Sosthène Munyemana, ancien gynécologue, est accusé de crimes contre l'humanité pour avoir participé au génocide des Tutsi au Rwanda. Juste après les massacres de 1994, il était arrivé en France et s'était installé en Gironde, puis à Villeneuve-sur-Lot dans le Lot-et-Garonne.
Vingt-huit années se sont écoulées depuis le dépôt de la première plainte, en 1995 à Bordeaux. Un ancien gynécologue rwandais, accusé d'avoir participé au génocide des Tutsi au Rwanda, est jugé à partir de mardi 14 novembre devant la cour d'assises de Paris.
Sosthène Munyemana avait rejoint le sud-ouest de la France en 1994. Il exerçait aux urgences puis en gériatrie au pôle santé de Villeneuve-sur-Lot avant de prendre sa retraite il y a six mois. Il est accusé d'avoir participé aux massacres en 1994 au Rwanda. Il s'agit du plus ancien dossier instruit en France, sur des faits liés à ce génocide qui a fait plus de 800 000 morts entre avril et juillet 1994, selon l'ONU.
Accusé de génocide et de crimes contre l'humanité
Sosthène Munyemana est jugé pour génocide, crimes contre l'humanité, participation à une entente en vue de la préparation de ces crimes, ainsi que pour complicité, et encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Il conteste les faits.
Le retraité est notamment accusé d'avoir détenu la clé du bureau de secteur de Tumba, où étaient enfermés des Tutsis, parfois pendant plusieurs jours et dans des "conditions indignes", selon l'accusation, avant d'être exécutés. Celui qui est surnommé le boucher de Tumba, assure qu'il voulait protéger les Tutsi, et que le bureau de secteur leur servait de "refuge".
Sosthène Munyemana est aussi soupçonné d'avoir contribué à la rédaction d'une motion de soutien au gouvernement intérimaire institué après l'attentat contre l'avion du président Juvénal Habyarimana, qui a encouragé les tueries. Il est présenté comme un proche de Jean Kambanda, Premier ministre de ce gouvernement intérimaire.
Enfin, il est accusé d'avoir participé à un comité de crise ayant mis en place des barrières et des rondes, au cours desquelles des personnes ont été interpellées avant d'être tuées. Des accusations que le gynécologue retraité nie en bloc. "Aucun élément susceptible d'être incontestable n'a jamais été versé au débat de l'instruction, estime Me Jean-Yves Dupeux, avocat du médecin. Il n'a pas participé de quelque manière que ce soit au génocide".
Il a fait ce qu'il était en mesure de faire pour tenter de sauver un certain nombre de Tutsis qui étaient très menacés.
Me Jean-Yves DupeuxAvocat de Sosthène Munyemana
Une longue enquête
La première plainte a été déposée à Bordeaux en 1995 par le Collectif girondin pour le Rwanda. Sosthène Munyemana avait d'abord été mis en examen en 2007, puis en 2011. L'affaire, qui dure maintenant depuis 28 ans, pourrait enfin connaître un dénouement à l'issue de ce procès.
La longueur de l'enquête s'explique notamment par la "nécessité de faire des investigations à l'étranger", la "création du pôle crimes contre l'humanité" du tribunal judiciaire de Paris en 2012 seulement, ainsi que le "blocage des relations institutionnelles entre la France et le Rwanda entre 2009 et 2012", a détaillé le président de la cour d'assises, Marc Sommerer.
A l'ouverture de son procès mardi matin, l'accusé, placé sous contrôle judiciaire, est arrivé en retard à l'audience. Vêtu d'une chemise à rayures bleues et d'une veste grise, il a présenté ses excuses pour ce retard, avant de décliner son identité.
Près de 70 témoins seront entendus
Le procès a lieu en France au nom de la compétence universelle. Cette disposition permet à la justice française de juger des infractions "en se fondant uniquement sur leur gravité, quand bien même celles-ci auraient été commises à l’étranger, par des étrangers et à l’encontre de victimes étrangères", explique le site spécialisé en droit Dalloz.
"Je pense qu'avec tous ces témoins et ces témoignages, une vérité judiciaire va sortir, espère Dafroza Gauthier, membre du Collectif des parties civiles pour le Rwanda.
On attend essentiellement que la culpabilité de l'accusé soit reconnue.
Alain GauthierPrésident du Collectif des parties civiles pour le Rwanda
Le procès, prévu sur cinq semaines, sera filmé au titre de la conservation d'archives historiques de la justice. Au total, plus de 110 personnes physiques et 8 associations se sont constituées partie civile pour le procès, et près de 70 témoins doivent être entendus.
Jusqu’à présent, six personnes (trois hauts fonctionnaires, un officier, un gendarme et un chauffeur) ont déjà été condamnées en France dans des procès liés au génocide, trois d'entre elles ont fait appel.