femme de Saïd El Barkaoui et ses enfants ont quitté la région : ce sont les victimes qui ont dû déguerpir".
Depuis une décision de la cour d'appel de Pau en décembre 2019, l'accusé bénéficie d'une remise en liberté sous contrôle judiciaire" Sa seule contrainte a été de se présenter une fois tous les quinze jours à la gendarmerie. Ce sont des vacances qu'il a eues pendant deux ans, déplore Jamila El Barkaoui, peu sereine à l'idée d'affronter celui qu'elle considère comme le meurtrier de son frère. Je n'ai jamais vu son visage, je ne sais pas à quoi il ressemble. C'est extrêmement difficile pour ma famille et moi-même", admet-elle.
Les proches le répètent : ils n'attendent rien de l'accusé, mais beaucoup de la justice. "Mon frère, c'était le dernier de la fratrie, c'était quelqu'un d'espiègle, qui aimait rire, qui était généreux, gentil. Il n'a jamais eu besoin de se cacher derrière une arme s'il avait besoin de s'expliquer avec quelqu'un, poursuit Jamila. J'attends désormais que la sanction soit à la hauteur de ce qu'a subit mon frère, et que cela donne un exemple à tous ceux qui pourraient être tentés d'enlever la vie de quelqu'un".
Le verdict est attendu pour le jeudi 7 octobre.