Interdire les corridas aux moins de 16 ans, c'est le projet de plusieurs sénateurs. Le texte, qui sera débattu le 14 novembre prochain, a pour objectif d'éviter l'exposition des enfants à la violence du spectacle taurin. Mais pour les défenseurs de cette tradition landaise, ce combat n'est pas opportun.
Le texte présenté au Sénat n'a que peu de chance d'aboutir, mais promet, comme à chaque fois sur le sujet, des joutes verbales entre les pros et anti corrida. Dans les Landes, les courses bovines, vachettes et autres corridas rythment les fêtes locales depuis des générations. C'est pourquoi, la corrida fait figure d'exception dans le droit français.
Un spectacle pour les enfants ?
L’article 521-1 du code pénal punit de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende les "sévices graves ou acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité". Mais les dispositions de cet article "ne sont pas applicables aux courses de taureaux lorsqu'une tradition locale ininterrompue peut être invoquée". Bref, la corrida est interdite en France, sauf, dans une dizaine de départements du sud du pays, et notamment, dans les arènes landaises.
Si la tradition permet à la corrida de perdurer juridiquement dans ces territoires, de plus en plus de Français s'interrogent sur le bien-fondé de laisser de jeunes spectateurs assister à ces spectacles taurins, impliquant des poses de banderilles et une mise à mort.
Est-il légitime pour un enfant d’y assister ? La réponse est non pour l’Alliance anti-corrida, à l’origine du texte présenté au Sénat, une proposition de loi visant à interdire aux mineurs de moins de 16 ans d’assister aux corridas et aux combats de coqs.
"Les actes de maltraitance conduisent à des violences"
"De nombreuses études rapportent que les actes de maltraitances, quand les enfants y sont exposés, conduisent à des violences plus tard. Sur des animaux et même sur des êtres humains", argumente Claire Starozinski, présidente Alliance Anticorrida. "Les taurins disent que ces études n’existent pas. Mais si elles existent, j’en ai toute une liste ! Elles sont en anglais et je peux les fournir à qui le souhaite", ajoute-t-elle.
J'ai vu des enfants de deux ans à une corrida !
Claire StarozinskiPrésidente Alliance anti-corrida
Claire Starozinski rappelle qu'elle a été enseignante pendant 34 ans. "Je connais les enfants. Je sais de quoi je parle, assure-t-elle avant de demander aux responsables politiques de "prendre leur responsabilité en tant que personnes et en tant que parents". Et de conclure, "il y a beaucoup de violences en ce moment. Est-ce qu'il est légitime d'en rajouter ?"
Le texte visant à interdire la corrida aux plus jeunes a été déposé en mars dernier par Samantha Cazebonne, sénatrice RDPI (Renaissance) des Français établis hors de France et cosigné par des élus de droite comme de gauche.
Le groupe RDPI a décidé de l’inscrire dans sa niche parlementaire du 14 novembre au Sénat. L’objectif est de "protéger les enfants en évitant de les exposer à la violence". Pour Arnaud Bazin, sénateur Les Républicains du Val-d’Oise et cosignataire du texte, c’est "une proposition de cohérence vis-à-vis de la protection de l’enfance".
"L'identité de nos territoires"
Après le projet de loi d’interdiction, abandonné en 2022, et les diverses mobilisations anti-corridas, les aficionados s’apprêtent à défendre une nouvelle fois leur tradition.
Le maire de Mont-de-Marsan, Charles Dayot (Horizons), semble lassé par cet éternel débat. L'édile voit deux libertés fondamentales attaquées dans ce texte : l’autorité parentale et la liberté culturelle des territoires.
Ce n'est pas le sénat qui veut abolir ces libertés, c'est un sénateur.
Charles DayotMaire de Mont-de-Marsan
"Je n'ai pas besoin d'un sénateur pour éduquer et transmettre les choses à mon fils de 15 ans, ajoute-t-il. Charles Dayot est également vice-président des villes taurines qui défendent, selon lui, "une liberté locale et une liberté de transmettre aux nouvelles générations. Ce qui fait aussi l’identité de nos territoires ", souligne-t-il.
On est dans un pays qui doit chercher des solutions sur plein d’autres problèmes plutôt que d’emmerder, excusez-moi, 56 villes taurines !
Charles DayotMaire de Mont-de-Marsan et vice-président des villes taurines
Une nouvelle banderille des anticorridas
Pascal Darquié, le président de la Commission Taurine de Saint-Perdon, est sur la même ligne que le maire de Mont-de-Marsan. Il regrette un "entêtement inopportun".
Pour lui, cette bataille législative contre les corridas est un nouveau coup d’épée dans l’eau face à une tradition bien ancrée. "Cet entêtement quand on voit que toutes les velléités qui ont été entreprises, ont été vouées à l’échec... Peut-être vont-ils se fatiguer" ?, espère-t-il.