Le langage sifflé, autrefois utilisé par les bergers béarnais pour communiquer de montagne à montagne, est peu à peu réintroduit par des passionnés. Dans la vallée d'Ossau, en Béarn, l'enseignement se fait directement dans les collèges et auprès d'une poignée d'adultes qui souhaitent contribuer à la sauvegarde de l'occitan, base de ce langage.
Le bruit des sifflements vient rompre la quiétude de la vallée d'Ossau. Sur des sentiers qui surplombent le village d'Aas, dans les Pyrénées-Atlantiques, Philippe et Sandrine échangent quelques sons, ou plutôt quelques paroles, qui résonnent entre les montagnes s'étendant à perte de vue. Ici, "c'est le seul endroit où on sifflait l'occitan", racontent-ils. Si ce langage a peu à peu disparu, il est aujourd'hui encore enseigné par quelques passionnés qui souhaitent faire perdurer la culture occitane au travers de la technique ancestrale du sifflet.
Sauvegarder l'occitan
Philippe Biu est un averti. Ce professeur enseigne l'occitan dans le collège des Cinq-Monts de Laruns, dans les Pyrénées-Atlantiques. "Lorsque j'ai entendu parler qu'il existait des cours de langue sifflée à Pau au cours des années 2010, je suis allé voir, j'ai participé et j'ai eu la chance d'arriver à siffler assez rapidement et d'acquérir la technique", se targue-t-il. Cette technique bien particulière, il l'apprend désormais à ses élèves de la sixième à la troisième, ceux qu'il aime appeler "la nouvelle génération de siffleurs".
Pratiquer le langage sifflé ça consiste à parler le plus naturellement possible et à remplacer les vibrations des cordes vocales par des sifflements.
Philippe Biuenseignant de la langue occitane et adepte du langage sifflé
Chez les adultes, ils ne sont "qu'une petite poignée" à maîtriser ce langage. Sabrine Cépéda a entamé son enseignement récemment pour participer "à la sauvegarde de la langue occitane". "Avant, je sifflais comme on me l'avait appris en étant adolescente en pliant la langue, mais maintenant, il faut arriver à articuler les mots, il faut s'entraîner."
Langage disparu en 1999
Autrefois, le langage sifflé était majoritairement utilisé par les bergers pour communiquer entre eux, à travers les montagnes. Mais pas que. "Tous les habitants parlaient l'occitan sifflé, pointe Philippe Biu. Il a perduré jusqu'en 1999, lorsqu'est décédée Anne Palas, la dernière siffleuse."
Il a fallu attendre ensuite une douzaine d'années pour qu'un professeur retraité, Gérard Puicheu, réintroduise le langage qu'il avait lui-même étudié sur l'île canarienne de Gomera où il est encore pratiqué. "Je suis moi-même allé là-bas pour essayer de perfectionner ma technique et voir comment les Canariens sifflaient l'espagnol et ça m'a aidé", se souvient Philippe Biu.
Parler l'occitan sifflé n'est pas aisé. "Le plus dur, c'est d'émettre un sifflement. La seconde difficulté est la capacité à comprendre les messages", détaille l'enseignant. "Pour pouvoir articuler, il faut placer nos doigts sur la langue et siffler sans faire vibrer la corde vocale", illustre Sabrine Cépéda.
Entre 60 et 80 langues disposeraient d'une modalité sifflée. L'occitan et le béarnais en font partie.