C’est une petite algue qui provoque de grands maux. A près avoir entraîné la fermeture de plusieurs plages en 2021 au Pays basque, l’ostreopsis ovata est au cœur d’un programme de recherche entre la France et l’Espagne. Les chercheurs tentent de mieux comprendre le comportement de cette microalgue et sa toxicité.
Elle ne mesure que quelques centimètres et pourtant, sa présence, constatée sur les plages basques franco-espagnoles, dérange. En 2021, l’ostreopsis, et plus particulièrement la souche ovata avait provoqué près de 900 intoxications sur la côte basque. Depuis, elle continue sa prolifération dans cette zone. De quoi intéresser la communauté scientifique qui a lancé, ce jeudi 11 avril, un programme de recherche pour mieux comprendre le comportement et la toxicité de cette microalgue.
Grippes et rhinites
Nouvelle venue sur les plages basques, l’ostreopsis existe déjà depuis 1972 sur le littoral méditerranéen. “Elle a ensuite beaucoup proliféré dans les années 2000. On l’a observée au sud du Portugal dans les années 2010. On la retrouve également plus au sud, sur les cotes sénégalaises ou encore au Cap-Vert”, ajoute Elvire Atajan, directrice du laboratoire Lerar-Ifremer.
Problème, contrairement aux zones côtières de la Méditerranée, la houle de l’océan Atlantique semble favoriser sa prolifération, transportant ces microalgues de plage en plage. “Elles poussent sous le couvert de macro-algues, favorisé par l’environnement rocheux du Pays basque. Avec les grandes marées et la houle, ces cellules se décrochent et vont s’accumuler dans les zones de baignades”, explique la directrice du laboratoire.
Sur les deux souches, seule l’ostreopsis ovata semble avoir un impact sur la santé humaine. En 2021, elle avait ainsi provoqué des symptômes grippaux, rhinite ou irritation des voies respiratoires de centaines de personnes. Les plages de Bidart, Biarritz et Saint-Jean-de-Luz avaient alors été fermées plusieurs jours. “Elle est brutalement arrivée sur nos plages et nous avons dû réagir face à un problème de santé publique que l’on ne maîtrisait pas”, rappelle Emmanuel Alzuri, conseiller régional délégué à l’eau potable et au littoral, également maire de Bidart.
Réchauffement climatique
L’implantation de cette algue dite “exotique” est favorisée, selon les scientifiques, par le réchauffement climatique avec notamment des eaux à plus de 20 degrés. Les recherches scientifiques ont en effet démontré que “de plus en plus d’espèces exotiques migrent vers les hautes latitudes”. “Cette algue survit l’hiver sur les côtes basques ce qui explique sa prolifération sur le littoral en été”, explique Elvire Atajan. Sa population augmente en effet dès le mois de juin pour atteindre des sommets aux mois de juillet et août.
Si la communauté scientifique observe depuis des années ce micro-organisme, elle passe désormais à la vitesse supérieure. Un programme, Ostre obila, entre la France et l’Espagne aussi touchée, a été lancé ce jeudi 11 avril. Pendant trois ans, des scientifiques issus de l’Ifremer, l’Université de Pau, le pôle d’océanographie de Villefranche-sur-mer ainsi que l’Institut de Ciències del Mar, vont observer, analyser l’ostreopsis sur neuf sites littoraux.
L’ostreopsis n’a pas de frontière et s’étend d’une zone qui va de la Cantabrie au Pays basque français. Il fallait que les scientifiques puissent travailler sur cette même zone.
Sergio SeoaneProfesseur à l'université basque
Leur objectif : élaborer un protocole d’alerte, voire, une nouvelle réglementation. “On veut être capable de comprendre la nature de l’ostreopsis et son évolution dans le milieu pour trouver des mesures palliatives ou du moins mieux gérer la cohabitation”, avance Sergio Seoane, professeur à l’Université basque. En attendant, la présence de l'algue sera systématique annoncée via l'application Kalilo, ainsi qu'à l'aide de drapeaux mauves, sur les plages concernées.
Financé en partie par des fonds européens, à hauteur 1,4 million d’euros, le programme a été doté d’un budget de 2,2 millions d’euros.