Un an après le 17 novembre 2018 et l'acte I, nous avons rencontré des Gilets Jaunes de la première heure. Mobilisés en Limousin pendant plusieurs samedis, que sont-ils devenus ? Nous avons donné la parole à Pierre, Valérie, Patrick, Isabelle, Angélique, Stéphane...
Samedi 16 novembre 2019, un an après la toute première mobilisation des Gilets Jaunes, seront-ils à nouveau sur les ronds-points ? C'est la question que nous avons posée à plusieurs d'entre eux...
Convaincus ?
Pierre, du Collectif Citoyens 87, est entré dans le mouvement, agacé par la hausse du prix du carburant."En peu de temps, sur les réseaux sociaux, se sont 6 000 personnes qui étaient avec nous. On en retrouvait sur les manifestations, tous les samedis. Il y avait des gens aux fenêtres, des gilets jaunes aux balcons. Parmi nous, il y avait des médecins, des manœuvres, des ingénieurs, des retraités et des intellectuels qui nous ont permis de formuler proprement nos revendications."On était parti pour une belle aventure. On voulait changer les choses. C'était tout le pays qui bougeait.[Pierre B.]
Ce Collectif Citoyens 87 a pris rapidement contact avec des représentants politiques.
Nous avons pu alors contacter les députés de la région et c'est grâce à nous, grâce à eux, que nos motions ont été transmises au gouvernement et à l'Elysée. Ensuite il y a eu le Grand débat mais tout est parti de Limoges.[Pierre B.]
Désenchantés ?
Localement, ça s'est terminé en pugilat. J'ai décidé d'arrêter, de poser mon gilet jaune après une bagarre qui a éclaté en marge d'une réunion à laquelle nous avions convié des Politiques.
Pierre trouve alors que le mouvement perd de sa fraîcheur, de sa naïveté. Aujourd'hui, il maintient son accord avec le mouvement mais il ne se sent plus vraiment proche de certaines personnes : "Je me suis aperçu que j'exaspérais les gens riches que je côtoyais, d'autant que la hausse du prix de carburant ne les empêchait pas de se balader avec leur belle voiture. On nous accusés de bloquer les zones commerciales comme Family Village mais moi je voulais manifester, pas bloquer les gens. Ma femme est commerçante, je sais ce que ça fait de voir un magasin vide".
Valérie, elle, fait partie du collectif Colère 87 créé en 2017. Lorsque le mouvement des Gilets Jaunes se déclenche, elle trouve les revendications légitimes : prix du carburant, conditions de travail, mal-être des agriculteurs. Tout comme Pierre, elle a aujourd'hui posé son gilet jaune.
L'opinion publique n'est plus avec nous. C'était symbolique d'aller sur les ronds-points. Au début, c'était le peuple qui se soulevait mais, peu à peu, les revendications ont évolué. Nous avons commencé à bloquer les petits commerces et nous n'avons rien appris de nos erreurs. On s'est éparpillés, je ne sais pas pourquoi. Il fallait rester sur nos bases. [Valérie]
Mais si Valérie a quitté sa veste fluo, c'est surtout en raison du bilan des actions menées. "C'est pire qu'avant. Le peuple a faim. On va droit dans le mur. Il n'y a plus d'avenir pour nos enfants et le bilan, un an après, est catastrophique. On n'a rien gagné à part une France à feu et à sang, des mutilés, des violences policières. On n'a rien obtenu et la situation est pire qu'avant. Il y a quelque temps déjà, j'ai assumé le fait de poser mon gilet jaune. Je suis toujours citoyenne, mais sans mon gilet." Aujourd'hui, le collectif ne se revendique plus des Gilets Jaunes.
Macron a dévié nos revendications, le mouvement portait beaucoup d'espérance et il ne laisse aujourd'hui que des regrets.[Pierre B.]
Patrick, lui, garde un bon souvenir de la mobilisation sur les ronds-points.
On s'est fait des amis, des copains, on a retrouvé de la fraternité.
Mais, un an après, et au vue des résultats obtenus, Patrick n'est pas convaincu que la rue soit encore la bonne solution. "Dans les manifestations, on se fait plutôt chasser, nous ne sommes plus entendus. Il faut interpeller les maires, se mettre autour d'une table."
La lutte continue...
Si plusieurs collectifs ont prévu de marquer le coup, samedi 16 novembre 2019, en organisant des manifestations ou des rassemblements, certains (ex-)Gilets Jaunes ont un autre objectif : appeler à la grève générale le 5 décembre à l'occasion de la mobilisation interprofessionnelle contre la réforme des retraites.C'est la position que défend Isabelle.
Elle porte toujours son gilet jaune, parce qu'elle est toujours solidaire des revendications. Mais, elle aussi, a pris du recul : "Je me suis mise en retrait des actions physiques car cela ne me correspondait pas, et puis je me suis rendue compte que ça n'avançait à rien. J'ai participé aux débats et au final, ça n'a rien changé." Aujourd'hui Isabelle place ses espoirs dans la solidarité et l'unité :
Le 5 décembre, il faut que toutes les professions s'allient, que les revendications soient portées d'une seule voix. Il ne faut pas lâcher et si on ne lâche rien, on va gagner.
La convergence
Linda, Patrick P. et Stéphane n'ont rien lâché. Si Linda porte le gilet régulièrement, Patrick a toujours le sien sur son tableau de bord. Stéphane ne le met plus, de crainte d'être une cible quand il monte à Paris mais ils aiment dire qu'ils sont des citoyens et espèrent que d'autres les rejoindront, avec ou sans gilet fluo. Dans la Creuse, une association citoyenne pourrait se créer le 29 novembre prochain pour porter 59 revendications. Tout a augmenté, les inégalités aussi.
Ils croient encore à la convergence des luttes, la mobilisation des syndicats, des salariés du privé. Stéphane n'y va pas par quatre-chemins : la grève générale et le blocage du pays.
Certains manifesteront samedi 16 et dimanche 17 novembre, mais ne leur parlez pas d'anniversaire...
L'anniversaire, ce sera quand on aura obtenu quelque chose