Coronavirus : le Tour de France en Limousin le 10 septembre

A l'échelle du vélo, c'est une révolution. Face à la pandémie, les dirigeants ont tranché et décalé les dates de la plus grande course du monde, qui aura lieu du 29 août au 20 septembre.

C'est la fin du suspense. Annulation, report, tous les amateurs de cyclisme étaient suspendus à la décision des pouvoirs publics et d'ASO, l'organisateur. Ceux-ci ont tranché, comme révélé hier par nos confrères du Dauphiné Libéré. Le Tour s'élancera donc de Nice le samedi 29 août.

Côté Limousin, on sera sur le bord des routes le jeudi 10 septembre pour la 12e étape, 218 km entre Chauvigny (Vienne) et Sarran (Corrèze). Une étape, la plus longue de cette édition 2020, initialement conçue comme une suite d'hommages à des grandes figures du vélo, disparues depuis peu ou pas. Initialement car ASO a précisé ce mercredi que si les villes-départs et arrivées ne changeraient pas, des modifications pourraient intervenir sur le tracé des étapes.

Mais si tout devait se dérouler comme prévu, les coureurs devraient ainsi passer par Saint-Léonard-de-Noblat (Haute-Vienne), patrie du légendaire Raymond Poulidor, par Linards (Haute-Vienne), fief du journaliste Antoine Blondin, avant de rejoindre Chaumeil (Corrèze), qui se souviendra de l'accordéoniste Jean Ségurel et de l'ancien coureur Laurent Fignon, double vainqueur du Tour, et de terminer à Sarran (Corrèze), clin d'oeil à Jacques Chirac bien sûr.

 

Le passage par la Haute-Vienne

C'est bien sûr à Saint-Léonard-de-Noblat que le Tour était le plus attendu. D'abord pour fêter Raymond Poulidor, puis, depuis son décès, en novembre dernier, pour honorer sa mémoire. Joint par téléphone ce mercredi  15 avril, Alain Darbon, le maire de la cité miaulétouse, a bien voulu répondre à nos questions.

Tout cela modifie la donne, mais on y est bien sûr contraint et forcé par le virus.


Jeudi 10 septembre, une fête populaire dans la citée miaulétouse ?

"On attendait donc un très gros retour médiatique, du type qu'une commune comme la nôtre ne peut absolument pas se payer, ou organiser.
Vous savez, le Tour, c'est le plus bel office de tourisme de France. Là, qu'en sera-t-il ?
On sera sur, ce qui est en temps normal, la fin de la saison touristique. Alors on peut espérer qu'il y aura du monde, mais...
Peut-être y aura-t-il des caravanistes, ce sont souvent des gens un peu âgés, le public qui aimait notre Raymond Poulidor, et qui voudra venir, mais ne seront-ils pas encore confinés ?
Pour les gens, ça tombe un jeudi, dans la journée, alors ils seront au travail...
Quant aux enfants, bien sûr on va travailler avec la citée Bernard Palissy (le lycée et le collège de la ville, situés...avenue Raymond Poulidor!), et les écoles, mais là encore, cela pourra difficilement être un jour d e vacances...
".

L'hommage à Raymond Poulidor ?

"À la base, on avait fait de cette date un jour de grande fête.
Mais le décès de Raymond à l'automne avait déjà tout changé.
Avec l'arrivée de l'étape prévue à Sarran, en hommage au président Chirac, c'était donc devenu une journée particulière, mémorielle.
Peut-être la plus forte du Tour, sur ce plan au moins, parce que c'est vrai qu'au niveau sportif, vu le profil de l'étape, ce n'est pas la même chose...
Ce qui était notamment prévu, comme nous sommes à peu près à mi-parcours, c'est que la direction de course prenne de l'avance sur le peloton, pour pouvoir s'arrêter à Saint-Léonard, et rendre hommage à Raymond. Je pense que ce sera encore le cas, mais je n'ai pas eu Christian Prudhomme (le directeur du Tour de France) depuis quelques temps. Et là, je vais le laisser un peu tranquille, je pense qu'il a d'autres chats à fouetter. Et on a un peu le temps avant le 10 septembre
.".

