Elles ont été les deux premières personnes officiellement infectées par le Covid-19 dans le Lot-et-Garonne. Elles sont aussi les premières guéries. Le couple d’évangélistes originaires de Saint-Pierre-de-Clairac, qui avait participé au rassemblement de Mulhouse en février dernier, témoigne.
Au téléphone, le débit est rapide. La parole, volubile, comme libérée. Et pour cause. À 65 ans, cet habitant de Saint-Pierre-de-Clairac (47), sait que lui et son épouse reviennent de loin. Le 4 mars, le couple apprend son infection au Covid-19. L’homme est asymptomatique, mais son épouse est, elle, transférée en réanimation à l’Hopital Pellegrin de Bordeaux.
Aujourd’hui, les voici tous deux guéris. La fin d’un long chemin de croix.
Tout commence lors du rassemblement évangélique de Mulhouse, cinq jours de jeûne et de prières.
À cette époque, le virus semble bien loin. Les rassemblements de ce type sont encore autorisés en France et aucune mise en garde n’est faite par les autorités.Nous étions entre 1 500 et 2 000 personnes, tous ensemble. Vous savez, quand on veut prier pour quelqu’un, on se prend dans les bras et on s’embrasse. On l’a toujours fait, c’était normal. Nous étions entre « frères » et « sœurs ». Et à ce sujet, la Bible dit : s’embrasser par un saint baiser.
On est chrétiens mais pas fous. Si on avait su un instant ce que l’on risquait, jamais nous serions allés nous jeter dans la gueule du loup.
Y a-t-il eu du retard dans la prise de décision?
Car dès le 1er mars, l’Eglise évangélique est alertée par une fidèle testée positive au Covid-19. Peu à peu, des cas se déclarent sur tout le territoire. En Corse, à Paris, à Nîmes, en Guyane et dans le Lot-et-Garonne. Au total, un millier de fidèles auraient été contaminés.
L’un à Saint-Pierre-de-Clairac, l’autre à Bordeaux, le couple vit de son coté deux expériences diamétralement opposées du virus. Lui, asymptomatique, est mis en quarantaine chez lui mais restera positif 21 jours. Placée en coma artificiel, son épouse est hospitalisée 12 jours durant dans un état critique… jusqu’à la délivrance.Il a fallu attendre neuf jours après la contamination pour avoir une réaction des autorités sanitaires. Elles n’ont pas réagi assez vite. Le confinement aurait dû être déclaré tout de suite. Entre-temps, des gens ont été contaminés. Il aurait suffit de faire une annonce à la télévision pour que les personnes se manifestent. C’était simple à faire, mais je pense qu’ils n’ont pas voulu affoler la population.
Désormais, tous deux sont négatifs et possèdent des anticorps, ce qui les empêcheraient, selon les médecins, de contracter à nouveau le virus.Un jour enfin, je reçois un coup de téléphone de l’hôpital : ma femme s’était réveillée. Elle a été la première à entrer au CHU de Bordeaux malade et la première à en ressortir guérie. Aujourd’hui, elle n’a plus rien aux poumons, elle n’est plus contagieuse et va pouvoir finir sa convalescence à domicile.
L’homme aujourd’hui remercie le personnel soignant à l’écoute malgré la surcharge de travail. Sa foi en sort renforcée mais ses pensées vont au reste de la communauté évangélique, accusée d’avoir propagé le virus et depuis, stigmatisée.
Qui est le patient zéro, à l’origine de la contamination du rassemblement de Mulhouse ? Quel avenir pour les guéris du Covid-19 ? Comment revenir à la société ? Autant de questions soulevées par cette expérience. Et une nouvelle épreuve à venir : celle du retour à la vie normale.Vous savez, les pasteurs de Mulhouse sont quotidiennement menacés. En ce moment, on tire à boulets rouges sur les chrétiens évangéliques.