Une proposition de règlement portée par Jean-René Etchegaray, le maire de Bayonne, va être soumise au vote ce 5 mars à la communauté d'agglomération. Elle obligerait un loueur d'un meublé touristique à louer parallèlement un autre meublé de même surface, à l'année. Elle fait polémique au sein des communes basques.
Une petite révolution qui éclaire le casse-tête du logement au Pays basque, cette proposition pourrait faire date si elle était adoptée. En tous cas, elle fait déjà polémique. Elle vise à enrayer un phénomène qui prend de l'ampleur au Pays basque et qui a conduit 8 000 personnes à descendre dans la rue en novembre dernier. C'est dire l'ampleur du sujet.
Le principe : contraindre le propriétaire d'un meublé touristique à louer parallèlement un autre meublé de même surface, cette fois à l'année.
Cette mesure de compensation intervient dans le cadre d'un changement d'usage des habitations à l'année, en meublés de tourisme, et dont les autorisations sont accordées pour trois ans.
Si cette mesure est votée ce samedi 5 mars par les élus de la communauté d'Agglomération du Pays basque, elle sera applicable dès le 1er juin.
Le but de ce nouvel arsenal règlementaire serait de restaurer le parc de locations de meublés évalué à 16 000 au pays basque, essentiellement sur 24 communes du littoral et en proximité immédiate.
La mesure est portée par le président de l'agglomération et maire de Bayonne Jean-René Etchegaray mais rencontre de nombreux adversaires dont le vice- président et maire d'Hendaye Kotte Ecenarro.
"Notre population est littéralement chassée"
Pour Jean -René Etchegaray, le président de la communauté d'agglomération qui porte ce règlement et qui l'a mis à l'ordre du jour ce 5 mars, "Nous avons des responsabilités politiques et morales très importantes vis à vis de notre population". Pour lui, "il s'agit d'adopter une position sur le règlement concernant le changement d'usage pour les meublés de tourisme (... ) Précédemment, on avait adopté un règlement que l'on souhaite modifier compte tenu de ce qui est aujourd'hui la pression considérable sur le logement au Pays basque (....) On considère qu'il n'est pas assez restrictif"
Et Jean-René Etchegaray, également maire de Bayonne, de mettre en avant les chiffres des meublés dont le nombre d'offres ont augmenté de 130% entre 2016 et 2020. " Les logements à l'année sont en train de diminuer considérablement au profit des logements touristiques". Il voudrait mettre un coup d'arrêt du moins diminuer ces offres car "la population locale n'a plus la possibilité de pouvoir accéder à un logement dans des conditions satisfaisantes. Notre population est littéralement chassée de son territoire par les logements touristiques".
Cette mesure est-elle applicable ? Les propriétaires n'ont pas tous plusieurs logements à proposer. Jean-René Etchegaray rétorque que "les propriétaires seront toujours libres de louer ou ne pas louer". Mais il dénonce également le fait que, finalement, les propriétaires profitent d'un système qui leur est favorable : "il y a un intérêt financier et fiscal (jusqu'à 50-70% d'exonération fiscale) à louer plutôt pour du tourisme qu'en logement à l'année. (... )
Il nous faut, nous, proposer des mesures pour enrayer ce processus extrêmement dangereux pour notre population !
Jean-René Etchegaray - président de l'agglomération Pays basqueFrance 3 Aquitaine
Il se défend de refuser une forme de tourisme. " Nous avons des structures hôtelières, nous avons des campings (...) maintenant si des particuliers veulent mettre des locations touristiques, vous savez que les propriétaires de résidence principale au Pays basque ont la possibilité de mettre en location touristique jusqu'à 120 jours par an, leur appartement ou leur maison..."
"Il faudrait modifier la loi. C'est ce qu'on souhaite aussi. Mais pour l'heure, ces propriétaires qui parfois sont propriétaires de 2-3 jusqu'à 10 ou 15 logements ! Nous souhaiterions qu'ils puissent les réserver à la population locale".
Les propriétaires risquent de vendre
De son côté, le maire d'Hendaye Kotte Ecenarro rappelle que lui aussi "a défilé dans les rues" pour dénoncer cette pression immobilière et la prolifération des logements touristiques. Mais il explique également avoir beaucoup lutté contre ces logements non déclarés (Airbnb) et avoir fait du ménage. "Nous partageons ce constat : pénurie de logements sociaux et pénurie dans le privé, de logement à l'année", mais il juge cette mesure "contre-productive". En plus, ce sont 233 élus qui vont voter pour une mesure concernant 24 communes, "dont certaines bénéficient d'exonérations" pour notamment les étudiants.
Dans un premier temps, il a demandé au président Etchegaray de retarder cette mise au vote. Il a expliqué que le projet pourrait "nuire gravement à l'économie locale" mais également que beaucoup se trompent sur les règles de cette mesure.
D'après sa lecture de la convention soumise aux votes des 233 élus de l'agglomération ce samedi, "ce que beaucoup d'élus n'ont pas perçu" : cette procédure "un logement touristique + un logement loué" ne concernerait que les cas qui ont fait, nouvellement, l'objet d'un changement d'usage.
Si votre meublé est déjà proposé à la location (vous avez déjà demandé une autorisation valable trois ans), il devra obligatoirement être proposé à l'année... ou pas du tout.
Les propriétaires en désaccord : reportage de Perrine Durandeau et Lisa Macineiras >
Un "effet boomerang"
Le maire d'Hendaye explique, prenant exemple sur sa commune, que 65% des propriétaires des 998 meublés proposés n'ont qu'un seul bien à louer, et ne sont pas forcément des spéculateurs. Une telle mesure risque, selon lui, de rebuter fortement les propriétaires qui ont besoin de garanties sur leurs revenus et qui avaient la capacité de récupérer leur logement à n'importe quel moment de l'année.
Il évoque le risque que ces propriétaires locaux décident finalement de vendre à des acquéreurs souvent venus d'ailleurs, parfois dans le but d'une résidence secondaire, et les volets de la maison resteraient alors fermés 10 mois de l'année. Des ventes qui pourraient encore une fois contribuer à faire monter les prix d'abord sur le littoral, puis vers l'intérieur du Pays basque.
Il estime, par ailleurs, que les commerçants locaux pourraient être impactés collatéralement. Car ces touristes logés en meublés dépensent dans les magasins alentours (250 commerces) et dont les achats représenteraient, selon lui, 25% de leur chiffre d'affaires.
Les deux édiles n'occultent pas le problème du logement au Pays basque et le débat, ce samedi 5 mars, promet d'être animé à la communauté d'agglomération.
La parole revient aux élus qui voteront sur ce règlement qui prendrait effet dès le 1er juin, pour la nouvelle saison estivale.