Pluies quasiment incessantes "depuis novembre", sols gorgés d'eau, champs inondés, Denis Labri agriculteur à Sabres (Landes), " n'a jamais vu ça ". Et, comme ses collègues aquitains touchés par les crues récentes, il redoute que ces intempéries ne compromettent largement les récoltes.
Le ciel, bas et gris, déverse une pluie fine sur cette petite commune de Haute Lande. Derrière ses lunettes fumées, Denis Labri, 51 ans, observe ses terres : 240 hectares d'asperges, de petits pois et de maïs qu'il exploite depuis 1995.
Sur les parcelles de maïs, constellées de flaques, le sol, saturé d'eau, est meuble, franchement mou par endroits. " Les racines (des pieds de maïs) baignent dans l'eau et ne se développent pas correctement, s'agace-t-il. Les pieds devraient arriver au-dessus du genou. Là, ils dépassent à peine la cheville..."
La faute aux pluies qui arrosent la région depuis l'automne et ne laissent aucun répit aux sols : " Normalement, c'est bon pour la nappe phréatique. Sauf que là, elle est tellement pleine " qu'elle est " à fleur de sol ", explique-t-il.
" les hectares de maïs sous l'eau "
Une situation " catastrophique " qui fait craindre à Denis Labris, qui n'a pas pu planter tout son maïs, une récolte tronquée. Outre les hectares de petits pois noyés par l'excédent d'eau, il table sur " au moins 25% de la production de maïs perdue (...) Pour les agriculteurs, ça sera pire que Klaus ", l'ouragan qui avait ravagé le Sud-Ouest en janvier 2009.Les études de Météo France le confirment : il faut remonter à 1986 pour trouver un printemps aussi frais en France, en à 2008 pour ce qui est de l'intensité des précipitations.
Dans la commune voisine, à Solférino, Patrick Zamanski dresse le même constat. Il est à la tête d'une exploitation de 118 hectares partagés entre asperges et maïs. " Mes 52 hectares de maïs sont pratiquement tous sous l'eau ", lâche le quinquagénaire. En termes d'intempéries, " c'est la pire année que j'ai pu voir ".
Et de prédire lui aussi " un manque à gagner de 20 à 30% ", des décalages sur la croissance des pieds de maïs, des retards sur les cultures et l'emploi des saisonniers...
Des kiwis submergés
Plus au sud, la région de Peyrehorade, arrosée par les gaves de Pau et d'Oloron, a subi, dans la nuit de mercredi à jeudi, une violente montée des eaux qui a coûté la vie à une automobiliste à Cauneille. Non loin, à Sorde-l'Abbaye, Jean-Marc Benquet exploite 120 hectares de maïs, tournesols et kiwis. Jeudi, il s'est retrouvé avec 30 hectares submergés, dont la totalité de ses kiwis (4 ha), recouverts, selon les endroits, par 1,5 à 2,2 mètres d'eau.
Lui non plus n'avait " jamais vu ça ". Par bonheur, il a eu " la chance " de pourvoir planter l'intégralité de son maïs. Mais, au final, il pourrait tout de même essuyer une perte de production " de 15 à 20% ", avec un manque à gagner global de 75.000 euros. Sans compter les quatre saisonniers qu'il a dû renvoyer dernièrement...
Et les choses risquent d'être beaucoup plus compliquées en fin d'année, lorsque viendra le temps de rembourser les emprunts et que la trésorerie manquera, analyse-t-il.
20 à 40 % de pertes
Même s'il est difficile pour l'heure de chiffrer précisément les dégâts au niveau régional - sur l'ensemble du pays, la FNSEA parle de 500 millions d'euros - la facture s'annonce salée : rien que pour le maïs, culture maîtresse en Aquitaine (3,5 millions de tonnes annuels) et dans les Landes (1,3 million de tonnes), " 20% des surfaces n'ont pas pu être ensemencées ", s'inquiète Henri Biès-Péré, président de la FRSEA Aquitaine, qui s'attend " à 20 à 40% de pertes
sur ce qui a été semé ".
Et même si assurances et caisses de compensation devraient, en partie au moins, apporter leur obole, il appelle de ses voeux une aide des pouvoirs publics, alors que le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, a annoncé des mesures d'urgence pour venir en aide aux agriculteurs et aux éleveurs, sans pour autant dévoiler le montant de l'enveloppe.