La société Hafner, basée à Estillac, est liquidée. Ses 42 salariés, qui fabriquaient des pâtisseries industrielles pour Intermarché, vient d’apprendre son licenciement. Une nouvelle glaçante pour ces employés, dans un contexte économique déjà difficile.
"C’est aberrant, personnellement, je n’avais jamais vu un licenciement aussi brutal." À l’autre bout du combiné, Jean-Marc Gilly, le maire d’Estillac, dans le Lot-et-Garonne, n’en revient toujours pas. La quatrième ville économique de l’agglomération agenaise, avec 2 700 emplois, connaît sa première vague de licenciements. La société Hafner, qui avait racheté en 2019 la Ronde des fraîcheurs, est liquidée et ses 42 salariés licenciés."Déjà qu'en situation normale, c'est difficile, mais dans ce contexte, on est démunis. Nous ne comprenons pas comment c'est possible alors que le gouvernement avait assuré qu'aucun licenciement n'aurait lieu pendant cette période de confinement", se désole Dominique Gaillard, représentant du personnel.
"On veut témoigner du drame humain"
Ce jeudi 23 avril, à 10h, tous se sont donné rendez-vous devant les grilles de l’entreprise. Masques de rigueur et mesures barrières pour l’un des seuls rassemblements autorisés en cette période de confinement. "On se sent impuissant par rapport à cela, mais on veut témoigner de ce qu’il se passe, du drame humain qui est en train de se dérouler", regrette Dominique Gaillard.
Ce matin, la trentaine de salariés étaient accompagnés du maire de la commune, et d'un représentant de l'agglomération agenaise. Parmi eux, beaucoup se disent "dégoûtés". "Je trouve cela lamentable. Ils nous enlève le pain de la bouche et maintenant, c'est nous qui allons galérer pour retrouver un emploi", lâche Danielle Lacroux, dans l'entreprise depuis sept ans.
Avec peu de visibilité sur l'avenir, les employés attendent désormais leur salaire du mois d'avril, "qu'on ne devrait pas recevoir avant mi-mai" avant d'essayer de trouver un nouvel emploi dans un monde économique fragilisé.
"Se retrouver comme ça, au pas de la porte, alors qu'on nous avez promis du rêve, trois ans de travail et des possibilités d'évolution, ça fait mal. On aurait pu prendre nos chèques et tous partir lors du rachat, mais on est restés solidaires", se désole Ludovic Dias, employé depuis près de dix ans.
Lors du rachat par Hafner de la Ronde des fraîcheurs, le 1er février 2019, le groupe s’était séparé de l’ensemble des salariés intérimaires et en CDD, passant ainsi de 63 employés à 42. Un choix qui aurait dû être compensé par la promesse d'aucun licenciement futur. "Nous leur avons accordé notre confiance, quand d'autres ont pu bénéficier d'un départ accompagné, et aujourd'hui, on se sent trahis", résume Dominique Gaillard.
"Il n'y a pas eu de tentative de redressement judiciaire"
Des employés, handicapés pour certains, des mères célibataires et beaucoup de quinquagénaires, ont été placés depuis le 20 mars au chômage technique. Dominique Gaillard fait partie de ceux-là. Chef d’équipe depuis 11 ans, jamais il n’aurait imaginé se retrouver au chômage en l’espace de quatre jours. Il raconte une procédure menée tambour battant par une direction qui jusque là n’avait rien laissé paraître.
"Nous avons eu une réunion le 17 avril, où l'on nous a annoncé le placement en liquidation judiciaire de l'entreprise. L'audience au tribunal de commerce d'Agen a eu lieu le mardi 21 avril, le mercredi, nous apprenions la liquidation de l'entreprise. Même le n°2 de l''entreprise a eu la nouvelle en même temps que nous", énumère le chef d'équipe.
Une décision que la direction justifie par la perte d'1,4 millions d'euros depuis leur rachat, dont 300 000€ au premier trimestre 2020. Elle invoque également la nécessité de liquider l’usine lot-et-garonnaise pour permettre de sauver un site plus important, de 300 salariés situé en Savoie.
"Pour nous, ces chiffres sont erronés. Nous pensons qu'il prend en compte la perte d'activité liée au confinement. Cette décision s'inscrit dans une stratégie qui date d'avant le confinement", argumente Dominique Gaillard.
Cette décision a créé la stupeur dans le département. Informée, la Préfète du Lot-et-Garonne, Béatrice Lagarde se dit "révoltée par cette décision brutale de l'entreprise, qui laisse 42 familles sur le carreau ". Ce sont d'ailleurs dans des conditions exceptionnelles que le maire et la préfète ont autorisé la manifestation des salariés.