Comment faire vivre les cinémas, alors que les salles obscures sont fermées depuis le début de la crise sanitaire du Covid19 ? Certaines petites structures du Pays Basque ont trouvé des solutions pour garder le lien avec leurs fidèles spectateurs.
"Soutenez votre cinéma !". La page d'accueil du site web de l'Atalante, à Bayonne, affiche clairement le message. Depuis le 14 mars, minuit, plus aucun spectateur n'a pu profiter des prestations toutes neuves de ce cinéma d'art et d'essai indépendant. Il devait fêter un an d'installation, en bord d'Adour, dans ce bâtiment rénové, le 6 avril dernier avec pour point d'orgue, le traditionnel festival culturel "Rencontres sur les docks" (ndlr: initialement reporté fin juin, il pourrait être annulé cette année).
Chômage partiel
En 2019, l'Atalante a comptabilisé 122 000 entrées. "Nous étions très bien partis" confirme sa directrice, Sylvie Larroque. "Mais là, nous avons été coupés dans notre élan. C'est un peu dur".
"Pour l'instant, nous pouvons assurer le paiement des salaires", explique Sylvie Larroque.
Mais si cela dure encore plusieurs mois, ça risque d'être compliqué. On ne sait pas vraiment combien de temps les lieux publics et culturels vont rester fermés.
En attendant, l'Atalante est le premier cinéma du Pays basque à avoir rejoint la plateforme nationale "La toile". Ce service de vidéos à la demande permet aux cinéphiles de louer, via son site web, pendant 48 heures, un film, et de le visionner autant de fois qu'ils le souhaitent, dans ce délai.
Plusieurs formules sont possibles : une location dont le coût varie de 1,99 Euros à 5,99 Euros, selon la date de sortie du long-métrage ou un abonnement annuel de 20 Euros, pour six films, nommé "Pass films". De "Portrait de la jeune fille en feu", à "Cléo de 5 à 7", en passant par "Massacre à la tronçonneuse", il y en a pour tous les profils. Les chiffres de fréquentation de la plateforme seront prochainement connus.
"Avec ce service" détaille Sylvie Larroque, "nous gardons le lien avec les spectateurs; nous restons prescripteurs de choix cinématographiques, en proposant des films qui nous ressemblent; et puis, et ce n'est pas négligeable, c'est une source de revenus".
Nous sommes dans l'incertitude comme beaucoup d'acteurs culturels.
"Nous ne pouvons pas nous projeter. Nous ne savons pas quand, et comment, de nouveaux films seront distribués. Les conditions de promotion, de projection, restent inconnues, également. Nous ignorons, enfin, quand nous pourrons rouvrir notre espace bar-restauration, qui génère aussi des recettes".
Dans ce contexte inquiétant, il y a néanmoins quelques signes positifs. Sur la page Facebook de l'Atalante, les mots de soutien et d'encouragements affluent. "Nous avons beaucoup de réactions. Nous savons que nous manquons aux spectateurs, et ça nous encourage", conclut Sylvie Larroque.
Garder le lien
A Saint-Jean-de-Luz le cinéma Le Select, gérée par la famille Garat, a également baissé le rideau. Mais pour rester en contact avec les habitués des lieux, la page Facebook est aussi très utile. Régulièrement, tous les membres de l'équipe sont invités à répondre à un questionnaire 100% cinéma. Acteur, actrice préféré(e), film recommandé, meilleur souvenir d'avant-première, chacun partage ses coups de coeur.L'équipe poste aussi des jeux, basées sur des films bien connus. On peut par exemple réviser tous les mots d'argot employés par les inégalés "Tontons flingueurs", ou rechercher dans une image-montage les clichés de plusieurs grands succès, comme Forrest Gump, Terminator, ou encore Edward aux mains d'argent.
Gestes de solidarité
A Guéthary, enfin, l'équipe associative de Getari Enea, tente de garder le moral. Le cinéma d'art et essai, porté par tout le village, venait d'ouvrir le 26 février, après de longues années de non fonctionnement. Il n'aura reçu du public que deux semaines, jusqu'à l'annonce du confinement.
"C'est dur !" confie Christelle Vessot, coordinatrice de l'association, qui regroupe la salle de 128 places, mais aussi des projets d'expositions, et de résidences d'artistes.
Christelle Vessot complète :"nous n'avons pas eu le temps de créer une trésorerie. Tout le programme que nous avions finalisé jusqu'à mi-avril est perdu. Nous sommes une toute petite association. Beaucoup de bénévoles étaient disposés à venir nous aider pour faire fonctionner le cinéma. Le problème aujourd'hui c'est que nous devons continuer de payer les charges fixes, comme la maintenance du matériel, et régler les premières factures".
L'association a reçu de nombreux appels de spectateurs, promettant qu'ils seraient présents quand la salle rouvrira. "C'est le cinéma de tout un village" reconnaît Christelle Vessot. "Mais en attendant, il faut trouver des solutions. Nous réfléchissons à une opération de soutien, qui pourrait être lancée dans les jours prochains, pour maintenir la trésorerie, et préserver à terme, l'existence du lieu".
Mais pour cette réouverture, tout est flou. "Quand pourrons-nous reprendre?" se questionne Christelle Vessot. "Nous dépendons des sorties de films, et pour le moment, elles sont toutes repoussées".