La Région Nouvelle-Aquitaine va ouvrir ses lignes TER à la concurrence. La CGT et les élus EELV au Conseil régional dénoncent un "passage en force" d'Alain Rousset et craignent que cette décision n'entraîne une multiplication des opérateurs dans la région, au détriment de l'usager.
Ils assurent avoir découvert l'information par hasard, "en catimini" . "Les cadres de chez nous sont tombés de leurs chaises. Même notre directeur de région n'était pas au courant" , assure Julien Delion, conducteur de train et élu CGT. Le syndicat organisait ce lundi un rassemblement devant les gares de Bayonne et Hendaye.
Une région découpée en quatre lots
Cette nouvelle, c'est l'annonce par Sandrine Derville, vice-présidente de la région Nouvelle-Aquitaine en charge des finances, de l'ouverture des lignes de TER à la concurrence. Une déclaration attendue pour le 17 septembre, à l'occasion de la prochaine séance plénière.
"Dans ses orientations budgétaires, Sandrine Derville met l'ouverture à la concurrence totale de la région Nouvelle-Aquitaine, s'indigne Julien Delion. La carte est découpée en quatre lots : Poitou-Charentes, Limousin-Périgord, RER métropolitain de Bordeaux et Sud Aquitaine, avec des appels à la concurrence chaque année jusqu'en 2027".
La décision surprend, d'autant plus que la convention actuelle qui lie la Région avec la SNCF sur l'exploitation des TER, signée en 2019 court jusqu'en 2024. Et que, affirme Julien Delion, la région avait la possibilité de reconduire une convention longue sur une durée de dix ans avec la SNCF, à l'instar de ce qu'a convenu la région Val-de-Loire.
Monsieur Rousset aurait pu faire ce choix là et sécuriser le service public SNCF. Là, il a fait le choix de diviser en quatre, ce qui signifie qu'on pourrait avoir jusqu'à quatre opérateurs ferroviaires différents dans la Nouvelle-Aquitaine.
Julien Delion, conducteur de train et élu CGTFrance 3 Aquitaine
Vers la fin du billet unique ?
Cette division de la région Nouvelle-Aquitaine en quatre opérateurs distincts est un "scénario fictif plausible, assure Julien Delion. On pourrait avoir quatre opérateurs ferroviaires entrants qui vont s'entrecroiser".
Le cheminot alerte notamment sur les conséquences pour les usagers, qui, assure-t-il, ne bénéficieraient plus d'un relai entre les différents trains en cas de retard ni de la possibilité de voyager avec un billet unique. "Tout ça c'est fini!", assure-t-il. Et que l'usager ne s'imagine pas y gagner quoique ce soit : il n'y aura pas plus de guichets ouverts ni de contrôleurs à bord des trains. Et les tarifs ne vont pas baisser"
"Passage en force" pour EELV
Dans un communiqué, les élus EELV de la région Nouvelle-Aquitaine se sont, eux aussi insurgés contre le "passage en force" de la Région. " Alors que nous devons encourager l’usage des transports collectifs et renforcer l’offre des TER, l’ouverture à la concurrence remettrait en cause l’égalité de service et d’accès sur tout le territoire" , alerte Christine Seguinau, conseillère régionale de Gironde et co-présidente du groupe Écologiste, solidaire et citoyen.
Les écologistes, qui rappellent que le document d’orientations budgétaires ne se vote pas, dénoncent le "mépris de la démocratie" du président du Conseil régional Alain Rousset.
Cette opposition à la privatisation du TER est également partagée par les élus Génération.s qui s'inquiètent d'un choix lourd de conséquences.
"On est en train de finir le paquet cadeau"
Le syndicaliste Julien Delion s'inquiète également des conséquences d'une telle décision sur les emplois, entre perte des accords de travail et mobilité contrainte pour les salariés. Avant de s'interroger sur les différents investissements effectués par la région sur le réseau : achat de train, formation de conducteurs ou encore aménagement du réseau pourtant hors de sa compétence. "Quand on assemble le puzzle, on s'aperçoit qu'on est en train de tout faire pour améliorer le réseau avec la SNCF. On est en train de finir le paquet cadeau, pour offrir quelque chose clé en main à un opérateur privé", dénonce-t-il.
"Nous sommes tous obligés d'y passer"
De son côté, la région Nouvelle-Aquitaine affirme juste anticiper la date butoir d'ouverture à la concurrence. "Nous sommes en train de travailler à une nouvelle convention avec la SNCF. Elle doit être signée avant décembre 2023 pour une durée qui est en cours de calage. Dans cette convention, il faudra prévoir ce que nous dit la loi, en l'occurrence une sortie de cette convention et une mise en concurrence", rétorque Renaud Lagrave, vice président de la région en charge des mobilités.
L'élu rappelle que les autres régions doivent, elles aussi, prévoir la sortie de convention et la mise en concurrence. "Ce sont les dernières conventions possibles que nous pouvons signer de gré à gré avec la SNCF. Et c'est ce que nous nous apprêtons à faire, en intégrant la sortie dans le débat ", souligne-t-il.
Le débat pour ou contre l'ouverture a été tranché par le législateur il y a de nombreuses années. On peut le regretter. Mais la commission européenne a demandé la mise en concurrence, nous sommes tous obligés d'y passer à un moment donné.
Renaud Lagrave, vice-président de la région en charge des mobilitésFrance 3 Euskal Herri
Quant à l'équité entre les territoires elle sera assuré grâce à la vigilance de la région, toujours selon Renaud Lagrave. "Nous l'avons toujours fait à l'échelle de la région dans le cadre des conventions, il faudra bien évidemment que dans le futur on puisse le faire auprès de la SNCF ou d'autres opérateurs", maintient-il.