Est-ce si important ?

"Quand on voit ce virus, toutes ses conséquences, au niveau de a santé tout d'abord, mais pas que, finalement, le Tour apparaît bien secondaire.
Et puis on annonce aujourd'hui qu'e le Tour aura lieu, qu'il passera par chez nous le 10 septembre, mais où serons nous le 10 septembre ? Où en sera le virus ? En vrai, il n'y a aucune certitude !
".

Du côté de l'Association des amis de Raymond Poulidor et d'André Dufraisse, également très impliquée dans tous les hommages, tout au long du parcours, son président Claude Louis nous a fait savoir que s'il y avait une réelle satisfaction à voir et le Tour, et cette étape se courir, il y avait en revanche encore beaucoup d'incertitudes quant aux nombreuses manifestations que l'association avait prévu.
Mais que face à l'ampleur, la gravité du virus et les incertitudes le concernant, il y avait de la décence à exprimer, quant bien même vis-à-vis du Tour, et de la retenue quant à la certitude affichée ce jour sur son déroulé.

Le passage par la Corrèze


Le Tour suivant le décès de Jacques Chirac se devait de passer par la Corrèze, ce sera donc chose faite si tout se passe bien d'ici la fin de l'été. Avec cette arrivée ô combien symbolique à Sarran, en plein coeur de la Chiraquie, à quelques encablures du château de Bity, lieu de résidence des Chirac en Corrèze.

Pour Michel Poincheval, maire de la petite cité corrézienne, le sentiment est mitigé : "je suis partagé, ça pose beaucoup de questions. Ce ne sera pas les vacances, donc au niveau des animations, ce ne sera pas du tout ce qu'on avait prévu, les festivités seront forcément impactées. Et les personnes âgées seront-elles seulement déconfinées à ce moment-là ?" Cet intime du couple Chirac aurait préféré un report à l'été 2021, mais "on ne m'a pas demandé mon avis", précise-t-il, fataliste. "Je me mets à la place d'ASO, je comprends leurs contraintes. Et comme la situation évolue tous les jours, c'est compliqué."

Pascal Coste, président du conseil départemental de la Corrèze, salue l'annonce du report, mais reste lui aussi mesuré. "Franchement le Tour n'était pas notre priorité du moment. Mais c'est une bonne nouvelle, surtout sur le plan sanitaire. Ca montre qu'il y a de vraies perspectives d'amélioration, c'est plutôt rassurant, même si ce n'est pas une assurance tout risque, il faut le dire aussi."

Le report à la fin de l'été n'implique pas d'énormes difficultés supplémentaires au niveau logistique, notamment pour la fermeture des routes. "C'est plus pour le public que ça va être un peu plus compliqué", poursuit Pascal Coste, qui espère tout de même une belle fête populaire. "C'est bien aussi pour l'économie locale. A la rentrée on aura bien besoin d'évènements positifs et fédérateurs pour relancer la machine, et le Tour fait partie des rendez-vous les plus populaires, il incarne une forme d'union nationale, un véritable élan. C'est aussi un signal fort envoyé à l'ensemble du pays."

Un Tour aussi tardif, il n'y était pas forcément favorable au départ, mais Jean-Bernard Chazette, président du comité de cyclisme de Corrèze, fait contre mauvaise fortune, bon coeur : "C'est mieux que si c'était annulé, c'est sûr. A huis clos c'était inenvisageable, ça n'aurait eu aucun sens, donc pour les retombées sportives et économiques on est plutôt soulagés."

Même s'il va falloir se réorganiser de fond en comble. "Nous comptions sur le Tour pour effectuer une vaste promotion du vélo dans la région. Nous avions prévu de faire rouler des jeunes sur les 60 derniers kilomètres de l'étape, la veille des pros. Nous devions aussi organiser une randonnée en hommage à tous les grands noms du cyclisme qui jalonnent le parcours." Deux dossiers avaient été déposés et validés, ils devront donc être réexaminés.
 


