"Il nous ordonne de travailler avec lui" : un ancien candidat RN privatise la marque Jambon de Tonneins, les charcutiers en colère

La marque du traditionnel jambon de Tonneins, une recette ancestrale du Lot-et-Garonne, vient d'être déposée par un ancien élu du Rassemblement national. Une nouvelle qui a provoqué la colère des quelques charcutiers locaux qui le fabriquent encore. Ils ne pourront plus utiliser cette appellation sans reverser de l'argent au nouveau propriétaire.

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Il résulte d'un savoir-faire ancestral, est cuisiné par une poignée de mains et dégusté par quelques locaux. Le jambon de Tonneins, nom qu'il emprunte à la ville où il a été créé il y a 600 ans, est la fierté de ce petit coin du Lot-et-Garonne, situé entre Agen et Marmande. Lui qui, jusque-là, a toujours été si bien préservé, est aujourd'hui sous le feu des projecteurs : un ancien candidat du Rassemblement national, pourtant éloigné du monde de la restauration, a déposé la marque à l'INPI. Et n'a pas manqué de provoquer l'ire des charcutiers et riverains.

"L'authentique sauce de jambon"

"Ce n'est pas aujourd'hui que l'on va m'apprendre à le préparer", s'insurge Antoine Vico, charcutier traiteur depuis quarante ans. Le responsable du commerce Le Petit Gascon, situé dans le centre-ville de Tonneins, n'a pas apprécié l'approche de l'ancien candidat du Rassemblement national, propriétaire de la marque "jambon de Tonneins" depuis le 18 octobre. "Rémi Duprat m'a contacté par mail, puis m'a appelé au téléphone pour m'informer de son dépôt de marque, se souvient-il. Cette nouvelle m'a travaillé toute la nuit." 

À l'autre bout du fil, l'ancien candidat aux cantonales de Marmande lui a fait deux propositions : soit le charcutier lui verse un montant à chaque vente du jambon de Tonneins, soit il décide de changer le nom de son plat. Dès lors, le sang du charcutier n'a fait qu'un tour : "d'abord, il nous propose de travailler avec lui. Ensuite, il nous l'ordonne, s'agace le professionnel. Je n'aime pas qu'il nous dise comment travailler. En plus, il n'est même pas du métier." Pour Antoine Vico, la situation est vite vue : le plat s'appellera désormais "l'authentique sauce de jambon".

Chacun sa recette

Sans le savoir, l'ancien membre du Rassemblement national a mis les pieds en territoire ennemi. "Le principe de base, c'est que chaque charcutier a sa propre recette, explique Antoine Vico. C'est une règle très ancienne." Un état d'esprit confirmé par la boucherie Zélie, l'autre grand traiteur de la ville qui confectionne près de 80 kilos de jambon par semaine. "Il y a plusieurs recettes et goûts en fonction des préparations, indique le gérant. Toutefois, gare à celui ou celle qui s'en éloignerait trop : "la vraie dégustation se fait avec de la pomme de terre bouillie."

L'idée du dépôt de marque a traversé l'esprit de Rémi Duprat lorsque le président de la République, Emmanuel Macron, s'est rendu à Tonneins il y a un an, en octobre 2023. "Un charcutier lui a offert ce jambon, se souvient l'ex-candidat. Alors, j'ai simplement regardé si la marque avait été déposée." Par chance, la marque du jambon était éteinte depuis 2021. "Le propriétaire, qui l'avait exportée un temps en Bretagne, n'a pas renouvelé son dépôt de marque après vingt ans de possession", poursuit-il, avant d'expliquer qu'il avait sauté sur l'occasion. 

Je ne suis pas instruit, mais je suis intelligent.

Rémi Duprat

Ancien candidat du Rassemblement national et propriétaire de la marque "jambon de Tonneins"

Une aubaine pour Rémi Duprat, qui, face à la colère des locaux, ne baisse pas les armes. "Ce sont les charcutiers de la Confrérie du jambon de Tonneins qui n'ont pas accompli leur travail, proteste-t-il. Certains sont installés depuis vingt ans, travaillent un jambon vieux de 600 ans et n'ont même pas eu l'idée de déposer cette marque, appuie-t-il. C'est quand même fort." 

L'appât du gain

Aujourd'hui, son plan est bien rodé. L'objectif : faire fructifier sa nouvelle acquisition. "J'ai repris cette marque pour la commercialiser et en faire de l'argent, explique Rémi Duprat. Comme tout le monde." Et sa technique est déjà toute pensée : "je vais faire connaître ce jambon partout, assure-t-il. Pour cela, j'ai un ami sénateur qui va en emmener au Sénat, j'en enverrai d'autres à la maison du Lot-et-Garonne à Paris, ainsi qu'à la maison du vin à Bordeaux."

Le nouveau propriétaire de cette recette ancestrale, confectionnée et appréciée des locaux, compte bien protéger son nouveau trésor. D'ici quinze jours, Rémi Duprat promet des sanctions pour les charcutiers traiteurs qui ne collaboreraient pas avec lui, soit en lui donnant des bénéfices sur leurs ventes ou en changeant l'appellation de leurs produits. Les réfractaires encourent jusqu'à 400 000 euros d'amende et trois ans d'emprisonnement pour contrefaçon.

  

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