Menace sur la biodiversité : les Sentinelles du climat, un projet modèle en Nouvelle-Aquitaine

Comment la faune et la flore de Nouvelle-Aquitaine vont-elles réagir au réchauffement climatique ? C'est à cette vaste question que s'attaque le projet des "Sentinelles du climat", lancé en 2016, présenté lors du congrès mondial de l'UICN à Marseille qui débute ce 3 septembre.

Le Lézard occelé, les Oyats, la grenouille des Pyrénées, l'Appolon, l'Azurée des Mouillères, le Pachyure étrusque ou encore la Marmotte... Toutes ces espèces ont été sélectionnées comme "sentinelles du climat", pour être étudiées dans le cadre d'un vaste programme du même nom lancé en 2016 en Aquitaine. 

Ce projet, structuré par l'association Cistude-Nature, a pour objectif d'étudier la biodiversité dans la région, et surtout d'anticiper sa réaction face au réchauffement climatique.

"Notre hypothèse de départ était de sélectionner des espèces à la capacité de déplacement limitée. Avec le réchauffement climatique, soit elles pourront s'adapter, soit elles disparaîtront",  souligne Fanny Mallard, coordinatrice scientifique du programme. Ces espèces sont étudiées dans six milieux différents, eux-mêmes menacés, desquels elles sont dépendantes : 

  • Dunes atlantiques
  • Hêtraies de plaine
  • Pelouses calcicoles
  • Torrents de montagne
  • Zones humides
  • Pelouses et rocailles de montagne

Par exemple, pour la marmotte, qui vit exclusivement en montagne entre 1500m et 2400m d'altitude, il a été prouvé dans les Alpes que la diminution de la couche neigeuse et la fonte plus précoce engendrent une baisse de la reproduction, avec moins de marmottons par portées. Est-ce également le cas dans les Pyrénées ? 

Grâce à l'accumulation de données collectées par une quarantaine d'observateurs, et leur analyse en laboratoire, les scientifiques et écologues tentent donc de répondre à ce type d'interrogations. 

Des résultats alarmistes 

En six ans de travail, que nous apprennent les Sentinelles du climat ? "En termes de résultats, si l'on prend le scénario le plus pessimiste du Giec, le RCP-8.5, vers lequel on se dirige si on continue à ne pas agir plus vite au niveau mondial, l'ensemble des populations des espèces que nous étudions auront quasiment disparu dès 2040. Ce sera par exemple le cas pour les papillons, avec l'Azurée des Mouillères, et l'Apollon. Les générations futures ne les connaîtront pas" déplore Fanny Mallard. 

Avec les autres scénarios, qui supposent un drastique et immédiat changement de politique au niveau mondial, les conséquences du réchauffement climatique sur les populations d'espèces sentinelles sont moins rapides.

"Avec le scénario le plus optimiste, certaines populations auront disparu en 2070, mais on conserve des noyaux de population intéressants sur d'autres. Pour le scénario intermédiaire, c'est la même chose qu'avec le plus pessimiste, mais en 2070" détaille Fanny Mallard. 

Pour les espèces endémiques, qui vivent dans une zone très restreinte, comme la grenouille des Pyrénées, c'est toute l'espèce qui est menacée de disparition à court terme. 

Un effet déjà perceptible ? 

L'effet du changement climatique est-il déjà sensible sur le terrain ? "Avec des données qui ne remontent qu'à cinq ans, c'est impossible à affirmer scientifiquement pour l'instant. Il faut attendre d'avoir au moins dix ans de données. Mais nos observations vont dans ce sens. On voit des choses, et on se demande si ça ne va pas encore plus vite que ce que l'on imaginait" souligne la coordinatrice du programme Sentinelles du climat. 

Un avis partagé par l'écologue et directeur de l'association Cistude Nature, Christophe Coïc. "La Nouvelle-Aquitaine est une région où la biodiversité est encore riche, mais très menacée par de nombreux facteurs, dont le réchauffement climatique, mais aussi l'agriculture intensive, l'extension des métropoles, ect. Depuis que je réalise des observations, sur des sites où je me rends depuis vingt ans, certaines espèces ont disparu, notamment des oiseaux comme la pie-grièche, ou bien sûr, des insectes". 

Un programme exemplaire

Lancé en ex-Aquitaine avec cinq partenaires, le programme des Sentinelles du Climat s'est peu à peu étendu dans toute la grande région. Il rassemble aujourd'hui environ 70 structures, des laboratoires de recherches, le CNRS, des universités, des associations, et même des particuliers, propriétaires de certains sites étudiés. 

Son budget s'élève à 700 000 euros par an, financé principalement par l'Union Européenne, "entre 60 et 70 %", puis la région Nouvelle-Aquitaine, et d'autres partenaires institutionnels. "Le programme des Sentinelles du climat est né des réflexions du groupe AcclimaTerra, le comité scientifique régional sur le changement climatique", souligne Fanny Mallard. 

Il suscite désormais l'intérêt d'autres régions : "Nous avons été contactés par plusieurs autres régions, comme l'Occitanie, la Bretagne ou encore la Normandie, qui pourraient mettre en place des programmes similaires avec notre accompagnement et retour d'expérience. Des pays africains se sont également montrés intéressés, mais la question du financement reste l'enjeu majeur". 

Ce vendredi 3 septembre, le congrès mondial de l'UICN, l'Union internationale pour la conservation de la nature, s'ouvre à Marseille.

Les Sentinelles du climat y seront présentées, avec un stand, un jeu de piste à destination du public, et une conférence sur le thème : "Les sentinelles du climat, comment le changement climatique menace-t-il la biodiversité locale ?". 

2022-2027: la "recherche-action" 

En 2016, le programme "les Sentinelles du climat" a été lancé pour une première période jusqu'en 2021. Les objectifs étaient alors de structurer le programme et d'acquérir des données scientifiques sur les espèces sélectionnées. Le projet devrait se poursuivre avec une nouvelle phase entre 2022-2027, si le financement est maintenu, ce qui semble être en bonne voie.

Pour cette version 2.0 des Sentinelles du climat, il s'agira de poursuivre les observations et les analyses, mais aussi de passer à l'action. "C'est ce qu'on appelle de la recherche-action" résume Fanny Mallard. 

Concrètement, il s'agira, via le "développement de la connaissance, d'aider à la décision politique et d'accompagner des actions de conservation sur les sites". 

Protéger ou recréer les habitats 

Par exemple, le lézard occelé vit sur ce qu'on appelle la dune grise, c'est-à-dire l'espace entre la dune et la forêt, où la végétation est basse. Avec l'érosion dunaire, son habitat est menacé.

"Il est possible de recréer des trouées dans la forêt afin de récréer des habitats" explique la coordinatrice scientifique des Sentinelles. "C'est également le cas pour les zones humides dans le triangle landais, que l'on peut préserver en limitant un peu la place de la sylviculture". 

En fin d'année, un colloque réunira les gestionnaires des sites étudiés pour les Sentinelles du Climat. L'objectif sera de leur restituer les connaissances acquises, "mais aussi qu'ils s'en emparent pour développer des axes de protection, et échangent sur les actions envisagées."

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