Il y a un an et demi, la jeune Bayonnaise est défigurée par un tir de policier lors d’une manifestation contre la tenue du G7 à Biarritz. Le procès se tient le 26 juin à Bayonne au Pays basque.
Lola est aujourd’hui étudiante à l’école des Beaux arts de Nantes. Le traumatisme qu’elle a subi continue de la poursuivre même si comme toutes les jeunes filles de son âge, elle a repris une vie qu’elle aimerait normale. Sauf que voila, rien n’est plus comme avant ce 18 décembre 2018…..
18 Décembre 2018 : la bascule
Le 18 décembre, la ville est sous haute surveillance car s’y tient une réunion préparatoire du G7 en présence du Ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drihan. Lola n’est pas une habituée des manifestations mais ce jour-là, l’étudiante à l’école d’art de Bayonne rejoint des amis dans le centre de Biarritz. Une mobilisation contre le G7 qui doit se tenir à la fin de l’été dans la station balnéaire a, en parallèle, été lancée à l’appel de diverses organisations. En début d’après-midi, les forces de l’ordre essaient de disperser les regroupements de populations.
J’étais confiante même si il y avait beaucoup de voitures de police qui venaient des autres grandes villes : Bordeaux ou Toulouse et que c’était significatif mais on était juste à Biarritz, il y avait des personnes de tous les âges : jeunes, âgées…
Lola s’exprime calmement et sans colère dans la voix pour nous expliquer la suite : " Il est 14 heures, je voulais faire un petit doc pour l’école, je suis debout sur un banc devant la grande plage, je filme d’abord le large puis je me retourne côté promenade où se trouvent des manifestants et des policiers. J’ai l’œil dans le viseur et je suis dos à l’hôtel du Palais quand subitement un projectile allant à 300 km/h m’atteint à la bouche."
Lola précise qu’elle n’a jamais perdu connaissance. " Rien qu’au bruit, j’ai toute de suite compris que c’était un tir de LBD et vu la violence, j’ai su que c’était une arme qui venait de me frapper. Le tir m’a atteint à la bouche, j’étais en sang. Un street médic m’a aidée et heureusement aussitôt un camion de pompier est passé ; j’ai été conduite à la clinique d’Aguiléra où un stomato a effectué les premiers soins."
Le projectile a touché le bas de la joue de la jeune fille. Le diagnostic est fait : une triple fracture de la mâchoire, la commissure de la lèvre est déchirée, une dent arrachée, les autres sont branlantes. Lola est hospitalisée et opérée, on lui met des plaques.
18 mois plus tard
Aujourd’hui, les séquelles physiques de Lola commencent à s’estomper, même si elle a toujours une fragilité de la mâchoire, elle n’a pas de handicap.
En revanche la jeune fille garde un traumatisme psychologique qui s’effacera difficilement. Certes, Lola était engagée pour la cause écologique mais de façon pacifiste. Jamais, elle n’avait imaginé que sur ce territoire où elle a grandi, sa vie pouvait basculer aussi brutalement juste pour avoir était là. Là, dans une ville qui accueillait des autorités politiques mais où des altermondialistes, entre autres, venaient exprimer leur liberté de penser.
" Il faut que tous les mutilés des manifestations aient accès à la justice ", dit Lola consciente de sa chance
Rapidement à l’époque, le sous-préfet de Bayonne a demandé l’ouverture d’une enquête à l’IGPN. L’auteur des faits va être identifié.
L’enquête a été ouverte. C’est un policier de la BAC de Bordeaux qui a tiré à 10 ou 20 mètres. Avec mon avocate nous avons déposé une plainte. Le procès a lieu au tribunal de Bayonne. C’est assez exceptionnel
Elle pense, en effet, qu’elle a beaucoup de chance, des personnes comme elle qui ont été victimes de fractures, perdu une main ou un œil, sont toujours dans l’attente." La France est pointée du doigt par l’Europe. Il ne faut plus que des gens soient mutilés pour l’exemple. "
C’est dans sa ville, celle où elle a grandi, que le 26 Juin le procès va se tenir. Lola est aujourd’hui une personne déterminée, prête à aller jusqu’au bout, pour que ce policier de la Bac s’explique, pour que l’Etat français se remette en cause. "Je sais que l’ambiance va être tendue, en face tous les arguments seront bons. Avec mon avocate nous ne sommes pas dupes. Je veux néanmoins que cet homme dise pourquoi il a fait cela, je souhaite qu’il y ait une punition, que la justice soit faite."
Et Lola d’ajouter : " Il n’est pas normal qu’en 2021 on essaie d’intimider des gens pour qu’ils aient peur d’aller manifester; en fait tout cela est bien orchestré. C’est fait pour l’exemple, pour montrer à d’autres que si jamais ils ne se calment pas, si jamais ils vont manifester et bien ils vont perdre un œil, une main ou être choqué à vie."
Dans la conjoncture, Lola espère au moins pouvoir exercer une pression sur un Etat qui est le seul en Europe à utiliser cette forme de répression.
J’espère que le procès va mettre fin aux techniques actuelles de maintien de l’ordre et remettre l’Etat français face à ses responsabilités.
Le 26 Juin, elle aura des soutiens à commencer par Antoine, originaire aussi de Bayonne, qui lui a perdu une main dans une manifestation à Bordeaux. Depuis un an, les mutilés et leurs sympathisants s’organisent en réseaux partout en France. Le procès va se dérouler au tribunal de Bayonne, on peut parier qu’il sera certainement largement médiatisé.