"La bonne bouffe disparaît" : clients qui manquent à l'appel, prêts à rembourser, le cri d’alarme des restaurateurs du Lot-Garonne

Recherche clients désespérément, des salles clairsemées à l’heure du déjeuner ou du dîner. Depuis plusieurs années, les restaurants traditionnels du Lot-et-Garonne sont en souffrance. La situation est si critique que le patron de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie du département redoute encore plus de dépôts de bilan en 2025.

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Le secteur de la restauration est au plus mal. Entre la baisse du pouvoir d'achat, l'inflation des matières premières et les hausses des charges, notamment de l'énergie, les professionnels du secteur font la soupe à la grimace. Une situation qui n’échappe pas au Lot-et-Garonne. 

"On ne gagne pas d'argent, on survit! "

Adrien Pedrazzi ne cache pas son inquiétude. Il préside l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH) dans le département. Son constat est sans appel : "aujourd'hui, on ne gagne pas d’argent, on survit". Installé aux fourneaux d’un restaurant italo-gascon dans une zone commerciale aux portes d’Agen, le restaurateur connaît lui-même des hauts et des bas. Pourtant, en cette fin novembre, le restaurateur est difficilement joignable par téléphone. Il est un peu plus de 14 heures. Au deuxième coup de fil, ce chef à la voix chantante demande de le rappeler un peu plus tard. "C’est encore trop tôt !  On est encore plein, on en profite !"
Son credo :  en profiter dès que l’occasion se présente. "On voit bien que le panier moyen est en baisse. Moi, par exemple, j’ai fait moins 14 % de chiffres d’affaires en septembre et plus 3% en octobre !"

À l’approche de Noël, le moral des troupes n’est pas bon. " Ça ne va pas du tout et l’année prochaine sera pire", prédit, Adrien Pedrazzi, une fois le coup de feu passé.

Je pense qu'il y aura beaucoup de dépôts de bilan, plus que l’an passé où nous en avons eu cent dans le département ! 

 Adrien Pedrazzi

UMIH 47

Les PGE, une solution devenue un fardeau

Au moment où les perspectives économiques se dégradent, des patrons de restaurants ont encore sur le dos les prêts garantis par l’État. Ces PGE, appelés désormais par certains, des "Poisons Garantis par l’Etat " ont certes permis aux entreprises de continuer leur activité pendant la crise du Covid 19. Mais quatre ans plus tard, ils pèsent toujours lourd sur les trésoreries. 700 000 PGE ont été accordés aux TPE et PME dans le pays. Près d’un tiers doit encore être remboursé, selon la Banque de France. "Il faut savoir que la part de remboursement est considérable. Quand vous allez manger au restaurant, c’est, 6,5 % de votre assiette", détaille Adrien Pedrazzi. 

Valérie Dabin est dans le métier depuis 40 ans. Après de longues années en région parisienne, elle s’est installée à Agen il y a douze ans. Elle aussi, fait de la restauration traditionnelle. Son fonds de commerce est payé, "mais c’est tout de même très compliqué," dit-elle. Et d’égrainer, les charges, les salaires, la marchandise. Comme d’autres établissements, cette restauratrice a vu sa trésorerie fondre comme neige au soleil. "Avant, on avait de quoi voir venir, aujourd’hui c’est fini. On est à flux tendu. On espère tous les jours travailler assez, pour pouvoir payer ce que l’on a à payer."

On n’est pas complètement idiot dans la restauration. On comprend très bien que les gens fassent attention à leurs dépenses !

Valérie Dabin

Restauratrice à Agen

Aller au restaurant coûte cher

Depuis quelques années, les prix à la carte se sont envolés. Plus 12 % en moyenne sur l’année 2022, 8 % d'augmentation en 2023. En 2024, la hausse est estimée à 3 %, selon les estimations du cabinet Food Service Vision

Quand vous prenez 40 % sur les produits  alimentaires, c'est normal que ça augmente !

Adrien Pedrazzi

UMIH Lot-et-Garonne

Valérie Dabin ne sous-estime pas l’impact des augmentations répercutées dans les établissements. Elle-même a revu sa carte, "un petit peu à la hausse". Une décision justifiée, selon elle, par l’explosion du coût des matières premières, des produits.

"Les magrets de canard, par exemple, ont pris entre 20 et 30 %. Les saint-jacques ont augmenté de 10 euros au kilo. Tout a augmenté ! Et je ne vous parle pas du pain. Ça peut paraître anecdotique, mais le pain, c'est un budget énorme ! Je ne peux pas dire aux gens : je ne vous donne qu’un morceau !"

De son côté, Adrien Pedrazzi déplore également une saison estivale en demi-teinte. Le bilan contrasté n’a pas joué en faveur des restaurateurs. Pourtant, le Tour de France a traversé les bastides du territoire. Mais le peloton n’a pas aiguisé les appétits. "C'est catastrophique. Tous les hôtels ont fait complet. Je ne connais pas un confrère hôtelier qui n'a pas refusé du monde. Par contre, la restauration, ça a été la cata !"

Explosion de la restauration rapide

Avec un pouvoir d’achat en baisse et des budgets serrés, les modes de consommation ont changé. De nouveaux commerces apparaissent et détournent l’attention des clients. C’est aussi le cas en Lot-et-Garonne. Les fast-foods restent une valeur sûre pour beaucoup d’amateurs. Leur nombre a explosé, regrette le président de l’UMIH. "Ça représente 25 % de créations de restaurants en 2023 dans le département. Ils prennent le pas sur les restaurants classiques".

Le représentant de l'Umih connaît les chiffres par cœur :  47, 59% des professionnels en restauration ont moins de deux ans d'existence. Le Lot-et-Garonne, affiche 100 départs en 2023, pour 60 créations.

Et puis il y a la concurrence des marchés gourmands, si redoutés par les restaurateurs. Des marchés qui ont la cote auprès de touristes, mais aussi des locaux. "Ça nous fait beaucoup de mal. Nous ne sommes pas contre, mais nous demandons la même équité, les mêmes règles, les mêmes contrôles".

Marché saturé

Aujourd’hui, le secteur en crise est confronté à une offre variée et une concurrence féroce. À en croire Adrien Pedrazzi, les établissements sont trop nombreux au regard de la population. "Ici, il y a 1,7 couvert par habitant. À Paris, c'est 0,8. Il faut revoir tout ça !". 

Malgré la morosité ambiante, Valerie Dabin redouble d’efforts au quotidien. Aujourd’hui, à l’approche de la retraite, sa carrière est derrière elle. Mais cette passionnée ne voit pas l’avenir d’un bon œil. Elle n’aimerait pas voir disparaître ce patrimoine culinaire qu’elle estime aujourd’hui menacé. "Ce qui me fait mal, c'est que la bonne bouffe disparaisse ! ".   

 

 

 

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