Santé : les "oubliés du Ségur" en Poitou-Charentes

Les directeurs d'Ehpad alertent le gouvernement sur le paiement des 183 euros d'augmentation promis aux salariés de leurs établissements suite au "Ségur de la santé". Certains salariés du secteur médico-social ont, eux, été carrément oublié et se mettent en grève.

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Il semble loin le temps où la France entière, confinée, applaudissait, tous les soirs à 20 heures, les professionnels de santé. Alors que le secteur hospitalier doit faire face à une nouvelle vague de cette maudite épidémie de coronavirus, c'est l'ensemble du monde de la santé qui appelle le gouvernement à respecter ses engagements. "L’engagement que je prends ce soir pour eux et pour la Nation tout entière, c’est qu’à l’issue de cette crise un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières sera construit pour notre hôpital", déclarait le Président Emmanuel Macron le 25 mars 2020 à Mulhouse. Pour l'hôpital, mais pour les autres ?

De fait, une augmentation de salaire de 183 euros était alors actée, notamment pour les salariés des Ehpad. Mais, un an et demi plus tard, les responsables de maisons de retraite se retrouvent plus que fragilisés financièrement. En juillet dernier déjà, la Fédération Nationale des Associations de Directeurs d'Etablissements et Services pour Personnes Agées (FNADEPA) alertait les pouvoirs publics. "Les établissements ont reçu des dotations insuffisantes pour l’année 2020 et sans garantie de complément malgré les engagements du Gouvernement" et elles ne couvrent  "en moyenne que 50% à 70% du besoin pour 2021".  

"Un gros retard à l'allumage"

A Mouthiers-sur-Boëme en Charente, Aurélien Chatain, directeur de l'Ehpad et président de l'antenne charentaise de la Fnadepa, a, par exemple, versé 172.000 euros d'augmentation de salaires à ses 40 salariés. Pour l'heure, l'Etat ne lui a remboursé que 56.000 euros. "Ça a été accueilli par les salariés avec bonheur mais aussi par les directeurs", explique-t-il, "c’est quelque chose que l’on demandait depuis très longtemps, même avant la crise du Covid. Mais la mesure a été prise depuis septembre 2020 et fin 2021, on ne nous a pas donné le nécessaire. Je pense qu’au niveau national, il y a eu une sous dotation des crédits. Ils ne s’attendaient pas à ce qu’il y ait autant de salariés concernés dans les structures. C’est un gros retard à l’allumage !"

"L'iniquité est énorme"

Le constat est encore plus amer pour les structures qui oeuvrent dans le secteur médico-social. En Charente-Maritime, le Comité d'Entente Départementale Handicaps 17 (CED-H17) emploie plus de cinq-mille salariés en CDI. Tous ont des qualifications, des compétences et surtout un dévouement quotidien auprès de personnes en situation de handicap ou dans le domaine de la protection de l'enfance et des tutelles. Ils avaient donc tout naturellement pleine légitimité à bénéficier des revalorisations salariales du "Ségur". Las... 

"Tout le secteur médico-social a été complètement zappé", se désole Christelle Lévêque, directrice générale de l’ADEI. L'ADEI, c'est cinquante établissements, 900 salariés et 5.300 personnes accompagnées. "Dans notre secteur, il n’y a pas eu d’augmentation de salaire depuis une vingtaine d’année. Notre convention collective date de 1966, donc autant dire qu’elle est complètement obsolète", explique-t-elle, "se pose donc aujourd’hui très clairement pour les employeurs et avec bien sûr des conséquences sur la qualité des conditions de travail des salariés, un vrai problème d’attractivité des métiers".

Pas sûr pour autant qu'une revalorisation salariale, même de 183 euros, puisse régler la question. Alerté, le gouvernement avait, suite au Ségur, missionné Michel Laforcade, ancien directeur général de l'ARS Nouvelle-Aquitaine, pour tenter de corriger le tir et annoncé une possible augmentation des salaires en janvier prochain avec un rattrapage de deux mois. Mais pour l'instant, rien d'officiel et, surtout, une grande partie des salariés pourraient toujours rester sur la touche. "Ils ont décidé de différencier les catégories socio-professionnelles", poursuite Christelle Lévêque, "sont donc concernés les soignants, tout ce qui est paramédicaux, les aides médico-psychologiques (AMP) et les aides éducative sociale (AES). Le problème, c’est qu’à l’ADEI par exemple, ça ne concerne que 18% de nos 1.000 salariés. L’iniquité est donc énorme et ça ne concerne que le secteur du handicap et pas celui de la protection de l’enfance".

"Tout se fait à moyens constants"

"On est considéré comme du médical quand il y a une crise et quand il y a une obligation de pass sanitaire pour travailler, mais pas quand on parle salaires et conditions de travail". Grégory Berbessou est, depuis vingt ans, éducateur à l'IME de l'Océan, une des structures de l'ADEI. Le 25 octobre dernier, une première grève avait été suivie par 90% des cent salariés de l'établissement. 

"Depuis vingt ans, les conditions de travail n’ont fait que se dégrader", se déplore le professionnel de santé, "on se bat donc pour la revalorisation mais aussi contre la casse de nos conventions collectives. Les employeurs veulent bien sûr aussi obtenir cette augmentation de salaire pour essayer de faciliter les recrutements, mais ils pensent à l’avenir mutualiser les moyens de tous les établissements. Parce que depuis des années, tout se fait à moyens constants. Par exemple, moi, je suis éducateur technique spécialisé, je fais de la menuiserie avec des jeunes déficients intellectuels et je pourrai faire des remplacements auprès d’autistes profonds ou en maisons de retraite spécialisées d’autres structures".

Mardi 7 décembre, un appel intersyndical national à la grève est donc lancé. Pour la seconde fois en trois mois, la majorité des employés de l'IME de l'Océan suivront le mouvement. Si la CGT appelle à manifester devant le siège de l'ADEI à Aytré près de La Rochelle, d'autres salariés et le syndicat Sud ont donné rendez-vous à différentes structures (Association Emmanuelle de Châtelaillon, L'escale de La Rochelle, Tréma, l'AEMO de Rochefort) devant le Conseil Départemental. Les "oubliés du Ségur" ont décidé de faire entendre leur voix.

 

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