Il était hospitalisé depuis 17 ans en unité pour malades difficiles. Après des années de bataille judiciaire et d’expertises, le juge des libertés et de la détention de Bordeaux a décidé que Romain Dupuy pouvait désormais être soigné dans une unité classique. En 2004, il avait sauvagement tué deux soignantes de l’hôpital psychiatrique de Pau.
"C’est une belle victoire". Depuis un an, avec Me Serge Portelli, Me Hélène Lecat assure la défense de Romain Dupuy. La justice a enfin accepté leur demande. " C’était une injustice " martèle l’avocate. "Cela équivalait à une condamnation à la perpétuité psychiatrique de ne pas vouloir lui accorder un traitement qui correspond a sa situation actuelle stabilisée".
Après 17 années passées dans le service pour malades difficiles (UMD) de Cadillac en Gironde, leur client va pouvoir être transféré dans un hôpital psychiatrique classique et être traité comme un patient toujours malade, mais plus sous un régime d’enfermement.
C’est la décision du juge des libertés et de la détention (JLD) de Bordeaux pour qui "le placement de Romain Dupuy en unité pour malades difficiles est devenu irrégulier".
Le drame de l'horreur
Dans la nuit du 17 au 18 décembre 2004, le jeune homme alors âgé de 21 ans, s’était rendu à l'hôpital de Pau où il avait déjà été soigné à trois reprises pour schizophrénie, armé d'un couteau de cuisine et de tournevis cruciformes.
Il avait tué sauvagement une aide-soignante et une infirmière : Lucette, 40 ans et Chantal, 48 ans. L’une étant poignardée, l’autre décapitée. Sa tête déposée sur un poste de télévision.
Dans une unité pour malades difficiles
Connue sous le nom de "drame de Pau", l’affaire avait soulevé une vive émotion dans le pays et posé la question de la gestion des malades mentaux.
Les expertises psychiatriques avaient conclu que son discernement était "aboli" au moment des faits.
Il avait alors fait l'objet d'une mesure d'hospitalisation sous contrainte, prise au nom de la "sûreté des personnes" et des risques d' "atteinte à l'ordre public".
Admis à l'unité pour malades difficiles (UMD) de Cadillac, il ne l'a jamais quittée depuis.
Bataille judiciaire devant des autorités qui se déclarent incompétentes
Cette décision marque un tournant dans ce dossier, car à cinq reprises depuis 2018, la commission de suivi médical de l'UMD de Cadillac a estimé que la place de Romain Dupuy n’était plus dans une UMD.
À chaque fois, elle s’est prononcée en faveur d’un transfert dans un service psychiatrique ordinaire, au régime plus souple. Mais les services de l’Etat, la préfecture, comme le juge des libertés et de la détention se sont à chaque fois renvoyés la balle se déclarant incompétents.
On peut parler d’un déni de justice
Me Hélène Lecat, avocate
Le 29 avril 2021, le magistrat avait rejeté la demande de sortie de l'UMD.
Quatorze mois plus tard, la juge des libertés et de la détention qui vérifie tous les six mois que le régime d'internement des hospitalisés psychiatriques sans consentement est en adéquation avec leur état mental, a reconsidéré l’état de santé du malade et ordonné la levée.
" C’est une décision qui intervient tardivement, on peut parler d’un déni de justice. Les juridictions aussi bien administratives que judiciaires se déclaraient incompétentes l’une au profit de l’autre".
Revirement de jurisprudence capital
La juge a estimé que le placement de Romain Dupuy en UMD constituait "une atteinte aux droits du patient".
« Cette ordonnance constitue un revirement de jurisprudence capital. Elle instaure enfin un contrôle réel du juge judiciaire, en l’espèce le JLD, sur les mesures de soins sans consentement dans les UMD » pour Hélène Lecat.
"C’est une décision très satisfaisante non seulement pour le droit mais également pour la psychiatrie car elle met en lumière le fait qu’une unité pour malades difficiles, c’est un lieu de soin, d’encadrement mais qui ne condamne pas à la perpétuité psychiatrique".
Et de rappeler qu’en moyenne un patient y séjourne dix mois et non dix-sept années comme son client.
" Dix-sept années de résilience de soins, de prise de traitement constante, il fallait laisser une perspective d’espoir à ce patient stabilisé".
Aujourd’hui âgé de 39 ans, Romain Dupuy devrait donc rejoindre un établissement psychiatrique ordinaire qui le prendrait en charge sous la forme d’une hospitalisation complète.
Le parquet ou la préfecture de la Gironde peuvent faire appel de la décision sous dix jours.
Le point sur l'affaire Romain Dupuy avec E. Daycard