Le prêt à emporter, le nouveau visage de la restauration

La moitié des restaurants des bords de Nive à Bayonne propose désormais cette formule pour essayer de limiter la casse due au Coronavirus. Mais c’est un autre métier.

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Rien que sur les bords de la Nive, entre Petit et Grand Bayonne, carreau des Halles et mail Chaho Pelletier, la cité compte 46 restaurants ! 20 ont rouvert, avec des formules de « plats à emporter », « take away » ou plus dans l’air du temps « drive », Coronavirus oblige. Des solutions à la fermeture des établissements imposée dans le cadre des mesures anti-Covid 19. Tous les restaurateurs rencontrés ce jour disent avoir opté pour ce pis-aller  pour « essayer de sauver ce qui peut l’être ».

Ouvrir même dans ces conditions c’est pour dire on est blessé, mais pas mort !
Sébastien Gravé, restaurateur



Les restaurateurs proposent une carte réduite car ils ne peuvent reprendre loin s’en faut, l’ensemble de leurs personnels. Le chômage partiel est donc la règle. Une mesure que l'Etat soutiendra jusqu’à la fin de l’année. Un soulagement pour les professionnels. De même quant aux charges sociales patronales, annulées en mars, avril et mai. Mais pour ceux qui ont repris ou créé récemment une affaire, les crédits courent toujours. Les décisions prises par le gouvernement sont saluées mais tous savent aussi qu’il faudra rembourser dans leur intégralité les Prêts Garantis par l’Etat (PGE) à taux zéro, d’ici un an. Au-delà, il faudra payer des intérêts selon l’échelonnement de deux à cinq ans.

Pour le patron de Mona Lisa, pizzeria et restaurant italien, les choses sont un peu plus faciles : « Pour ceux qui comme moi avons payé notre fonds de commerce, ça passera peut-être si on reprend vraiment. C'est chaud tout de même ». Car ces restaurateurs ont une relative capacité d’autofinancement. « Mais pour ceux qui démarrent c’est plus délicat, même si le PGE est une bouffée d’oxygène aujourd’hui» souligne-t-il. Quand et que sera la vraie reprise s’interroge Dominique Bellecoste comme tous ses confrères ? Il a repris mardi 12 mai, avec pizzas, quelques plats et desserts de la carte habituelle. Mais le coup est dur.

On a dû fermer en cinq heures de temps. Ce fut brutal. Les frigos étaient pleins la veille d’un dimanche qui s’annonçait plutôt beau. On sortait d’un hiver moyen. Et vlan, on se prend le coronavirus juste au début de la saison 
Dominique Bellecoste,  Mona Lisa

Un peu plus loin, sous les arcades, deux frères profitent de cet arrêt forcé pour faire un immense nettoyage de printemps, apporter des aménagements et préparer la vente de pizzas à emporter pour la première fois ce soir-là (15 mai). Une petite reprise après deux mois de fermeture. Leurs 10 salariés sont au chômage partiel. Ils avaient repris en 2018, une petite affaire voisine de leur premier restaurant ouvert en 2013. Ça allait plutôt bien pour eux, et là tout se complique. La vente à emporter est un moindre mal.

On navigue à vue. Que fera-t-on cet été ? On réalisera un chiffre d’affaire qui sera moitié moindre de celui de l’an passé. Mais bon, on va s’accrocher.
Maxime Hingant, gérant d’Une bouteille à la Nive.
 


Les restaurants qui n’ont pas rouvert en mode « take away » sont en travaux (très peu), en phase de nettoyage (un peu plus), fermés fermés (la plupart). Les plus optimistes espèrent cette reprise annoncée pour le 2 juin. Mais aujourd'hui, force est de constater que malgré le déconfinement, les chalands ne sont pas là. La reprise se fera lentement. Les clients salariés d’entreprises, de services (banques), administrations ne sont pas vraiment au rendez-vous. En raison du télétravail ?  

Le premier jour de réouverture, ce mardi, le patron du Xurasko escomptait pouvoir vendre une trentaine de plats. Or il n’y eut personne. Désespérant. Mercredi et jeudi il a senti un petit frémissement. Le bouche à oreille, les réseaux sociaux feront le reste.

