Naufrage mortel au Pays basque. "Le bateau aurait dû changer de route" : marin endormi, série d'imprudences, les conclusions du rapport d'enquête

Dans la nuit du 22 décembre 2023, le Cycnos, un fileyeur d'Arcachon, se fracassait contre la digue en béton de Socoa, à l'entrée du port de St-Jean-de-Luz. Les enquêteurs du BEA mer pointent de multiples imprudences à l'origine du drame. Deux marins pêcheurs avaient perdu la vie, leurs corps n'ont jamais été retrouvés.

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Il est très précisément 1 h 46, ce vendredi matin, 22 décembre 2023, quand le sémaphore de Socoa, au pays-basque, capte un premier appel de détresse émanant "d'une voix paniquée". 

Cette nuit-là, la houle est forte, les vagues atteignent jusqu'à quatre mètres de hauteur, le vent souffle à 50 km/h. Malgré ces conditions météo difficiles, dans la nuit noire, d'importants moyens de secours sont déployés au pied de la digue marquant l'entrée du port de St-Jean-de-Luz.

Il faudra plus d'une heure aux sauveteurs pour arriver à approcher les marins surnageant dans une eau à 13 degrés. Ils parviennent à retirer un premier homme, le patron du bateau. Il est 2 h 59. Six minutes plus tard, un sauveteur est au contact d'un deuxième marin, mais se retrouvant lui-même en difficulté, il ne parvient pas à le récupérer. 

Les recherches durent toute la nuit puis toute la matinée. Elles sont arrêtées à 13 h 41. Le bilan est lourd. Deux des trois marins qui naviguaient à bord du Cycnos, fileyeur basé à Arcachon, sont portés disparus. Ils ne seront jamais retrouvés. 

Le marin de quart endormi ?

Neuf mois après le drame, le bureau d'enquête sur les évènements de mer (BEA mer) vient de publier ses conclusions

Le rapport revient notamment sur les circonstances du naufrage. Le Cycnos était parti d'Arcachon trois jours plus tôt pour une campagne de pêche du côté de Mimizan. Le jeudi 21 au soir, l'équipage aurait pu rester sur zone et passer la nuit au mouillage. Mais, à quelques jours de Noël, il a été décidé de faire cap sur St-Jean-de-Luz. L'objectif était de vendre le poisson à la criée du lendemain. 

Première imprudence.

La fatigue engendrée par le quart de nuit s'ajoute à celle accumulée lors du travail effectué la journée

Extrait du rapport d'enquête du BEA mer

Les deux matelots, âgés de 38 et 58 ans, employés sur le Cycnos, pêcheurs reconnus et appréciés à Arcachon, n'étaient pas habitués aux navigations nocturnes. La fatigue accumulée a pu "entraîner l'endormissement" du premier matelot soulignent les enquêteurs. 
La trajectoire du bateau relevée par le sémaphore, rectiligne, parle d'elle-même. Elle montre un navire sur pilote automatique et "aucun changement de route, ni de vitesse, à l'approche de la baie (...) alors que le bateau aurait dû changer de route" pour rentrer au port. 

Système d'alerte désactivé ?

En cas de défaillance de l'homme de quart, une alarme automatique doit normalement s'activer. En sonnant toutes les dix minutes, elle permet de s'assurer du bon éveil du matelot. Puis de déclencher l'alarme générale si personne ne réagit. 
Mais le patron pêcheur n'a entendu aucune alarme. Son marin de quart l'aurait désactivée, peut-être gêné par le bruit répété. La clef de verrouillage aurait dû être retirée. 

Par ailleurs, aucun réveil n'avait été programmé pour réveiller le patron trois heures avant l'accostage, comme il l'avait prévu. Celui-ci comptait sur ses hommes pour le sortir de son sommeil. Il n'aurait pas dû : il a été réveillé en sursaut par le choc. Bien trop tard pour réagir. Deuxième imprudence.

Matelots peu formés au quart de nuit

Autre manquement pointé par les enquêteurs, le peu d'expérience des deux matelots au quart de nuit.

"Dans leur organisation habituelle des journées de travail, ils n'avaient pas à prendre le quart" notent-ils. Ajoutant qu'aucun des deux "n'était détenteur d'un brevet lui permettant de tenir officiellement le quart". 
"Leur travail, c'était de pêcher" explique Alan Symoneaux, le directeur adjoint du BEA Mer.  "Il arrive que sur ces bateaux, les matelots prennent les quarts pour permettre aux patrons de dormir quelques heures, mais ils ne sont pas familiarisés à la pratique ni aux appareils de navigation à leur disposition".  

Pour conclure, le BEA mer établi des recommandations. L'une est adressée à l'administration : "on recommande qu'il y ait obligation de compter au moins un marin en plus du patron capable de faire le quart et de ramener le navire au port" indique Alan Symoneaux.
Le deuxième conseil est lui destiné aux armateurs "pour que les patrons aient pour consigne d'utiliser toutes les alarmes disponibles en mer, notamment quand le quart est effectué par une seule personne et que le reste de l'équipage dort".

Il est clairement précisé que ce rapport n'a "pas été rédigé en vue d'être utilisé dans le cadre d'une action en justice. Son seul objectif est d'améliorer la sécurité maritime (...) afin de prévenir de futurs sinistres du même type". 

À ce jour, c'est le parquet de Bordeaux, compétent en matière d'infractions maritimes, qui est en charge de l'enquête.

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