Les barrages sont levés, mais l'inquiétude quant à leur avenir reste grande chez bon nombre d'agriculteurs. Notamment ceux de la filière bio, comme cette éleveuse du pays de Châtellerault.
Levée à 6 h 30 ce dimanche matin, comme chaque jour, pour "être aux animaux" une heure plus tard, les nourrir et les soigner. L'éleveuse est un peu amère quand elle évoque l'issue donnée au récent mouvement de colère des agriculteurs. Mais le contact de ses bêtes fait renaître son sourire. Elle leur parle, les caresse, les masse presque.
"J'ai suivi le mouvement de près, et je ne le vis pas très bien parce que la revendication principale et la colère du monde paysan, elle est sur les revenus. Et la réponse qu'on a eue du gouvernement, c'est : on va vous enlever des normes. Moi, je suis en bio, les normes environnementales, elles ne m'ont jamais gênée. Ce ne sont pas les normes qui posent des problèmes de revenu. Le Beaufort, le Comté, ils ont des normes et pourtant, ils ont moins de problèmes de revenu que nous. Les AOC (appellations d'origine contrôlée, ndlr), c'est là où les paysans sont le mieux rémunérés" s'agace Béatrice Martin.
Trois générations de vaches au pelage brun légèrement bouclé et aux cornes majestueuses, qui vivent dehors la plus grande partie de l'année. Sauf quand il gèle, parce que les canalisations gelées ne permettent plus de les abreuver.
"Je suis en Salers en bio. J'ai une trentaine de vaches mères. Les veaux partent pour partie en vente directe. Le bio, c'était même pas une question. Les vaches, elles sont faites pour manger de l'herbe, pas des farines animales" affirme-t-elle.
Nous, les paysans, notre travail est la variable d'ajustement.
Béatrice MartinEleveuse de vaches Salers en agriculture biologique
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Un réveil à venir avec la gueule de bois
Béatrice Martin a suivi avec attention les annonces du gouvernement. Si les principaux syndicats agricoles y voient des motifs de satisfaction, elle n'y voit aucune solution au souci de rémunération des agriculteurs dans leur ensemble. "Notre travail n'est pas compté comme un coût de production. On paye les charges, on rembourse les emprunts, et ce qui reste va payer notre travail. Dans certaines fermes, ce qui reste, c'est négatif" déplore-t-elle. Pour elle, les agriculteurs ne devraient pas être esclaves des spéculations internationales sur les matières premières.
"Tout ce qui a été décidé va à l'encontre de l'agriculture biologique et je ne sais pas quel sera mon avenir demain. Et beaucoup de paysans en colère vont se réveiller dans quelques mois avec la gueule de bois parce que rien n'aura changé dans leur système fondamentalement, pas que pour le bio" conclut-elle.
Les coups de museaux affectueux de Rose et de ses comparses ne suffisent pas à la rassurer profondément, mais la confortent dans ses choix.