Plainte contre Gérald Darmanin. "Il faut un juge courageux" : la co-présidente de la Coordination rurale 47 dénonce les conditions de sa garde à vue

Karine Duc, la co-présidente de la Coordination rurale du Lot-et-Garonne a déposé plainte ce lundi. Une plainte qu'elle estime "symbolique" mais indispensable après la mise en garde à vue de plusieurs agriculteurs à Rungis.

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Chaque minute compte pour la viticultrice, revenue dans ses terres en Lot-et-Garonne. Après les actions fortes des agriculteurs ces dernières semaines dont elle incarnait l'une des figures, Karine Duc n'a droit qu'à peu de répit. "Je suis en train de tailler mes vignobles pour rattraper tout le retard accumulé, souffle-t-elle, le téléphone d'une main et ses ciseaux de vignes dans l'autre. J'ai la taille à finir, j'ai des échéances impératives à tenir, il faut que tout soit prêt." 

Alors que le convoi du Sud-Ouest, en route vers Paris, a rebroussé chemin, la colère de Karine Duc, elle, ne retombe pas. Du moins, elle ne restera pas sans réponse. Mercredi 31 janvier, la co-présidente de la CR 47 a été placée en garde à vue au commissariat de Maisons-Alfort, en Val-de-Marne. Elle s'était, avec d'autres agriculteurs, introduite dans l'enceinte du marché de Rungis. Une décision "disproportionnée" selon elle, qui a conduit au dépôt d'une plainte ce lundi, contre X, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et contre le préfet du Val-de-Marne.
"Par principe, je ne peux pas laisser les choses se faire comme ça", s'indigne la figure de la Coordination rurale.  

"Aucune infraction"

Mercredi 31 janvier, Karine Duc a été placée en garde-à-vue, pour dégradation de biens d'autrui et participation à une réunion en vue de commettre des dégradations.  Déçus par les annonces faites la veille par le premier ministre Gabriel Attal, de nombreux agriculteurs avaient tenté de s'introduire dans l'enceinte du marché de Rungis. Situé dans le Val-de-Marne, ce marché international alimente la majeure partie des commerces de bouche de Paris.  Quatre-vingt-onze d'entre eux ont été interpellés. "Dans le groupe dans lequel j'étais à 17 heures, il n'y a eu aucune infraction, tient-elle à préciser. Des portes étaient ouvertes, on est seulement rentrés. Les portes verrouillées n'ont pas été vandalisées. On voulait seulement exprimer notre droit à manifester."

On a été encerclés de CRS qui étaient bien plus nombreux que nous. On n'avait aucune volonté de s'opposer ou de forcer que ce soit, ça s'est vu sur toutes les images

Karine Duc

co-présidente de la Coordination rurale Lot-et-Garonne

Contactée, son avocate Me Déborah Roilette parle "d'un coup de force, d'intimidation". Elle se dit dans la même incompréhension. "Ils sont rentrés à pied, de manière très pacifique, ils sont filmés, minute par minute, par une chaîne d'information et tout est calme, il n'y aucune dégradation." Et d'ajouter : "Quand on leur a demandé de sortir, ils étaient dehors en deux minutes."  

"Menottée sur un banc"

Ce lundi 5 février, Karine Duc a donc déposé plainte au paquet de Créteil pour violation des libertés fondamentales, se basant sur l'article 432-4 du Code pénal. "C'est un article qui sanctionne toute attitude qui outrepasse les droits et enfreint les libertés d'une personne par un dépositaire de l'autorité publique avec toute une chaine de responsabilité", précise son avocate Me Déborah Roilette.

Car la co-présidente du syndicat agricole a eu le sentiment de voir ses droits bafoués. "J'étais menottée sur un banc. Lorsque mon avocate s'est présentée au commissariat, je n'ai pas pu la voir, argue-t-elle. On est en France, on a quand même des droits, même si on est interpellés à juste titre." 

"Je suis informée que Karine est en garde à vue à 20 heures, détaille son avocate. Je me suis déplacée, mais je n'ai pas eu accès à ma cliente. Elle était à deux mètres de moi, mais on me disait que ce n'était pas possible de la voir, car il n'y avait pas d'OPJ (officier de la police judiciaire)."

Karine n'a jamais eu ce genre de confrontation avec les policiers et tout d'un coup, elle est en garde à vue, elle ne peut pas me parler. Imaginez le stress énorme pour elle, d'autant plus qu'il ne faut pas oublier qu'on ne sait pas le temps que ça peut durer.

Me Déborah Roilette

avocate de Karine Duc

"Il faut un juge courageux"

De sa plainte, Karine Duc confie "ne pas en attendre grand chose". "C'est peut-être de l'ordre du symbolique : il fallait avoir une réaction, estime la viticultrice, mais on ne gagne pas contre ces gens-là."

Son avocate, quant à elle, "espère aller jusqu'au procès" même s'il faudra "un juge courageux". "Il y a des attentes concrètes, on attend que le parquet fasse son enquête." "Depuis quatre, cinq ans, on fait des coups de filet où on met des centaines de personnes en garde-à-vue sous prétexte de futures possibles dégradations, pointe Me Déborah Roilette. Mettons des critères plus précis pour interpeller les gens." 

Je voudrais qu'on puisse respecter la liberté de manifester, que les interpellations et mises en garde à vue dans l'intention d'humilier ou de simplement faire peur, soit révisées.

Karine Duc

coprésidente de la Coordination rurale 47

La Coordination rurale Lot-et-Garonne s'est associée à la plainte. Si celle-ci n'aboutit pas, l'avocate de Karine Duc évoque la possibilité de la constitution de parties civiles.

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