Procès Séréna : la mère condamnée à 2 ans de prison ferme

Rosa-Maria Da Cruz, la mère de l’enfant de 2 ans retrouvée dans le coffre d’une voiture en 2013, a été reconnue coupable de violences suivies de mutilation ou infirmité permanente sur mineur de 15 ans par ascendant. Elle est condamnée à 5 ans de prison, dont trois ans de sursis. 

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Cinq ans après la terrible découverte d'un garagiste de Terrasson en Dordogne, et après une semaine de procès, le verdict est tombé ce vendredi 16 novembre : les jurés de la cour d'assises de Corrèze ont condamné Rosa-Maria Da Cruz à 5 ans de prison, dont trois ans de sursis, et à un suivi socio-judiciaire de 5 ans.
Le président de la cour s'assises a demandé son incarcération immédiate.

En octobre 2013, un garagiste de Terrasson (Dordogne) découvrait stupéfait, dans le coffre de la voiture d'une cliente, une enfant de près de deux ans dans un couffin, nue, sale, déshydratée, entourée d'excréments, mais aussi de jouets, le tout dans une odeur pestilentielle.

La mère et son mari sont placés en garde à vue puis mis en examen, alors qu'émerge peu à peu, sidérant les médias et au-delà, l'histoire de Séréna -le prénom donné par sa mère- l'enfant cachée de tous. 

 

Violences suivies de mutilation ou infirmité permanente

    
Rosa-Maria Da Cruz, la mère de Séréna, âgée de 50 ans à présent et laissée libre sous contrôle judiciaire, comparaissait cette semaine devant les assises de la Corrèze pour violences suivies de mutilation ou infirmité permanente sur mineur de 15 ans par ascendant, privation de soins ou d'aliments compromettant la santé d'un enfant par ascendant, et dissimulation ayant entraîné atteinte à l'état-civil d'un enfant. 

 

Déni de grossesse


Dès les premiers échanges, le déni de grossesse de Rosa-Maria Da Cruz est au centre des préoccupations.
Du jour de sa naissance jusqu’à sa découverte dans le coffre d’une voiture, 23 mois plus tard, l’existence de Séréna a en effet été dissimulée par sa mère.

Le président prévient la cour et le jury qu’ils ont pour mission de "distinguer ce qui relève de la commission intentionnelle d’une infraction et ce qu’il relève d’une pathologie ou d’une souffrance". Avant d’ajouter : "Nous ne sommes pas dans le cas d'un déni de grossesse qui se ne prolonge pas par un néo-naticide mais sur un déni qui se prolonge pendant 2 ans avec des soins à minima auprès de l’enfant."

Un expert confirme dans son rapport le déni de grossesse de Maria Rosa Da Cruz. 
Dans son cas, même après l’accouchement, elle ne reconnaît pas l’enfant. Le déni de grossesse est un phénomène mal défini selon le président de la cour d’assises. Il ne rentre pas dans les classifications de pathologies psychiatriques et concerne 1 naissance sur 500 avec une possibilité de récidives dans 3 à 11% des cas.

Concernant le déroulement de la naissance de Séréna, un juge rappelle le scénario probable de l’accouchement : "Ça se passe dans une  pièce au sous-sol, elle l’emmaillote [Séréna] et lui donne un premier biberon de lait de vache".

Maria Rosa Da Cruz ne souffrait d’aucun trouble schizophrénique ou manifestation psychotique ; c’est la conclusion de l’expert en charge de l’examen de la personnalité de la mère de la petite Séréna.
Son témoignage est plus prudent en ce qui concerne son état de conscience lors de sa grossesse et son accouchement.

 

Comment va la petite Séréna ?


Mardi matin, l’avocate de Séréna a été appelée à la barre en qualité de témoin pour parler de ses entretiens avec l'enfant.
Me Isabelle Faure Roche raconte une petite fille habillée en rose qui mange sa compote, tient constamment la main de la mère de sa famille d’accueil.
"Cette petite fille ne peut vous être montrée car elle ne parle pas. Elle a son vocabulaire. Un babillage avec sa famille d’accueil. Elle ne nous regarde jamais dans les yeux".  

