Le procès devant la Cour d’Assises des Landes aura lieu à l’automne prochain. En attendant, la famille s’étonne que le mis en examen soit en liberté, même contrôlée. Les associations dénoncent le silence médiatique autour de ce crime raciste.
Le mis en examen sera jugé par la Cour d’Assises des Landes pour tentative de meurtre avec préméditation, en raison de l’appartenance réelle ou supposée à une ethnie, une nation ou une prétendue race. « Pourtant, depuis décembre 2019 et à la suite d’une décision de la Cour d’appel de Pau, le mis en examen est en liberté sous contrôle judiciaire », expliquent SOS Racisme et le MRAP40 dans un communiqué. « A ce jour, les parties civiles – la famille de Saïd ainsi que les associations antiracistes - ne comprennent toujours pas comment l'auteur de faits racistes aussi dramatiques peut profiter de la liberté, même contrôlée, dans l’attente de son procès ».
Rappel des faits
Le 20 mai 2018, à Ychoux, un voisin tire cinq balles sur Saïd El Barkaoui devant les siens, dont deux dans le dos. Pour la famille de Saïd El Barkaoui, les motivations racistes de Claude Gorsky ne font aucun doute :
Avant de tirer, il l'a insulté, une nouvelle fois, de 'sale bougnoule'" Et il a rajouté ces mots : '"Je t'avais bien dit que te butterais'.
En novembre dernier, la notion de racisme a été retenue par l'instruction.
Les parties civiles sont ainsi informées par une ordonnance du juge de la mise en accusation de Claude Gorsky devant la Cour d’Assises des Landes pour tentative de meurtre avec préméditation, en raison de l’appartenance réelle ou supposée à une ethnie, une nation ou une prétendue race.
« Un manque de respect vis-à-vis de mon frère »
Jamila El Barkaoui est blessée. L’homme qui a tué son frère est en liberté. Cela lui est insupportable. « Depuis le 10 décembre 2019 il est en liberté sous contrôle judiciaire », rappelle-telle. "La Cour d’appel de Pau la lui a accordée en stipulant qu’il n’y avait pas de dangerosité. Et comme lors de la marche blanche en 2018 il n’y a pas eu de débordement, il n’y a aucun risque. C’est scandaleux, même les avocats ne comprennent pas cette décision. J’estime que c’est assassin », dit-elle. « Il a tiré cinq fois sur mon frère, en tenant des propos racistes. C’était prémédité, il a fait ça devant ses enfants. Il y a quelque chose qui ne va pas. C’est inadmissible que cet individu soit en liberté avec pour seule contrainte de se présenter tous les 15 jours à la gendarmerie. C’est un manque de respect vis-à-vis de mon frère. Comment on peut libérer un individu pareil ».
« A part une page dans Paris Match, on a rien eu »
Si les médias régionaux ont relaté depuis le début cette affaire, la famille de Saïd El Barkaoui a le sentiment d’être mise de côté par la presse nationale. « Le silence médiatique sur le plan national à l’égard de ce crime raciste témoigne sans doute d’une difficulté de notre pays à regarder en face et à condamner la malveillance raciste qui se déploie dans notre pays depuis plusieurs années », dénoncent conjointement le MRAP et SOS Racisme.
A l’heure où les clivages au sein de la population sont sans cesse alimentés, il est essentiel que la lumière soit mise sur les faits racistes, sur leurs mécanismes et sur celles et ceux qui les dénoncent et les combattent.
Jamila El Barkaoui s’est démenée pour alerter les médias parisiens. « Malgré toutes nos tentatives, cela n’a pas abouti. On est suivi par plusieurs associations notamment SOS Racisme Paris. Mais à part une page dans Paris Match on a rien eu. On a écrit à tous les medias. Ce qui est arrivé à mon frère méritait d’être relaté. On a tué quelqu’un parce qu’il était arabe ».
Différence de traitement entre la ville et la campagne ?
C’est ce que dénoncent la sœur de la victime et les associations qui la soutiennent. « Faut-il y voir un désintérêt dès lors que de tels faits se déroulent loin d’une grande métropole ? », interrogent le MRAP et SOS racisme. « On a le sentiment que ces crimes commis à la campagne sont moins traités que ceux des villes », poursuit Jamila El Barkaoui.
Quand c’est en ville, cela réagit de suite. Comme si dans les campagnes, c’était un fait divers qui n’intéresse personne. Comme si on s’habituait aux faits divers.
"On ne peut pas s’habituer", poursuit Jamila El Barkaoui. "Il n’y a pas de différence à faire entre la ville et la campagne. Cela doit être traité pareil mais cela n’est pas le cas pas le cas sauf si on a le bras long et un réseau. Mais c’est très difficile".
Rassemblement le 5 juin
En décembre dernier SOS racisme avait déjà organisé un rassemblement à Bordeaux sur le parvis des Droits de l'Homme. « C’est très important pour nous », conclut la sœur de la victime. « Aujourd'hui cela fait trois ans que Saïd est mort ». Un nouveau rendez-vous est donc donné pour le samedi 5 juin à 11h, place Saint-Roch à Mont-de-Marsan (40). « On a organisé ça un samedi pour qu’il y ait le plus de monde possible ». Un rassemblement symbolique en attendant le procès aux assises à l’automne. « On espère que cela ne va pas traîner et que le procès aura bien lieu. Je le souhaite. Je le souhaite aussi pour mes parents. Ils sont âgés. Il faut que justice soit rendue à leur enfant ».