Le dirigeant local poursuit : "A circonstances exceptionnelles, décisions exceptionnelles. Mais il ne faut pas trop se précipiter. On va devoir tout repenser, y compris les animations annexes prévues, comme l'expo vélo à Tulle, ou le partenariat avec le festival des Nuits de Nacre. On va aussi revoir tout notre calendrier de courses dans la région, il faut qu'on soit souples et réactifs en ce moment."

Quant à l'ambiance sur le bord des routes, les enfants ayant alors repris le chemin de l'école, et leurs parents celui du travail, elle sera elle aussi à réinventer.


La réaction des sportifs

Ancien coureur pro et président de l'Union nationale des cyclistes professionnels (UNCP), le Bergeracois Pascal Chanteur se félicite de la décision entérinée ce matin, mais voit au-delà. "J'ai toujours été favorable à la tenue du Tour, quelque soit les dates, et à partir du moment où les conditions sanitaires sont respectées. Maintenant, il faut que les coureurs puissent retourner s'entraîner sur la route le plus tôt possible."

Pour celui qui avait terminé 2e du Tour du Limousin 96, le Tour est certes une vitrine fondamentale, et son maintien met "un peu de baume au coeur de toute la profession", mais l'ensemble de la filière cyclisme et ses milliers d'emplois en jeu sont toujours en grand danger. "Si on veut s'en sortir, on ne pourra compter que sur nous-mêmes, il faut qu'on soit solidaires entre nous. Comme en 98, quand on a cru que le vélo était mort à cause du dopage."

Pascal Chanteur dénonce aussi la situation actuelle, qu'il juge "absurde". "Ce n'est pas cohérent. On peut se rendre au travail en vélo, mais les pros n'ont pas le droit de rouler. On est victimes d'un problème d'image, catalogués en tant que loisir. Alors qu'on peut très bien s'entraîner seul, en toute sécurité. Il y a une vraie distorsion de concurrence avec certains coureurs étrangers qui peuvent continuer à rouler dans leurs pays, il faut régler ça le plus vite possible." 

Régler aussi les situations parfois très délicates des routiers en fin de contrat ou victimes d'accident du travail. "Il, faut sauver ce qui peut l'être, et organiser toutes les courses possibles, même si elles se chevauchent, il faudra faire avec et trouver des solutions communes."
 
Installé à Chartrier-Ferrière, l'ancien maillot jaune du Tour Romain Feillu vit son confinement avec beaucoup de recul et d'humour, à l'image de ses vidéos postées sur les réseaux sociaux, mais il redevient vite sérieux pour évoquer la nouvelle donne sportive de ce Tour tardif. "Vu les dates annoncées, les délais me semblent largement suffisants pour remettre le peloton d'aplomb. Quand tu es blessé par exemple, en deux mois tu as le temps de revenir."

Pour le Corrézien d'adoption, le risque d'un Tour à deux vitesses est mesuré. "Il y a encore le temps de gommer l'écart entre ceux qui s'entraînent sur la route et ceux qui doivent se contenter du home trainer. Le problème ce serait plutôt l'absence de massage pendant une aussi longue période."

En tout cas le calendrier va sans doute se densifier "chaque course génère sa propre économie, tant pis si le plateau de coureurs est un peu moins relevé", précise Romain. Il faudra a minima une ou plusieurs courses pré-Tour en guise de répétition générale, type Dauphiné Libéré, même en version raccourcie. 
Quant à la proximité immédiate des championnats du Monde (course en ligne programmée le 27 septembre), tout dépendra des états de forme et des stratégies de chacun. "Si la tête tient, à mon avis les grimpeurs concernés par le titre mondial auront quand même intérêt à courir les 3 semaines du Tour."

Tant mieux pour l'intérêt de cette édition 2020, qui ne ressemblera probablement à aucune autre.

 
 
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