Un chasseur qui participait à une battue aux sangliers, ce 20 novembre après-midi, a été gravement blessé par une ourse en Ariège dans le massif du Couserans. L'ourse qui était accompagnée de ses oursons a été abattue. Un accident qui pourrait relancer la "guerre de l'ours" dans les Pyrénées.
Samedi après-midi, un groupe de chasseur traquaient le sanglier sur la commune de Seix, à une soixantaine de kilomètres à l'est de Foix. Vers 15h30, ils font appel aux secours indiquant que l'un d'eux vient d'être blessé par une ourse.
Les gendarmes du PGHM interviennent auprès du chasseur âgé de 70 ans, gravement blessé au niveau de l'artère fémorale. Il sera évacué d'abord vers l'hôpital de Foix puis transféré vers les CHU de Toulouse en raison de la gravité de ses blessures, indique la préfecture du département.
Le chasseur a eu le temps de relater à ses camarades qu'il a été attaqué par une ourse accompagnée de ses petits. Elle l'a mordu à la jambe et il a fait feu à deux reprises vers l'animal. L'ourse a été retrouvée morte à quelques mètres des lieux où le chasseur a été secouru.
La préfecture de l'Ariège a indiqué qu'une enquête judiciaire a été ouverte sur les circonstances de cet accident.
Une cohabitation difficile
"C'est vraiment ce que l'on redoutait. Aujourd'hui, on voit bien que la cohabitation, c'est compliqué !", a déclaré la présidente du conseil départemental de l'Ariège, Christine Tequi (PS).
Un danger, selon elle, aggravé par "la présence accrue des ours, qui se reproduisent" dans le secteur du Couserans. Il y aurait actuellement une quarantaine de plantigrades sur ce secteur, a-t-elle précisé.
Début août, un incident avait déjà alimenté la polémique entre pro et anti-ours: un berger du village de Saint-Lary, en Ariège, avait été poursuivi par un ours.
Selon le maire du village, Gérard Dubuc, c'était la première fois "qu'un berger était attaqué par un ours, depuis que le programme de réintroduction de l'ours brun a été engagé dans les années 1990".
Pourtant selon Alain Servat, le président de la Fédération pastorale de l'Ariège (FPA), ces incidents sont devenus "le quotidien des bergers aujourd'hui". Il demande "que l'Etat prenne des décisions drastiques". Les opposants à l'ours réclament l'abattage des ours agressifs, et à leur tête les éleveurs, qui déplorent de nombreuses prédations de brebis, disent craindre dorénavant pour la sécurité des hommes.
Du côté des pro-ours un collectif, qui regroupe des associations comme WWF, France Nature Environnement (FNE), Ferus ou encore Pays de l'ours-Adet, dénonçait alors "une "hystérie collective", soulignant qu'il n'y avait pas eu de blessé lors de cette confrontation du mois d'août. Le collectif déplorait dans un communiqué que les rares charges d'ours (neuf de 1996 à 2021, avec un blessé) fassent plus de bruit qu'"au moins 23 randonneurs ou chasseurs blessés, pour la plupart grièvement, et un tué, par des bovins en estive" entre 2010 et 2020.
"Ça ne remet pas en cause la cohabitation"
Pour Gérard Caussimont, Président du Fond d'Investissement Eco-Pastoral (FIEP) basé à Pau dans les Pyrénées-Atlantiques, "cet accident ne peut remettre en cause la cohabitation entre l’homme et l’ours, espèce protégée". Il déplore tout d'abord qu'un homme ait été grièvement blessé et qu'une ourse reproductrice soit morte en laissant ses oursons qui feront l'objet d'un suivi l'Office Français pour la Biodiversité (OFB).
Bien-sûr, il espère que nous en saurons plus sur les circonstances de ce drame avec l'enquête judiciaire en cours, même s'il semble ne se faire aucune illusions : "nous n'avons toujours aucun résultat de l'enquête concernant la mort de l'ours tué en avril 2020..." Il rappelle que "c'est le quatrième ours tué depuis avril 2020 de la main de l’homme" et que d'autres accidents "au moins quatre entre octobre en novembre" en France ont eu lieu entre un chasseur et un sanglier.
Il explique que, selon lui, c'est le mode de chasse qui est en cause. C'est parce que lors d'une battue, la technique est d'acculer l'animal. Là il n'a que deux solutions pour l'ours ou la bête traquée : être tué ou charger le chasseur. Une situation sans doute aggravée par le fait que l'ourse était accompagnée de ses petits et qu'elle a cherché à les protéger.
Il explique que, dans les Pyrénées-Atlantiques actuellement, les chasseurs sont formés à ce type de battue. Il s'agit d'établir des postes de chasse permettant d'abord d'identifier le gibier puis de prévoir une échappatoire à l'animal protégé...
Une réintroduction discutée
L'ours brun étant menacé d'extinction sur son territoire, la France a engagé dans les années 1990 un programme de réintroduction de plantigrades venant de Slovénie. Ils sont actuellement une soixantaine dans le massif pyrénéen, ce qui n'assure pas la pérennité de l'espèce.
En 2020, trois ours ont été tués illégalement dans les Pyrénées, deux en Espagne et un en France. Le gouvernement
français s'est engagé à remplacer tout ours tué de la main de l'homme par des réintroductions, tandis que des éleveurs s'y opposent fermement.
En novembre 2004, la mort de Cannelle, tuée par un chasseur en Vallée d'Aspe, dans les Pyrénées, avait soulevé une vague de protestations en France. Elle était la dernière ourse de souche purement pyrénéenne. C'est après sa mort, le gouvernement avait mis en place son plan de "renforcement de la population d'ours bruns dans les Pyrénées". On estimait alors à moins de vingt le nombre d'ours dans le massif.
Le chasseur René Marqueze qui l'a tuée avait affirmé n'avoir tiré qu'en dernier recours, après avoir cherché à éviter l'animal à plusieurs reprises. Mis en examen dans une plainte où l'Etat et 19 associations environnementales s'étaient porté parties civiles, il a finalement bénéficié d'un non-lieu.
Une autre ourse avait été tuée dans un accident de chasse en 1997 sur les contreforts pyrénéens de Melles (Haute Garonne). Il s'agit de Melba, introduite de Slovénie. Elle avait donné naissance à trois oursons avant d'être tuée.