"Personnellement sensible" à la détresse d'autrui, "altruiste" jusqu'à "s'hyper-identifier" à l'autre, mais d'une fragilité presque "banale". Ce jeudi, les pyschiatres ont balayé tout lien entre l'état psychologique de l'ex urgentiste Bonnemaison et "l'empoisonnement" de patients incurables.
L'élément-clef des actes de Nicolas Bonnemaison, a déclaré l'expert-pyschiatre Roland Coutanceau à la Cour d'assises du Maine-et-Loire, c'est "l'hyper-identification à autrui, souvent une caractéristique des gens sensibles : se mettre à la place des autres", "prêter à l'autre une émotion et déterminer ses actes en fonction".
C'est pour cela, a poursuivi l'expert, que l'urgentiste va soulager par des sédatifs des gens en fin de vie qui, pour lui, sont dans "une situation indigne". Pour cela qu'il n'en parlera pas aux infirmières, pour leur éviter de "prendre le poids de donner un médicament qui va soulager mais conduire à la mort". C'est pour cela aussi qu'il n'en parlera pas aux familles, les "exonérant aussi de ce poids".
"Il ne tue pas, il soulage quelqu'un dont l'état est une atteinte à sa propre dignité", "c'est donc par hyper-sensibilité, pour exonérer les autres. Et son autocritique est +oui, j'aurais dû en parler+", a résumé l'expert. "L'intentionnalité de donner la mort n'est pas le sujet".
Il a aussi souligné que "les faits reprochés ne peuvent être mis en lien avec aucun trouble mental" de l'urgentiste, sous anti-dépresseurs à l'époque des faits, mais pas "cliniquement dépressif". En clair, a conclu le Dr Coutanceau, Nicolas
Bonnemaison est "sans pathologie au niveau de la personnalité", malgré "un petit filet d'anxiété". "Banalement, nous sommes tous des névrotiques...".
Avant lui un autre expert, le psychologue Alain Pénin, avait lui aussi souligné l'absence de "dimension pathologique", mais soulevé une "problématique pas résolue avec le personnage paternel", la figure tutélaire de ce père admiré, ancien directeur de clinique, qui se suicida en 1987 à la suite de l'échec d'une relation amoureuse.
L'expert a soulevé à l'audience des "éléments de vie strictement parallèles" entre Nicolas Bonnemaison et son père, les actes de l'urgentiste "pouvant être interprétés comme une forme de suicide professionnel, en parallèle avec le suicide du père".
Nicolas Bonnemaison, 54 ans, est jugé en appel à Angers jusqu'à samedi pour avoir, en 2010-2011, à l'Hôpital de Bayonne dans les Pyrénées-Atlantiques, injecté des produits létaux à sept patients âgés, incurables, aux thérapies arrêtées, abrégeant leurs souffrances et leur vie.
Au procès en première instance en 2014, il avait été acquitté par les jurés de la Cour d'assises de Pau.
Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.