Aujourd'hui, Séréna a 7 ans. Elle souffre d'un grave retard psychomoteur.
Son handicap est lourd, évalué à 80% selon les derniers rapports des experts. 

 

Auditions de témoins


Plusieurs proches de la famille se sont succédés mercredi à la barre.
La nièce de Maria Rosa Da Cruz explique : "Je n’étais pas au courant d’un 4e enfant, je n’ai jamais eu le moindre soupçon. Je ne l’ai jamais vu prendre soin d’elle".
Elle poursuit. "Oui, Rosa aimerait voir Séréna, c'est les liens du sang. Oui elle souffre. Je ne l'ai jamais vue pleurer mais elle est très pudique. Je l'aime."
 
Dans le hameau où résidait Maria Rosa Da Cruz, les voisins n’avaient rien à reprocher à la famille : "C’est des gens très gentils", déclare une voisine. Elle poursuit : "La voiture était souvent garée le long du petit muret. Une couverture recouvrait toujours l’arrière". Le voisinage n’a pas compris qu’un enfant était en danger.
La voisine explique qu’en août 2013, le père de Serena a nettoyé le coffre du véhicule, toutes portes ouvertes. Le président de la cour d'assises note : "C’est inquiétant, car l’état du coffre était épouvantable quand on a découvert Serena 2 mois plus tard".

 

Expertises psychiatriques


Jeudi, les experts psychiatres affirment que l’accusée est indemne de toute pathologie psychiatrique : elle est donc apte à être jugée.

Cependant, ils pointent du doigt son "immaturité affective".
L’identité féminine de Rosa Da Cruz serait floue. Elle ne se mettrait pas en valeur par ses vêtements et ne bénéficierait d’aucun suivi dentaire ou gynécologique. Elle serait très introvertie.

La mère de Serena aurait été dans l’impossibilité psychique de se savoir enceinte.
L’accouchement aurait été improvisé sans la moindre préparation.
Les experts qui témoignent devant la cour d’assises parlent d’un déni de grossesse total avec plusieurs signes très caractéristiques : l'inconscience de l'état de grossesse, l'absence de signes physiques liés à la grossesse, et des antécédents similaires.

 

Plaidoiries


Le procès s'est conclu par les plaidoiries des avocats et les réquisitions de l'avocat général.

Les parties civiles ont insisté sur leurs doutes concernant le déni de grossesse et un supposé "déni d'enfant".
Un déni de grossesse qui se poursuit pendant 2 ans par un déni d’enfant serait en effet "une première mondiale" : c'est ce qu'a souligné ce matin Rodolphe Constantino avocat de l’association "La voix de l’enfant" dans sa plaidoirie.
"On juge quelqu'un sur ses actes, et on sait que Mme Da Cruz savait parfaitement ce qu’elle faisait. Elle a été privée de sa parole pour coller à sa ligne de défense. car je suis sûr qu’elle avait créé des liens avec cet enfant".

L'avocat général a lui demandé 8 ans de prison ferme : "Ce procès n’est pas celui de déni de grossesse ; c’est celui de la dissimulation d’un enfant".

Mais l'avocate de la défense parle d'une véritable souffrance pour la mère, et demande un acquittement : "Aujourd’hui, je demande une décision juste, qui ne soit pas moyenâgeuse. Ma cliente est dans une détresse. Ça ne veut pas dire qu’elle n’a rien fait, que je suis contre Séréna, mais je vois difficilement comment elle pourrait être condamnée : elle a subi, elles ont subi. Pensez-vous une seule seconde qu’elle a voulu ces 23 mois d’enfer ? Elle n'aura jamais assez de toute sa vie pour se le pardonner."

L'accusée dormira en prison ce soir.
Elle n'a pas réagi à l'énoncé du verdict. Elle a 10 jours pour faire appel


 
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