Ce qui a été présenté par Paris et Madrid comme "un coup" porté à ETA vire à l'imbroglio avec l'interpellation de personnalités de la société civile qui affirment avoir voulu "détruire" des armes de l'organisation séparatiste basque qui a renoncé depuis 2011 à la violence.
Cinq personnes, dont une femme, ont été interpellées vendredi soir à Louhossoa, près de Bayonne, a annoncé le ministère de l'Intérieur. Placées en garde à vue, elles pourraient être transférées dimanche ou lundi à Paris, où le parquet anti-terroriste a ouvert une enquête préliminaire, selon des sources proches du dossier.Au cours de l'opération, "une importante saisie d'armes, d'explosifs et de munitions" a été réalisée, selon le ministère.
Contrairement à de premières informations, le président d'honneur de la Ligue des Droits de l'Homme (LDH), l'avocat Michel Tubiana, ne figure pas parmi les personnes interpellées: "Je devais y être, mais n'ai pas pu m'y rendre", a-t-il précisé à l'AFP.
L'objectif des militants de la société civile était de "détruire des armes" d'ETA et "les remettre aux autorités", a-t-il ajouté. "Il y a un blocage total du processus de désarmement d'ETA, un blocage qui vient du côté des gouvernements français et espagnol". "Nous ne nous sommes pas cachés", a-t-il dit, dénonçant une "opération policière (...) manifestement politique".
5 arrestations à Louhossoa, près de Bayonne, hier soir ont été menées conjointement par les polices françaises et espagnoles. Des armes et des munitions ont été retrouvées. "Il s'agissait de les détruire pour relancer le processus de désarmement de l'ETA" selon la LDH.
L'opération policière a été conduite par des enquêteurs français assistés de membres de la Guardia Civil espagnole
Bizi soutient le processus de paix au #PaysBasque et appelle à la libération des faiseurs de paix interpelés à #Louhossoa ! #Bayonne pic.twitter.com/xYD9C9qfLl
— Bizi ! (@bizimugi) 17 décembre 2016
Cette interpellation est "un nouveau coup dur porté à ETA", selon le ministre de l'Intérieur, Bruno Le Roux. "Personne n'a le droit de se proclamer destructeur d'armes et éventuellement de preuves", a-t-il déclaré à la presse samedi, justifiant les interpellations. "Pourquoi détruire des armes, si elles ont servi à commettre des faits graves, peut-être même des attentats?", a-t-il insisté.
Pour Madrid, "la Guardia Civil a porté un coup à l'arsenal de la bande terroriste ETA en France".
- Appel à manifester samedi à Bayonne -
L'interprétation fournie dans les milieux nationalistes basques est complètement différente : ainsi, dans une lettre datée du 25 octobre et publiée vendredi soir sur le site Mediabask, Michel Tubiana, Txetx et Michel Berhocoirigoin affirmaient avoir décidé de "procéder à la destruction d'un premier stock d'armes" afin de "contribuer à un avenir sans violence et démocratique pour le Pays Basque".
Selon eux, ce stock "correspond à environ 15% de l'arsenal d'ETA". Plusieurs mouvements nationalistes considèrent que "les polices française et espagnole ont empêché la destruction des armes" et appellent à une manifestation samedi à 16H00 à Bayonne.
De son côté, la LDH a dénoncé "un mauvais coup contre le processus de paix".
Dans un communiqué, Jean Lassalle, député (ex-MoDem) des Pyrénées-Atlantiques et candidat à l'élection présidentielle, a fustigé "les machiavéliques dérives autoritaires de l'Etat français".
Et même du côté du PS, une ancienne porte-parole, sénatrice des Pyrénées-Atlantiques, Frédérique Espagnac, proche du président François Hollande, a déclaré dans un tweet :
"J'apporte tout mon soutien" à "des militants engagés pour la paix".
Txetx Etcheverry, Michel Berhocorigoin st des militants engagés pr la paix, Non Violents. Je leur apporte tout mon soutien. À B.Molle aussi.
— Frédérique Espagnac (@FEspagnac) 17 décembre 2016
Le 12 octobre, une importante cache d'armes d'ETA avait été découverte en forêt de Compiègne (Oise). Le 5 novembre, un des derniers chefs d'ETA, Mikel Irastorza, avait été arrêté près de Bayonne et le 14 décembre un autre membre d'ETA était arrêté à Marseille.
ETA (Euskadi Ta Askatasuna, Pays Basque et Liberté), née en 1959 dans la lutte contre la dictature franquiste, a commis des attentats ayant causé la mort de 829 personnes, selon les autorités espagnoles et françaises. En octobre 2011, l'organisation a renoncé à la violence, mais n'a pas remis ses armes et refuse de se dissoudre. Elle veut négocier avec l'Espagne et la France sur le sort de ses quelque 400 membres détenus dans ces deux pays, ce que Madrid et Paris refusent.