Cet album, c'est alliance d'une histoire, celle de Guy-Pierre Gautier, résistant rochelais déporté à Dachau, et d'un savoir faire : celui de son petit-fils Tiburce Oger qui a dessiné l'album. L'exposition autour de ce travail est à voir à Angoulême jusqu'au 30 mars.
Nous avons rencontré les deux hommes en pleine dédicace, à l'Espace mémoriel de la Résistance et de la Déportation, rue de Genève à Angoulême. Le petit-fils et son grand-père assis derrière la même table, dédicaçant Ma guerre, de La Rochelle à Dachau, publié aux éditions de Sèvres. Ils seront là ce vendredi et ce samedi l'après-midi, pendant le Festival International de la Bande Dessinée.
Dans la famille Gautier, on savait que le grand père Guy-Pierre avait été déporté à Dachau, sans connaître vraiment le fond de l’histoire, de son histoire, de la Charente-Maritime au camp de concentration bavarois. Ce n’était pas faute, pour ses proches, d’essayer.
"Ce jour-là, il a fallu expliquer pourquoi"
Il y a trois ans, Guy-Pierre Gautier se voit remettre la légion d’honneur à La Roche sur Yon. "Ce jour-là, il a fallu expliquer pourquoi", se rappelle Guy-Pierre Gautier, "ils savaient sans avoir les détails. C’est ma fille qui a décidé – elle a pris le taureau par les cornes – de me faire interviewer par le directeur du musée du Bunker de La Rochelle. Ils étaient venus chez nous pour une heure : ils sont repartis avec trois heures sur la première bande en prenant rendez-vous pour le lendemain. Je l’ai raconté tel que ça venait, sans esprit de broderie, sans y ajouter des choses. Les faits eux-mêmes me suffisaient." Et pourquoi pas faire un livre, laisser un trace écrite ? "D’accord", dira le Rochelais, mais seulement avec Tiburce Oger, son petit-fils et dessinateur de bande dessinée installé près d'Angoulême.Dans la vidéo ci-dessous, les deux hommes reviennent sur la genèse de cet album, émouvant par la filiation qui les unit, par le témoignage plein d’authenticité et les dessins où, de case en case, se succèdent les visages émaciés, les humiliations, la boue, le sang. Tiburce Oger précise aussi qu’il était important pour lui "que les gamins sachent que la guerre, ce n’est pas du noir et blanc. Aujourd’hui tous les documents sont en noir et blanc, il faut se souvenir de ce gris et de ce bleu des tenues de déportés. Par contre, à la fin, j’avoue, je n’en pouvais plus de ces rayures à dessiner."
► Regards croisés sur cet album familial dans l’exposition qui lui est consacrée à l’Espace mémoriel de la Résistance et de la déportation.
"Je ne dessinais pas mon grand-père"
Pour construire et dessiner son récit, Tiburce Oger écoute alors les enregistrements réalisés par le musée du Bunker, il appelle presque quotidiennement son grand-père, cherche à rendre compte de cette résistance, des interrogatoires plus que musclés, d’un passé de déporté, difficile associée à l’image de son propre grand-père. "Je ne dessinais pas mon grand-père. Parce que le dessiner souffrant, le dessiner avec les tortures, ce n’était pas facile, les humiliations… Donc je me suis dit : je dessine un personnage. Et ce personnage, c’est le récit de mon grand-père mais il faut qu’il incarne tout ceux qui ont vécu ça. Et c’est comme ça qu’il le voyait. Il m’a dit : je ne veux pas être mis en avant, je ne veux pas être un héros. J’ai fait ce que j’avais à faire, et j’ai essayé de survivre."► Dans l'interview ci-dessous, Guy-Pierre Gautier revient sur les actions de résistance menées dans les rues de La Rochelle occupée, sur l’arrestation jusqu’au camp de concentration de Dachau.
La suite de ce récit, le quotidien dans le camp de Dachau, la libération par les troupes américaines, le retour à La Rochelle, tout cela est à lire dans l'album.
A 93 ans, Pierre-Guy Gautier trouve encore la force de témoigner, inquiets de la manière dont tourne le monde aujourd’hui : "La déportation ne vous quitte jamais, il faut vivre avec et aujourd’hui je veux témoigner".
L'exposition "Ma Guerre, de la Rochelle à Dachau", à voir jusqu'au 30 mars
Cette exposition, présentée à l'Espace mémoriel de la Résistance et de la Déportation (34 rue de Genève à Angoulême) propose des planches originales de la bande dessinée.Entrée libre de 10h à 18h pendant le festival.
L'Espace mémoriel de la Résistance et de la Déportation est ouvert le premier samedi de chaque mois de 14h à 18h. Les groupes (min 5 pers) et scolaires peuvent être accueillis en semaine sur réservation auprès des Archives départementales soit par téléphone au 05 16 09 50 11 soit par mail : archives16@lacharente.fr.