On a rouvert pour ne pas perdre le moral. Toute ta vie tu travailles et pendant deux mois, tout est en croix ! Pour ta santé mentale tu reprends. On a acheté des poches en papier, des couverts en bois et voilà !  
Christian Lavie - Xurasko
 


Un autre Christian, voisin et ami de celui que nous quittons, tient un restaurant où l’ambiance aussi fait le charme du lieu. On entend le patron chanter à tue-tête « La Mama » de Charles Aznavour. Il essaie de garder le moral de toujours. D’habitude, plus d’une centaine de couverts sont assurés le midi, avec une clientèle d’habitués (commerçants, ouvriers, étudiants, avocats ... un condensé de la société bayonnaise). Mais aujourd'hui quelques plats et sandwiches vont partir. Et une interrogation qui revient ici comme partout ailleurs : que sera l’été après ce drôle de printemps, sans Foire au Jambon, sans vraies vacances de Pâques et sans les week-ends de mai ?

Dans le quartier, il n’y a pas l’ambiance habituelle.
C’est plutôt triste. Quelques personnes passent mais silencieuses.
Cette année, pas de fête de la Musique. Pas de fête de Bayonne.
Christian Erramoun - Le Bar du Marché


Cinq ou six restaurateurs avaient proposé ce système de prêt à emporter pendant le confinement. Comme le chef Sébastien Gravé, qui 15 jours après la fermeture des restaurants et cafés avait décidé de rallumer les fourneaux pour reprendre son expression et avec quatre amis restaurateurs avaient concocté des plats pour le personnel de l’Hôpital de Bayonne, gratuitement. Et puis il a rouvert, avec trois salariés (les autres sont en chômage partiel), et proposé un menu gastro.  

Mettre nos plats dans des boites et dans des poches, ce n’est pas notre métier. Mais les clients nous ont dit merci, alors que c’est nous qui voulions le leur dire ! 
Sébastien Gravé, La Table de Sébastien.

L’idée, proposer un menu, 6 jours sur 7, avec des produits locaux, pour soutenir aussi les fournisseurs de toujours. « Au final, pas de dépression, on a essayé de rebondir en se fixant un nouveau challenge » souligne dans un sourire le jeune chef. Et ça marche depuis le début, et même plutôt bien les week-ends.
 

La carte des producteurs locaux, du made in France, c’est exactement ce que défend Roland Héguy. Le président de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH) a publié avant la crise sanitaire un ouvrage prémonitoire, intitulé « Changeons notre tourisme ». Mais aujourd’hui, pour le professionnel biarrot, l’urgence est la réouverture envisagée le 2 juin si la situation sanitaire continue de s’améliorer. Le Premier ministre l’a actée hier en réunion à Paris avec les représentants de la profession. Le 24 avril, ces derniers ont proposé un protocole-santé que devrait valider le ministère du Tourisme, afin de recevoir clients et salariés dans des conditions maximales de sécurité sanitaire. Mais il tire le signal d’alarme : si ce mieux se confirmait, le maintien de la distance maxi de 100 kilomètres pour se déplacer sans attestation serait un coup fatal pour nombre d’entreprises. Car cet été, il ne faudra guère compter sur le tourisme étranger. Par ailleurs Roland Héguy rapporte les craintes de la profession qui se demande comment garantir la pérennité de leurs restaurants si par exemple, sur 40 couverts habituels, il n’est possible que d’en servir 10 à 15 ? Comment garder ses salariés ? 

Si d’ici la fin de l’année, nous arrivons à faire 50 % du chiffre d’affaire de 2019
Ce sera déjà bien.
Roland Héguy, président de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie

Ce secteur emploie un million de salariés. Et celui du Tourisme, deux de plus. Rouvrir musées, parcs, plages et accès à la montagne soutiendrait tout le secteur d’activité selon Roland Héguy. Et de rappeler aussi ceux que l’on oublie souvent : les 12 000 salariés de la restauration aérienne et ferroviaire, secteur pour lequel il faudra deux ans et demi voire trois, pour revenir à une situation « normale ».

Toute la profession n’a qu’une envie : que ce « A plus tard » écrit à la place du menu d’un restaurant des bords de Nive, soit le plus vite possible.
 
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