Restaurateurs et hôteliers débutent de plus en plus tôt la recherche de leurs saisonniers. Dès le mois de février pour l'été. La pénurie est telle que certains employeurs renoncent à recruter. Principal frein à l'embauche : le manque de logements à prix abordables.
C'est un véritable casse-tête pour Justine Rennie : à quelques mois de l'ouverture de son nouvel établissement hôtelier à Bidart en juin, impossible de constituer son équipe de quinze permanents et huit saisonniers. Les candidatures sont pourtant nombreuses, mais le manque de locations au Pays basque est un frein à l'embauche. "Je reçois beaucoup de propositions de personnes expérimentées, mais n'ayant pas de logements au Pays basque et c'est très compliqué pour moi de les retenir", explique la propriétaire de l'hôtel Kaliko.
Le cas de Justine n'est pas isolé. Restaurateurs, hôteliers ou exploitants agricoles doivent débuter de plus en plus tôt la recherche de personnel saisonnier, voire réduire leurs équipes, faute de candidats. Un enjeu de taille alors que la Nouvelle-Aquitaine est la4ᵉ région française la plus pourvoyeuse d’emplois saisonniers avec 205 000 postes par an, selon l'Insee.
Faire sans les saisonniers et ouvrir toute l'année
La pénurie de personnels est telle que le président de l'Union des métiers et des Industries de l'Hôtellerie au Pays basque a fait un choix radical pour son hôtel à Biarritz : se passer de personnels saisonniers et ouvrir son établissement toute l'année :
En ouvrant toute l'année, ça permet d'avoir du personnel à l'année et de ne pas rechercher 50 % de son équipe pour deux mois !
Jean-Pierre IstrePrésident de l'UMIH au Pays basque
"Cela a un coût bien évidemment," explique-t-il ajoutant que "c'est peut-être plus facile à mettre en place pour les hôteliers que pour les restaurateurs." Et se pose aussi le problème de la baisse d'activités hors saison.
"Il faut une vraie politique du logement"
Cette problématique du manque de locations saisonnières est l'un des chevaux de bataille du député des Pyrénées-Atlantiques, Iñaki Echaniz. L'élu socialiste basco-béarnais est coauteur d'une proposition de loi adoptée fin janvier par l'Assemblée nationale qui vise à fixer un cadre plus restreint aux loueurs de meublés de tourisme, type Airbnb.
Cette pénurie de locations de longue durée est une crise sociale, doublée d'une crise économique
Iñaki EchanizDéputé de la 4ème circonscription des Pyrénées-Atlantiques
"Cette loi permettra à tous les élus de réglementer les meublés de tourisme sur leur territoire et d'encourager les propriétaires à faire de la location de longue durée", selon l'élu de la 4ᵉ circonscription des Pyrénées-Atlantiques. "Ca ne réglera pas tout, car la crise du logement est multifactorielle. Mais nous portons au Parlement ce besoin d'une vraie politique du logement, plus ambitieuse qu'aujourd'hui", ajoute Iñaki Echaniz.
Des solutions innovantes mises en place
À la pénurie de logement de longue durée, s'ajoutent les prix élevés des locations dans les zones très touristiques du littoral, comme sur le bassin d'Arcachon. Pour aider les saisonniers à se loger, la ville de Lège Cap-Ferret a innové l'été 2023 en proposant une aire de camping réservée à ces travailleurs estivaux. Un camping, fermé depuis 2002, a été remis en état pour accueillir une centaine de personnes. Avec un loyer entre 300 et 350 euros par mois pour les occupants.
À la Teste-de-Buch, sur l'autre rive du bassin d'Arcachon, c'est une solution pérenne qui est mise en place pour pallier, en partie, le manque de logements pour les saisonniers. Un projet expérimental de 650 lits est déployé par le groupe Pichet et la ville. Cette résidence, réservée aux saisonniers, est située au cœur d'une zone d'activité à l'entrée de la commune. Elle fonctionnera sur le mode hôtelier, avec des chambres solo ou à plusieurs en version coliving. Le bâtiment, dont la construction a débuté fin 2023, sera opérationnel pour l'été 2025, avec des tarifs accessibles, promet le promoteur.
En Dordogne, c'est un gros employeur du secteur touristique qui a investi pour le logement de ses saisonniers. La Semitour exploite notamment Lascaux IV : elle a racheté un gîte à proximité du fac-similé de la grotte pour héberger jusqu'à 25 saisonniers. Avec une contribution mensuelle de 15 euros par personne.
Si le manque de personnels saisonniers se fait ressentir dans les secteurs les plus touristiques de notre région, la problématique est nationale. Le gouvernement estime que la seule branche hôtellerie-restauration, a dû faire face à 65 000 postes saisonniers non pourvus, faute de candidats durant l'été 2022.