Violences sexuelles à Notre Dame de Bétharram : la congrégation des prêtres tend la main aux victimes

La congrégation des prêtres de Bétharram se dit déterminée à accompagner les victimes des abus sexuels et des violences physiques commis au sein de Notre-Dame de Bétharram, alors que plus d'une centaine de plaintes d'anciens pensionnaires ont été déposées devant la justice.

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"C'est très bien. Pour la première fois, la congrégation reconnaît les agressions sexuelles et la violence dans des termes suffisamment forts comme "ignobles". Elle commence à prendre conscience de toutes ces violences." Le porte-parole des victimes de l'école Notre-Dame de Bétharram a réagi de manière positive à la main tendue de la congrégation, huit mois après l'ouverture d'une enquête sur les abus sexuels Bétharram par le parquet de Pau." Cette main tendue est une bonne chose, on part de loin", rappelle le lanceur d'alerte.

Main tendue aux victimes

Dans un long communiqué diffusé le 6 septembre, la congrégation est sortie du silence, et se dit "déterminée à accompagner les victimes des abus sexuels et des violences physiques".

"Depuis plusieurs mois, de nombreuses révélations sur les terribles événements qui se sont déroulés au sein de l’établissement scolaire de Bétharram ont été relayées dans les médias, et plus particulièrement des témoignages relatant des abus sexuels et des violences physiques, commis pour la plupart des années 1970 aux années 1990".

Cette congrégation religieuse, qui dépend directement du Vatican, a fondé l'école Notre-Dame en 1837 et a dirigé l'établissement jusqu'en 2009, qui a par la suite été rebaptisé ensemble Beau Rameau. Une institution qui a longtemps bénéficié d'une très bonne réputation. 

La congrégation de Bétharram poursuit avec détermination ce chemin de reconnaissance et de réparation en allant à la rencontre de tous ceux qui le désirent et à mettre en œuvre toutes les mesures concrètes afin que ces violences criminelles soient définitivement bannies. 

Père Jean-Dominique Delgue,

vicaire général de Bétharram au Vatican

C'est la première fois que cette congrégation acte des faits graves relevant du pénal dans cette affaire, et justifie aussi sa discrétion jusque-là.

"Profondément affectée par ces actes ignobles et remplies de compassion pour toutes ces victimes, la congrégation de Bétharram et la direction de l’Ensemble scolaire Beau Rameau ont tenu à rappeler, dans un communiqué commun publié le 16 février 2024, combien elles condamnaient ces actes inacceptables commis sur des mineurs par des religieux ou des laïcs.
Depuis, de nombreuses plaintes ont été déposées auprès du Procureur de la République de Pau, ce qui explique les rares déclarations de notre congrégation, soucieuse de respecter la procédure judiciaire en cours"

► VIDÉO. Voir le reportage d'América Lopez, Laure Bignalet, Romain Hauville et Christophe Varonne sur les plaintes pour abus sexuels commis par l'institution Notre-Dame de Bétharram entre les années 1950 et 2010. 

durée de la vidéo : 00h07mn37s
Dans cette enquête exclusive, nous dévoilons les derniers éléments derrière l'affaire de violences à Notre-Dame de Bétharram. Grâce à des témoignages inédits, notre équipe décrypte les suites de cette sombre affaire qui a secoué la communauté locale. ©France 3 Aquitaine

"On part de loin"

Un pas de plus. Alain Esquerre, ancien élève de l'école de Notre-Dame de Bétharram, a été victime de violences physiques et psychologiques alors qu'il était élève dans les années 1980." Ce qui m'a sauvé, c'est d'être externe, je rentrais chez moi tous les midis". D'autres ont effectivement vécu bien pire : la violence quotidienne faite de gifles, de vexation, de punitions et d'humiliations, mais surtout des attouchements sexuels jusqu'aux viols.

Au total, 102 plaintes ont été déposées par d'anciens pensionnaires. Les agresseurs ? Des prêtres de la congrégation de Bétharram qui dirigeaient l'école, des surveillants laïcs et des élèves. Ce lanceur d'alerte est à l'origine de la création d'un groupe sur Facebook et a parallèlement recueilli les plaintes. "La parole commence à se libérer, mais beaucoup de victimes veulent garder l'anonymat et ne veulent pas déposer plainte", assure Alain Esquerre qui a déposé un quatrième corpus de plaintes le 9 juillet dernier.

Pour Jérôme Ducournau, 55 ans, victime d'attouchements dans les années 1980 quand il était âgé de 11 ans, cette réaction de la congrégation est "  un bon signe, sûrement l'effet positif de la pression mise sur la congrégation". Mais, il reconnait rester méfiant. 

Par expérience, je me méfie des mains tendues de la congrégation.

Jérôme Ducournau,

ancien élève de Bétharram et plaignant

Contactées, d'autres victimes considèrent pour leur part que cette déclaration, "c'est de la poudre aux yeux", ou de la "pure communication".

Réparations financières 

La Congrégation de Bétharram, qui a un représentant sur place, explique ses démarches envers les victimes d'abus sexuelles commises par des religieux depuis le rapport de la CIASE paru en octobre 2021 et le mois suivant, la mise en place de la Commission indépendante Reconnaissance et Réparation (CRR).

"Tout au long de ces derniers mois, la congrégation de Bétharram a veillé à poursuivre et renforcer toutes les démarches entamées depuis plusieurs années afin de s’assurer que les victimes puissent se manifester et bénéficient de tout l’accompagnement qui leur est dû, mais également pour prévenir que de tels actes ne se reproduisent plus en son sein".

La congrégation "reste pleinement mobilisée pour poursuivre ce chemin des réparations financières pour que les victimes d’abus sexuels soient reconnues et accompagnées dans leur désir de reconstruction".

Prise en charge psychologique

Par ailleurs, les victimes qui le souhaitent, peuvent se tourner vers l'Institut Francophone pour la Justice et la Démocratie (IFJD), basé à Bayonne, spécialisé dans la promotion des droits humains et de la justice, ainsi que l’assistance aux victimes de violences, notamment sexuelles. Les spécialistes de cette ONG ont rencontré tous les religieux du vicariat le 5 juin dernier. "La congrégation a demandé à l’IFJD de l’accompagner pour préparer et animer une rencontre effective, dans les prochains mois, avec les victimes qui le souhaitent".

Le porte-parole des victimes Alain Esquerre a été contacté par l'IFJD en vue d'une rencontre dans les prochaines semaines.

Concernant l'établissement actuel Ensemble scolaire Beau Rameau qu'elle cotutelle sur les deux sites d’Igon et de Bétharram, la congrégation a indiqué "veiller à l’application des directives données par l’Enseignement Catholique pour que les élèves soient respectés dans leur dignité. La congrégation salue le plein engagement de l’équipe éducative dans ce sens."

Côté justice, l'enquête qui a été confiée aux gendarmes de Lescar, se poursuit. "Les auditions sont toujours en cours", a précisé le procureur de la république de Pau qui envisagera ensuite "la nécessité de mettre en garde à vue les mis en cause dans les plaintes".

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