Examens maintenus, leçons interdites : la colère des auto-écoles

Présenter des candidats au permis de conduire sans pouvoir dispenser de leçon, voici le nouveau dilemme kafkaïen des écoles de conduite. En Lot-et-Garonne, leurs gérants dénoncent les contradictions du décret du 29 octobre 2020 régissant leur activité et demandent au gouvernement de trancher. 
 

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Imaginez que l’on autorise un boucher à garder sa boutique ouverte, mais qu’on lui interdise d’utiliser son couteau. C’est ce qu’il se passe pour nous.

En ce matin d’octobre, David Couleau, responsable d’une école de conduite à Saint Pardoux Isaac, dans le Lot-et-Garonne, est en colère. Comme lui, une trentaine de responsables d’auto-écoles se sont donnés rendez-vous devant la préfecture d’Agen.

Dans ce milieu très concurrentiel, jamais autant de moniteurs n’avaient ainsi manifesté ensemble. Mais cette fois, l’heure est grave et tous font front commun face à une situation qu’ils qualifient « d’ubuesque ». Les examens du permis de conduire restent autorisés pendant le reconfinement, mais interdiction leur est faite de dispenser des leçons de conduite.   

Fermer ou conduire, il faut choisir

Ballottés lors du premier confinement d’ouvertures en fermetures, les responsables d’auto-écoles exigent du gouvernement une décision claire : autoriser à nouveau les cours de conduite ou imposer à l’ensemble de la profession une fermeture administrative, permettant d’ouvrir droit à l’aide de 1.500 euros mensuelle promise par l’exécutif.

Ce lundi, une délégation a été reçue à la préfecture, sans résultat.
Seule bonne nouvelle ce mardi matin, la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) a annoncé que les agences pourraient finalement prétendre au chômage partiel. Un soulagement pour les salariés des écoles de conduite, qui n’auront pas à poser de jours de congés pendant le reconfinement, ainsi que leur avaient demandé certains responsables.

Car dans les écoles, l’activité s’est arrêtée net.

À part laver nos voitures nous ne pouvons rien faire. Ce matin, j’ai décommandé les cours d’une quinzaine d’élèves qui ne comprennent pas la situation. Les trois quarts ont besoin de leur permis pour étudier, commencer un stage ou un travail. Dans une zone rurale comme la nôtre, conduire, c’est indispensable pour travailler.

Nicolas Couleau, installé à Saint Pardoux Isaac depuis trois ans.

Pas question pour lui de subir les mêmes conséquences qu’au premier confinement : 15 000 € de pertes sèches puis un été et un automne menés tambour battant sans prendre un seul jour de vacances pour tenter d’éponger les pertes. Car, nous explique-t-il, tout est en location dans les auto-écoles, à commencer par les voitures et le local, sans oublier les abonnements d’eau, de téléphone et d’électricité. « Un mois d’inactivité, c’est un mois passé en pûre perte ».

Déjà, certains propriétaires d’auto-écoles tentent de revendre leur affaire, mais le reconfinement n’encourage pas, loin de là, les repreneurs éventuels.

Boom des inscriptions au 1er déconfinement

Le premier déconfinement avait pourtant engendré un rebond exceptionnel des inscriptions au printemps dernier : plus 100 % de nouveaux élèves à l’auto-école Jasmin d’Agen. « L’agence, se souvient Fabienne Chmielewski, avait même dû embaucher un nouveau salarié en CDD. Nous avions le projet de transformer son contrat en CDI au début de l’année mais le reconfinement précarise à nouveau notre activité, c’est angoissant ».

Tous demandent désormais au gouvernement de se positionner clairement.

Il faut que ce soit blanc ou noir. Surtout pas de demi-mesure. Il ne faudrait pas que l’on nous autorise à travailler à seulement 20 % de nos capacités, en excluant les formations motos ou la conduite accompagnée, jugées non-essentielles. Sans ces activités nous ne pourrons pas survivre.


Mais entre menace terroriste et lutte contre la criminalité, les préoccupations de leur ministre de tutelle, Gérald Darmanin, semblent bien éloignées des espérances des auto-écoles.

On parle beaucoup du désarroi des libraires ou des commerçants, mais nous sommes les grands oubliés des mesures gouvernementales.


Déjà, certains évoquent leurs collègues de l’Hérault qui bravent l’interdiction en continuant de dispenser des leçons de conduite.

Si aucune solution n’est trouvée, nous devrons reprendre, même si cela est interdit. Car en continuant comme cela, dans 15 jours nous sommes morts.

un gérant d’auto-école



Le secteur, en Lot-et-Garonne, représente 178 salariés, répartis sur 65 écoles de conduite.
 
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